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Finances

Délais et pénuries : le magasinage de Noël risque d’être difficile cette année

Qui se souvient du symbole un peu surréaliste du début de la pandémie, c’est-à-dire le #PapierdetoiletteGate? Ça semble bien ridicule quand on y pense mais n’empêche, avec notre regard d’aujourd’hui, on se rend compte qu’à part quelques pénuries ciblées (œufs, farine ou levure à l’épicerie durant quelques semaines), nous avons réussi à passer à travers la pandémie sans trop de problèmes majeurs au niveau de la chaine d’approvisionnement et de distribution.

Ça c'était jusqu’à maintenant. Parce qu’on le réalise désormais, la chaîne d’approvisionnement est un peu comme une chaine de dominos: quand un ne tient plus debout, ça entraîne un effet de cascade avec des répercussions très lointaines et inattendues. Ça peut paraître étonnant que c’est maintenant, plus d’un an et demi après l’arrivée de la COVID-19 dans nos vies, que la chaine d’approvisionnement fait défaut, mais il y a plusieurs facteurs qui expliquent ceci.

Voyons un peu ce qui se passe de ce côté!

Une accumulation de pénuries un peu partout

En 20 mois de pandémie, j’ai eu à changer différentes choses à la maison. Quatre achats ont été plus significatifs que d’autres : un sofa, un frigo, un vélo et une voiture. Dans les quatre cas, la même situation s’est répétée : le magasinage de tous ces items s’est révélé être beaucoup plus compliqué et pénible que ça aurait dû l’être, et nous nous sommes butés à des ruptures de stocks systématiques ainsi que des délais peu réalistes (4 à 6 mois d’attente pour un nouveau frigo, alors que le précédent était à quelques jours de rendre l’âme pour de bon)!

Dans toutes ces situations, il a fallu se tourner vers l’usagé ou des solutions de « système D » : le frigo finalement trouvé in extremis était un modèle de plancher avec quelques petites bosses, pour lequel la livraison n’était pas disponible.

C’est le même facteur qui explique la difficulté actuelle de se procurer des électroménagers et des voitures neuves : une pénurie mondiale de micro-puces, désormais nécessaires pour faire marcher tellement de bidules autour de nous!

Mais même si on ne fait pas face à des rangées complètes de tablettes vides en ce moment, ce genre de manque d'inventaire et de retard de livraison est devenu beaucoup plus fréquent dans les derniers mois. Aux États-Unis, c’est le sujet de l’heure, avec des multiples témoignages de patients qui doivent visiter quatre pharmacies avant de mettre la main sur leur médicament essentiel, de petits entrepreneurs qui n’arrivent tout simplement pas à se procurer des emballages pour leurs produits et d’avertissements de la part des experts qu’une catastrophe semble inévitable à ce point-ci.

Que se passe-t-il avec la chaîne d’approvisionnement mondiale?

On ne réussit pas encore à mettre le doigt sur l’amplitude des changements profonds apportés à nos vies à cause de la pandémie. Mais tout le dérangement de la chaîne de distribution que l’on connaît en ce moment est dû à différents facteurs inter-reliés et de comportements mis en branle l’an passé. En voici quelques-uns.

Au Québec

  • Pendant les différentes périodes de confinement, les gens ont arrêté certaines dépenses importantes, comme les voitures. Mais par la suite, le secteur a connu une demande beaucoup plus grande que prévue, causant des pressions.
  • Simultanément, les gens se sont mis à dépenser beaucoup plus que d’habitude sur des choses reliées à leur nouvelle vie à la maison : équipement de sport, accessoires de cuisine, vêtements confortables, articles de décoration, électronique, livres, jouets, etc.
  • L’achat en ligne a soudainement explosé. Avant la pandémie, il y avait quand même un noyau non-négligeable de purs et durs qui ne s’étaient toujours pas convertis aux commandes sur le Web. La pandémie a été l’élément déclencheur pour la plupart d’entre eux, créant une pression énorme sur la chaine de distribution, la poste et les compagnies de livraison.

Aux États-Unis

  • La majorité de la marchandise en provenance de la Chine arrive sur le continent par deux ports seulement, soit celui de Los Angeles et celui de Long Beach (qui sont situés à quelques kilomètres l’un de l’autre). Ces ports connaissent actuellement une accumulation monstre et inédite du transit des conteneurs. Habituellement, environ 60 navires se trouvent à tout moment à l’un de ces ports en Californie; dernièrement il y en avait plus de 160, avec plus de 60 au large en attente d’une place pour se décharger! Alors que pré-pandémie, il n’y avait à toute fin pratique pas d’attente lorsque ces navires arrivaient aux États-Unis, ces cargos demeurent présentement au large pendant des semaines, accentuant encore les retards.
  • Le transport par camion connaît également beaucoup de délais et de ratés depuis quelques temps, un peu à cause des protocoles sanitaires accrus et des contrôles de COVID aux frontières, mais surtout à cause d’un manque crucial de camionneurs, faisant partie d’un autre phénomène pandémique que les Américains appellent The Great Resignation (la grande démission de masse).
  • Les travailleurs de cette chaine d’approvisionnement et de distribution ne sont pas immunisés au virus, qui cause bien sûr beaucoup d’absences du travail et de congés de maladie, parfois à plus long terme.
  • Pour couronner le tout, USPS, la poste américaine, qui est en très mauvaise posture financière, a récemment annoncé qu’elle n’avait pas le choix de suspendre la plupart de ses livraisons par avion. Cette nouvelle ajoute aux délais et aux problèmes de transport.

Cette situation est similaire en Europe : le méga-port de Rotterdam aux Pays-Bas est tout aussi affecté, et le transport par camion entre les îles britanniques et le continent est en crise constante depuis un an.

En Asie

  • La Chine a tourné une grande partie de sa production manufacturière vers la fabrication d’équipement de protection personnel, comme des masques. D’autres productions ont donc accumulé du retard, mais la Chine fait désormais livrer ces équipements partout dans le monde, se détournant ainsi de ses quelques « routes » plus habituelles (Europe occidentale, Amérique du Nord, Australie).
  • Beaucoup d’usines ont également dû fermer sporadiquement depuis un an et demi, à cause de confinements ou d’éclosions de COVID. Ceci a mené à des retards et des manques de marchandise, bien entendu.
  • La Chine, dont l’énergie provient majoritairement du charbon, a connu énormément de pannes d’électricité dans les derniers moisPrès de la moitié de toute l’activité industrielle du pays aurait été touchée par ces multiples pannes. C’est le gouvernement qui rationne ainsi l’énergie et impose ces coupures de courant, alors que le charbon est plus rare que jamais et que son prix est anormalement élevé.

En gros, notre économie est désormais entièrement mondialisée, reposant de plus en plus sur le transport de petites commandes plutôt que sur de gros inventaires centralisés et énormément basée sur le principe du « just-in-time ». Tous ces facteurs ont été chamboulés par la pandémie, qui a révélé la fragilité de ce système et ses multiples points de défaillance potentiels, qui ont presque tous été mis à mal dans la dernière année. Tout ceci s’est précipité dernièrement pour résulter en une crise sans précédent ou presque!

Le pire est encore à venir

C’est toujours plate d’amener des mauvaises nouvelles, mais c’est le message récurrent de tous ceux qui s’y connaissent : la situation va devenir encore pire avant de se résorber et de s’améliorer.

Le président de la compagnie de livraison UPS, Scott Price, a même annoncé publiquement qu’il s’attendait à ce que cette situation persiste encore pendant une bonne partie de l’année 2022, et même jusqu’en 2023.

Malheureusement, tous ces problèmes et ces pressions créent, en plus des délais, une hausse de prix pour les consommateurs, qui ne disparaitra pas de sitôt. Pour les compagnies qui font venir des conteneurs de marchandise d’Asie, le prix du transport a augmenté de 500 % depuis l’année dernière! Si les entreprises veulent continuer à faire de l’argent, elles n’ont donc pas le choix de refiler la facture aux consommateurs.

Des dérangements encore plus importants pour l’économie globale pourraient même commencer à se manifester, à mesure que ces dérangements poussent les grandes entreprises à déclarer des revenus moins importants que prévus, se répercutant dans les marchés financiers avec les conséquences que l’on connaît.

Mon meilleur conseil : commencer à magasiner maintenant pour Noël

Voici le meilleur conseil que je peux vous donner : ne pas tarder à faire vos achats pour les Fêtes. Avec deux mois d’avance, c’est encore jouable pour la plupart des items. Acheter en décembre veut probablement dire risquer de reçevoir les articles en février ou en mars, ce qui reste difficile à expliquer aux enfants - et désagréable pour tout le monde!

Les grands magasins l’ont compris, et ont déjà pour la plupart lancé leur « offensive » du temps des Fêtes encore plus tôt que d’habitude cette année. Fait inhabituel pour octobre, on trouve déjà plusieurs décors et ambiance de Noël dans les magasins, accompagné de marchandise saisonnière et de rabais plus typiques de la fin novembre.

Un autre conseil serait de prévoir des plans B pour les items spécifiques de votre liste, spécialement les nouveautés qui sont en forte demande.

Les experts recommandent de plus de ne pas attendre les ventes si vous tenez réellement à acheter quelque chose; pour l’obtenir, c’est vraiment mieux de prévoir payer le plein prix et de ne pas attendre qu’un rabais survienne d’ici Noël. Si c’est le cas, ce sera une agréable surprise!

Les consommateurs ont également intérêt à profiter de différents moyens de se procurer certaines choses : en partie en ligne, en partie en magasin, en partie en ramassage en magasin, en partie en « livraison dans la voiture »… Ceci permet non seulement de minimiser les risques de retard, mais aussi de ne pas trop surcharger les commerces ou les compagnies de livraison, qui font souvent face à une pénurie d’employés en plus de tout le reste. Chose certaine, la patience sera de mise, cette année!

Et si vous ne l’aviez jamais envisagé avant, c’est le temps ou jamais de vous tourner vers l’économie circulaire pour certains produits! Les magasins de seconde main, les marchés aux puces, les brocantes et la plateforme Marketplace (ou les groupes Facebook spécialisés) proposent tous des articles usagés (mais presque neufs) à vendre, qui pourraient faire le bonheur de plusieurs personnes autour de vous.

Il s’agit non seulement d’une alternative écologique et plus économique que le neuf, mais dans ce cas précis ça pourrait également permettre de mettre la main sur des items (jouets, jeux vidéos, accessoires, équipement de sport, déco, divertissement comme des beaux livres ou de la musique, etc.) difficiles à se procurer autrement.

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