L’idée d’un Québec souverain, indépendant, n’est pas née avec René Lévesque dans les années 1960. Déjà les patriotes, dans la première moitié du 19e siècle, en rêvaient… Petit tour d’horizon de 12 hommes qui ont pensé, un jour, que, oui, le Québec avait tout pour être un pays.
Crédit photo: Archives nationales du Canada, Ottawa, Jules-Isai Benoît de Livernois/206/ic-1B/PR-6/S-130 no7
Louis-Joseph Papineau
Louis-Joseph Papineau est considéré comme étant le chef du parti des patriotes, une force rebelle qui, en 1837 et 1838, a affronté 3 fois en vain l’armée anglaise. Né en 1786, Louis-Joseph Papineau était un homme politique et un avocat qui a d’abord été monarchiste.
En 1832, il veut instituer une république du Bas-Canada (le Québec) par des moyens pacifiques en faisant pression sur le gouvernement britannique. Certains patriotes s’impatientent et réclament plutôt une protestation armée, ce à quoi Papineau se refuse, car il ne veut pas « accélérer la séparation de la mère patrie, mais plutôt préparer le peuple à vivre dans un âge qui ne sera ni monarchique, ni aristocratique. »
Quand sa tête est mise à prix en 1837, Papineau s’enfuit aux États-Unis, puis en France, et ne revient au pays qu’après l’amnistie générale de 1845. Certains considèrent qu’il a joué un rôle de premier plan dans des événements qui ont été parmi les plus marquants de l’histoire du Québec, mais pour d’autres, Louis-Joseph Papineau est surtout un déserteur.
Il est mort en 1871. Sa réputation d'homme très intelligent survit encore aujourd'hui dans l'expression populaire « Ça ne prend pas la tête à Papineau ».
Crédit photo: Image numérisée à partir de la reproduction publiée en page 164 du livre Portraits de Patriotes 1837-1838, oeuvres de Jean-Joseph Girouard, de Jonathan Lemire, VLB Éditeur / Wikimédia Commons
Chevalier de Lorimier
Chevalier de Lorimier, né en 1803, est notaire de profession. En 1922, à 19 ans, il milite contre le projet du gouverneur d’unir le Haut et le Bas-Canada. 5 ans plus tard, il signe une pétition qui condamne la politique despotique de ce même gouverneur.
Quand, en 1834, le Bas-Canada demande sa pleine autonomie, ce que Londres lui refuse, de Lorimier crée le Comité central de Résistance. À la suite d’affrontements contre des partisans du gouverneur, ce dernier lance un mandat d’arrêt contre de Lorimier, ce qui l’oblige à se réfugier aux États-Unis. Il y organise le soulèvement des patriotes de Beauharnois de 1838.
Les patriotes sont défaits lors de ce soulèvement et de Lorimier est fait prisonnier alors qu’il tente de retourner aux États-Unis. Il est reconnu coupable de haute trahison et est pendu, ainsi que 4 de ses amis. Il avait 36 ans.
Crédit photo: Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Wikimedia Commons
Honoré Mercier
Avant d’être un pont, Honoré Mercier est un avocat, journaliste et politicien québécois né en 1840. Dès 1864, Mercier s’est opposé au projet de confédération, croyant qu’il irait contre les intérêts des Canadiens Français.
Il est premier ministre du Québec de janvier 1887 à décembre 1891, en tant que chef du parti libéral et le premier des premiers ministres du Québec à parler d’autonomie provinciale et à prôner l’indépendance du Québec.
En 1887, Mercier convoque la première conférence interprovinciale à Québec, à laquelle il invite tous les premiers ministres des provinces afin de discuter de leur autonomie. Honoré Mercier est le précurseur de tous les premiers ministres des décennies suivantes qui demanderont au fédéral de ramener la balance des pouvoirs au provincial.
Crédit photo: Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Wikimedia Commons
Joseph-Napoléon Francoeur
Joseph-Napoléon Francoeur, né en 1880, est un homme politique et avocat québécois qui a été ministre des Travaux publics de 1930 à 1936, sous le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau.
Son nom est resté dans les annales entre autres parce qu’il a proposé, en 1917, une motion visant à rompre la Confédération canadienne de 1867. La motion n’a jamais été votée, mais les souverainistes la retiennent comme étant un geste précurseur de leur mouvement politique. Francoeur est mort en 1965.
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Crédit photo: bilan.usherbrooke.ca
Marcel Chaput
Marcel Chaput est un biochimiste né en 1918. En 1960, il participe à la fondation du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), dont il est vice-président et président. Par ses écrits et discours, par son action électorale et par 2 grèves de la faim, il joue un rôle considérable dans la propagation de l'idée d’indépendance.
En 1961, il publie Pourquoi je suis indépendantiste, un texte fondamental du mouvement indépendantiste moderne dans lequel il soutient que le Canada, de par sa structure même, condamne le peuple québécois à rester une minorité et que le Québec peut et doit devenir un pays.
Dès 1971, en tant que coauteur de Dossier Pollution, il attire l'attention de l'opinion publique sur l'ampleur et la gravité de la dégradation de l’environnement. En 1975, il est, avec sa femme Madeleine Dompierre Chaput, le premier récipiendaire du titre de Patriote de l'année, décerné par la Société Saint-Jean-Baptiste. Marcel Chaput est décédé en 1991 à Montréal.
Sur la photo, les chantres du nationalisme des années 1960, Marcel Chaput, Reggie Chartrand, Raymond Barbeau et Raoul Roy, lors du lancement d’un ouvrage de Raymond Barbeau, en 1977, à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Crédit photo: Centre de recherche Lionel-Groulx, P31/T1,62.3.
Raymond Barbeau
Né en 1930, Raymond Barbeau est d’abord un professeur de langues à l’École des hautes études commerciales de Montréal, de 1959 à 1967. Également écrivain et militant pour l’indépendance du Québec, il fonde en 1957 l’Alliance laurentienne, qui prône l’indépendance du Québec, s’oppose à l’impérialisme anglo-saxon et propose la naissance d’une République de Laurentie. Considérée comme marginale et trop à droite par plusieurs indépendantistes, l’organisation est dissoute en 1963 et ses membres se joignent au Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) qui, contrairement au groupe de Barbeau, reste neutre sur les questions religieuses, sociales et politiques, du moins jusqu’en 1964, quand il est transformé en parti politique par Pierre Bourgault.
Raymond Barbeau devient par la suite naturopathe, métier qu’il exerce de 1967 à 1992, l’année de sa mort. Il a écrit de nombreux ouvrages sur la naturopathie.
Raoul Roy en 1960, au moment de la fondation de l'Action socialiste pour l'indépendance du Québec. Crédit photo: Antoine Désilets
Raoul Roy
Raoul Roy est un journaliste, essayiste et militant nationaliste né en 1914, qui s’est fait connaître par son engagement et son militantisme nationaliste d’extrême droite.
Durant les années 1930, il est attiré par le fascisme, mais change d’orientation politique après la Seconde Guerre mondiale pour se rapprocher des socialistes du Parti ouvrier progressiste. Cet ancien prêtre devient alors le défenseur d’une idéologie extrémiste qui mélange nationalisme et socialisme.
Il fonde en 1960 l’Action socialiste pour l’indépendance du Québec (ASIQ). Il devient documentaliste à la Société Radio-Canada en 1966 et le restera jusqu’à sa retraite, à la fin des années 1970.
Raoul Roy est aujourd’hui considéré comme le père spirituel du FLQ (Front de libération du Québec). Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages polémiques et a fondé plusieurs revues indépendantistes québécoises.
Pierre Bourgault parlant à un groupe de souverainistes lors d’une rencontre du Bloc québécois, dans la ville de Québec, le 26 février 1995. Crédit photo: CP PICTURE ARCHIVE/Jacques Boissinot
Pierre Bourgault
Pierre Bourgault, né en 1934, est l’un des pionniers du mouvement indépendantiste québécois. Grand orateur, il aurait écrit et prononcé près de 4000 discours au cours de sa carrière. Celui qui rêvait de faire du théâtre, a travaillé comme acteur et régisseur pour Radio-Canada, devient tour à tour journaliste, homme politique, professeur d’université, essayiste, éditorialiste et animateur radio.
Très marqué dans sa jeunesse par l’oppression linguistique des Québécois francophones et par la chape de plomb que maintenait l’Église catholique sur la société civile, il se positionne vite en défenseur du peuple, dénonce les injustices, plaide contre la peine de mort, reconnait le droit à l’avortement et prône l’indépendance du Québec.
En 1964, alors qu’il n’a que 30 ans et que le Québec est en plein coeur de la Révolution tranquille, il devient le président du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), poste qu’il abandonne en 1967 pour se joindre au Parti québécois de René Lévesque.
Ses querelles avec Lévesque, qu’il a notamment traité de « petit despote de province », sont légendaires. Il quitte le parti québécois au début des années 1980. Il est mort en 2003, à 69 ans.
Le premier ministre René Lévesque alors qu’il s’apprête à assister à une réunion du parti québécois à Québec, le 10 décembre 1981. Crédit photo: THE CANADIAN PRESS/Jacques Nadeau
René Lévesque
René Lévesque est né en 1922 au Nouveau-Brunswick dans un village à majorité anglophone et bourgeoise. Il a été journaliste et correspondant de guerre, animateur de radio et de télévision, avant de se lancer en politique en 1960 et d’être élu député de l’Assemblée nationale.
Il joue alors un rôle important, finalisant entre autres la nationalisation de l’électricité alors qu’il est ministre des Ressources naturelles du gouvernement libéral. En 1965 et 1966, il est ministre de la Famille et du Bien-être social et c’est sous son ministère que la province se dote d’un régime d’adoption, d’une aide aux familles monoparentales et d’un service d’assistance médicale gratuite.
En 1968, René Lévesque parvient à rallier auprès de lui diverses tendances autour de l’idée de l’indépendance, dont le Ralliement national de Gilles Grégoire, et fonde le Parti québécois. Après une percée aux élections de 1970 et 1973, le PQ est porté au pouvoir en 1976. Le PQ aura 2 mandats, de 1976 à 1980 et de 1981 à 1985.
En 1984, le parti connait une crise très grave quand René Lévesque annonce son intention de mettre en veilleuse l’option indépendantiste. Ce choix scinde le parti et plusieurs têtes d’affiche du gouvernement démissionnent du caucus. 6 mois plus tard, René Lévesque démissionne.
Il meurt d’une crise cardiaque en 1987, à 65 ans, 2 ans après s’être retiré de la vie politique.
Le député indépendant Gilles Grégoire parle aux journalistes, après que le ministre de la Justice Pierre-Marc Johnson est rejeté sa plainte pour violation de ses droits légaux lors d’une session de l’Assemblée nationale du Québec, le 14 juin 1984. Crédit photo: CP PHOTO/Clement Allard
Gilles Grégoire
Gilles Grégoire, né en 1926, est tout d’abord député créditiste à la Chambre des communes du Canada de 1963 à 1966, avant de devenir le président du Ralliement national et le cofondateur, avec René Lévesque, du Parti québécois. Il est élu, après une première tentative infructueuse, député du Parti québécois en 1976, et de nouveau en 1981.
En 1983, il décide de siéger comme député indépendant. Il meurt à 80 ans, en 2006, après avoir connu une triste fin de carrière à la suite de sa condamnation en 1983 pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineures.
L'ancien premier ministre du Québec Jacques Parizeau prend la parole devant les délégués du congrès du parti Option nationale, le 2 mars 2013. Crédit photo: THE CANADIAN PRESS IMAGES/Graham Hughes
Jacques Parizeau
Jacques Parizeau est né à Montréal en 1930. Cet économiste est d’abord partisan du fédéralisme canadien, jusqu’à ce qu’il prenne conscience de la situation économique du Québec, qu’il devienne souverainiste et se joigne au Parti québécois en 1969.
Défait aux élections de 1970 et 1973, il est élu député en 1976 et devient ministre des Finances, jusqu’en 1984. En 1994, Jacques Parizeau mène le Parti québécois à la victoire électorale en formant un gouvernement majoritaire. En tant que premier ministre, il promet de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec.
Le 30 octobre 1995, le référendum est tenu et le projet souverainiste de Parizeau est rejeté par une très faible majorité (50,6 %). Le lendemain, fidèle à sa promesse, Jacques Parizeau démissionne comme chef du parti québécois et comme premier ministre du Québec. Il décède le 1 juin 2015.
Jean-Martin Aussant, à Québec le 5 avril 2012. Crédit photo: THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot
Jean-Martin Aussant
Jean-Martin Aussant, né en 1970, est un économiste qui a été élu député péquiste lors des élections québécoises de 2008, devenant ainsi le porte-parole du parti en matière d’économie. En juin 2011, il décide de siéger comme député indépendant en raison de divergences avec la chef du Parti québécois, Pauline Marois, et annonce en septembre de la même année la création du parti Option nationale, un parti qui prône, entre autres, la souveraineté du Québec.
À l’élection nationale du 4 septembre 2012, Jean-Martin Aussant est défait par le candidat de la CAQ. Il déçoit ensuite bien des partisans de l’indépendance quand il annonce en juin 2013 qu’il quitte la vie politique pour des raisons familiales et qu’il renonce à son poste de chef du parti Option nationale.