Rihanna, Madonna, Zoe Kravtiz, Lady Gaga, Jessica Biel, FKA twigs, Katy Perry, Scarlett Johansson... Elles sont nombreuses à avoir flirté avec leur côté rebel en arborant un perçage au septum (la cloison nasale au centre du nez).
Ce petit bijou arrive à soulever les passions: rarement ai-je vu autant de gens s’opposer aussi farouchement à une tendance (mis à part les Crocs ou les bas dans les sandales, genre). Ça n’en prenait pas plus pour me donner envie de l’essayer.
Je fais le saut... 15 ans en retard sur les gens qui m’entourent
J’ai longtemps jugé toute forme de modification corporelle, plus particulièrement le perçage. Je préférais nettement le corps dans son état originel, plutôt qu’agrémenté d’un signe chinois à la nuque ou d’un bijou en forme de dauphin dans le nombril (oui, mes préjugés sont directement issus de 1997).
Malgré tout, c’est à l’âge de 30 ans, avec à peu près 15 ans de retard sur les gens qui m’entourent, que je change mon fusil d’épaule et décide de me faire percer, pour la première fois. #crisedelatrentaine is trending.
Je me lance: prise d'un rendez-vous chez le perceur
Un matin de septembre, je prends rendez-vous pour me faire percer chez Mauve, apparemment le meilleur endroit à Montréal. Par courriel, on me rassure en me vantant les avantages du perçage du septum (comparé aux autres) :
- Ça ne laisse pas de cicatrice visible
- C’est possible de le dissimuler pour aller bruncher avec votre grand-mère
- Ça ne fait pas si mal (je ne gagerais pas un sundae là-dessus, mais bon)
J’aime, j’achète.
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Mais quand la chienne te pogne...
Or, la veille du rendez-vous, je choke. Complètement. Tétanisée par la peur: la peur de la réaction de mon entourage, la peur de perdre des contrats en télévision… La peur du jugement, en gros. Je me croyais au-dessus de l’avis des autres, mais soudainement, je n’ose plus affronter les commentaires désobligeants du public sur les médias sociaux. C’est fascinant à quel point une Denise quinquagénaire, avec un chat comme photo de profil, peut aisément se transformer en Anna Wintour (rédactrice en chef du Vogue), quand on lui demande de se prononcer sur l’apparence d’une personnalité publique. The Devil wears Pitt Chaussures.
Je me vois déjà écrire le titre de mon article: «Projet septum: Un nez-chec». Sueurs froides. Je n’accepte pas d’avoir pensé à un aussi mauvais jeu de mots, ni de m’être dégonflée. Je me ressaisis alors: pourquoi pas un faux perçage, question de vivre mon trip (probablement passager) en cachette?
À la boutique Unicorn, un petit anneau à triangle de Maksym Joallerie capte mon attention. C’est le dernier du magasin. Tel Golum dans le Seigneur des Anneaux, je me lance dessus, pour ne pas me faire voler mon précieux.
Furtivement, à la maison, j’enfile mon faux piercing. Je me trouve belle. Badass belle, comme. Triomphante et fébrile, je décide alors d’affronter le monde, armée de mon (faux) anneau au nez: je publie une photo de mon nouvel ami et moi sur Facebook et Instagram, puis je le sors dans un 5 à 7.
Woupelaïe.
Ça a dérapé, comme on dit.
Ma photo est submergée de commentaires de désapprobation. Les sites à potins relayent la nouvelle, ce qui génère encore plusieurs centaines de remarques, allant du dégoût au mépris, en passant par les emojis en pleurs.
À la quantité de haine déversée, on pourrait presque croire que je me suis auto-défigurée à coups de pelle de métal. Les gens peuvent vraiment manquer de tact. Shake it off, comme dirait ma bff Taylor Swift.
Les médias sociaux sont un terrain miné, il va sans dire, mais dans la «vraie» vie, la réaction est moins violente. À mon 5 à 7, je sens le regard des gens glisser vers mon nez, mais personne n’ose aborder le sujet, sauf une fille, qui me confie rêver d’en avoir un elle aussi, mais ne pas pouvoir à cause de son emploi.
Le perçage du septum, ça passe pas (encore)
Parlant de travail, je vous confirme que le septum à la télé, ça ne se passera pas de sitôt. Après ma deuxième apparition en ondes avec mon nouveau look, la productrice me laisse savoir qu’à l’avenir, il ne sera plus question d’arborer un petit bout de métal sous mon nez. C’est dérangeant et ça renvoie une mauvaise image, semble-t-il.
Pourtant, nombreux sont les symboles, autrefois associés aux sous-cultures peu fréquentables, qui sont aujourd’hui largement acceptés : pensez aux cheveux bleus, aux studs, aux tatouages, au vernis à ongles noir, etc. Qui s’en offusque aujourd’hui? Plus personne. Pourquoi? Parce qu’un consensus social s’est bâti autour de ceux-ci. L’industrie de la mode s’est approprié et a marchandisé la marginalité.
Le désir d’être unique et d’afficher notre individualité n’a jamais été si présent qu’aujourd’hui. Pourtant, lorsque je parcours les blogues de mode et les comptes Instagram, j’ai l’impression de revoir les mêmes looks en boucle. Où est le plaisir dans le fait de copier/coller les mêmes tendances? Un kimono avec un short en jean, c’est cute, oui. Mais un kimono avec un short en jean à chaque coin de rue, ça devient lassant, non? À l’ère des réseaux sociaux, on vit avec la volonté de vouloir se démarquer, tout en ayant un profond besoin d’approbation. C’est paradoxal, non?
Et moi, en voulant afficher ma différence et en vous racontant mon #SeptumGate, je suis tombée en plein dans le paradoxe.
J’imagine que c’est un peu ça, finalement, avoir 30 ans : on fait autant d’erreurs qu’à 20 ans, mais avec un peu plus d’humilité et d’autodérision. ¯\_(ツ)_/¯
PS : Soyez donc gentils sur les médias sociaux...
PS #2 : Je vais quand même continuer à porter mes faux septums. LIBÂÂÂRTÉ!
Observations pratiques pour celles qui voudraient porter le faux septum
- Réajuster un faux septum en public, c’est aussi avoir l’air de se fouiller dans le nez.
- Se moucher avec un faux septum: un périlleux projet.
- Enlever son faux septum, c’est facile. C’est encore plus facile de le laisser quelque part, par inattention. Moins facile de se rendre compte que quelqu’un a dû le manipuler afin de le placer en lieu sûr. Germes et malaises.
- Portez attention afin d’éviter l’appropriation culturelle. C’est chouette, les bijoux indiens, mais ça a une signification particulière, à laquelle il faut demeurer sensible.
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