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Shudu Gram est une des mannequins les plus appréciées sur Instagram avec ses 237 000 abonné.e.s. La top modèle attire tous les regards vers elle avec ses poses audacieuses et elle a déjà fait la couverture du magazine Vogue en Australie.
Sa plus grande particularité? Elle n’est pas humaine, même si des vraies mannequins lui prêtent certains de leurs traits personnels pour mieux la définir: elle a entièrement été créée par l’intelligence artificielle.
Les mannequins dupliqué.e.s par l’intelligence artificielle comme Shudu Gram sont de plus en plus nombreux.ses dans l’industrie de la monde.
«Ils viennent en principe pour remplacer des mannequins réels, donc des mannequins qui sont embauchés pour faire des sessions de photographie ou de vidéographie avec des vêtements», soulève Renato Hübner Barcelos, professeur de marketing numérique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
La compagnie suédoise H&M vient d’ailleurs d’annoncer que ses mannequins seront bientôt dupliqué.e.s, alors que d’autres marques comme Mango et Levi Strauss & Co. ont déjà utilisé cette pratique.
Bien que la duplication des mannequins par l’intelligence artificielle a quelques avantages, des inquiétudes font surface pour les personnes qui gagnent leur vie dans cette industrie.
Au Québec, un constat est clair: la duplication des mannequins par l’intelligence artificielle est moins populaire pour l'instant.
«Une chance au Québec, il n’y en a pas beaucoup. Ce n’est pas encore tant arrivé ici, mais ça commence à se faire sentir», exprime Bianca*, une représentante de mannequins qui préfère rester sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles.
Cette dernière, qui possède sa propre agence de mannequins, a beaucoup de craintes envers cette pratique. Pour Bianca, c’est surtout la protection de son mannequin dans cette procédure qui lui soulève des inquiétudes.
Elle explique notamment qu’elle peut perdre l’utilisation de l’image de son mannequin sans avoir demandé son avis ou son approbation.
Une chance au Québec, il n’y en a pas beaucoup. Ce n’est pas encore tant arrivé ici, mais ça commence à se faire sentir. -Bianca*, une représentante de mannequins qui préfère rester sous le couvert de l'anonymat
D’après Renato Hübner Barcelos, des raisons culturelles sont liées à la moins grande popularité de cette pratique dans la province.
Les marques ont tendance à engager des mannequins qui sont connu.e.s par le public pour promouvoir leurs campagnes. La reconnaissance des mannequins favorise l’attachement du public.
«Disons qu'on prend une actrice, quelqu’un qu’on connaît déjà, cette personne-là n’est pas seulement une mannequin. Elle vient avec des valeurs et un historique, plus ou moins comme une influenceuse. On perd ça quand on utilise des mannequins virtuels», donne comme exemple le professeur de l'UQAM.
Bien que Bianca trouve que les images de mannequins générées par l’intelligence artificielle ne sont pas encore parfaites, les marques commencent à y voir une certaine opportunité.
C’est d’ailleurs le cas de l’entrepreneur et créatif Audric Gagnon qui est sur le point de lancer la production de son premier chandail conçu avec l’intelligence artificielle.
Son chandail est présenté sur la plateforme de création de produits Off/Script avec des mannequins généré.e.s par l’intelligence artificielle.
Sachant que l’industrie de la mode n’est pas un milieu très écologique en raison de ses différents procédés et de ses nombreuses étapes, M. Gagnon a voulu renverser la balance en trouvant une nouvelle manière de rendre cette industrie moins polluante.
En confectionnant son premier chandail avec des mannequins créés par l’intelligence artificielle, il a rapidement réalisé à quel point «l’aspect du gaspillage» n’est plus présent.
La production peut aussi se faire «à petite échelle», ce qui diminue considérablement les coûts. C’est ce qu’il compte faire lorsque la production de son premier chandail sera officiellement lancée.
De son côté, Renato Hübner Barcelos indique aussi la «réduction importante des coûts», mais également «une réduction du temps et une possibilité de contrôler le résultat».
«Si on veut un mannequin avec une certaine apparence physique pour un public spécifique, on peut le générer automatiquement au lieu de chercher une personne qui rassemble ces besoins», fait-il valoir.
Lorsque des mannequins de son agence sont dupliqué.e.s, Bianca évoque qu’ils et elles sont payé.e.s «un peu moins qu’une journée de travail normale».
Elle ajoute que ce ne sont pas seulement les mannequins qui écopent de cette pratique: «les photographes, les techniciens présents lors des séances de photos, les maquilleurs, les coiffeurs et les stylistes» perdent des opportunités.
Optimiste quant à l’avenir de l’industrie de la mode avec l’intelligence artificielle, Audric Gagnon souligne qu’il y a «une petite poignée de gens qui voient le potentiel et l’opportunité» de cette nouvelle pratique dans la province.
«On essaye d’engager des discours avec de [grandes agences de mannequins et de talents], mais ces grosses entités voient plus [l’intelligence artificielle] comme une menace», admet-il.
Renato Hübner Barcelos est convaincu que les mannequins dupliqué.e.s par l’intelligence artificielle seront plus présent.e.s dans les campagnes de mode au cours des prochaines années au Québec,
Toutefois, il ne croit pas que cette pratique va nécessairement devenir «la norme» dans l’industrie. «À la fin, ça va dépendre beaucoup de la réponse du marché et des gens», laisse-t-il tomber.
*Prénom fictif afin de préserver l'anonymat
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