La grossophobie englobe les comportements lourds de préjugés, de suppositions, de haine et de jugements envers les grosses personnes. Ces attitudes hostiles stigmatisent et souvent même discriminent les gros parce que ceux-ci ne cadrent pas dans les standards corporels imposés par la société.
Ce terme dérivé de l’expression anglophone «fat phobia» a fait son apparition au milieu des années 90 dans le livre Je suis grosse, et alors? de l’actrice française Anne Zamberlan (1994). En 2019, le mot «grossophobie» fait son entrée dans le dictionnaire Robert. La définition qui le suivra est celle-ci «attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids».
La grossophobie s’exprime de différentes façons :
- juger les actions des grosses personnes;
- présupposer que celles-ci font de mauvais choix de vie;
- hiérarchiser les gens selon leur poids;
- prétendre qu’elles sont responsables de leur «état»;
- faire subir des agressions diverses;
- discriminer une personne à cause de son poids.
Dans la vie de tous les jours, cela peut se traduire par se faire refuser un emploi, se faire dévisager parce qu’on mange une poutine («C’est pour ça!» ou une salade («Hein? Tu manges ça!»), se faire prendre pour un lâche ou pour quelqu’un qui n’est pas capable de se prendre en main, s’étonner que cette personne soit capable de porter une camisole, donner des conseils pour maigrir, ne pas recevoir de bons soins chez le médecin, etc. Résultat? Une souffrance bien réelle doublée au fait que même les infrastructures (banc d’avion ou de métro, siège de spectacle, manège, etc.) deviennent des obstacles physiques comme d’innombrables rappels d’une société où la grossophobie est bien en place.
Partout, autour de nous, sur les couvertures des magazines, dans les innombrables photos «avant-après», dans les livres de diètes «miracle», dans les films et dans les médias, on nous sert des stigmatisations liées au poids. On en finit par croire qu’être mince, c’est mieux. Pire encore, cette forme de discrimination envers les gros est socialement acceptée comparativement au racisme et au sexisme. Pourtant, c’est un système qui met en place une exclusion douloureuse qui a des effets dévastateurs.
Les victimes de grossophobie finissent par croire qu’elles n’ont pas de valeur parce que c’est le message qu’on leur renvoie partout. Évidemment, du coup, elles se dévalorisent et cela affecte leur qualité de vie, leur estime d’eux et leur confiance. Elles peuvent même être tentées de s’isoler ou adopter des comportements néfastes pour leur santé.
Être grossophobe envers soi
L’auteure Gabrielle Lisa Collard a écrit une excellente réflexion sur nos propres comportements en essayant de déterminer si vouloir perdre du poids était un comportement grossophobe. Sa conclusion? Oui, vouloir maigrir intentionnellement est grossophobe. Comme bien d’autres agissements comme avoir peur d’engraisser, se priver de certains aliments même si on en a envie, juger les habitudes de vie des grosses personnes, attribuer tous nos problèmes à notre taille, etc. Mais elle insiste sur un point : c’est totalement compréhensible même si c’est contradictoire. Une réflexion à lire pour mieux comprendre les rouages tortueux des effets dévastateurs de la grossophobie.
La santé et le poids
Un des mythes à déboulonner est celui que la santé et le poids ne font qu’un. Il est faux de prétendre que les minces sont en santé et que les personnes en surpoids ne le sont pas. Le poids n’est pas que la seule indication à observer pour juger la santé d’une personne. L’alimentation n’explique pas non plus à elle seule le poids d’une personne.
En somme, pour contrer cette forme de discrimination, il faut bannir les comportements de «body shaming» et miser sur ceux qui prônent la diversité corporelle, le «body positive» et l’alimentation intuitive, entre autres. Il peut également être salvateur de porter sur son corps un regard objectif et apprécier sa fonctionnalité avant son apparence - certains appellent cela la neutralité corporelle.
POUR EN SAVOIR PLUS
Le livre La vie en gros : regard sur la société et le poids, par Mickaël Bergeron, Éditions Somme toute, 2019.
Le blogue Dix Octobre de Gabrielle Lisa Collard