Lors d’une conférence TED qui se déroulait en Allemagne en 2017, l’historienne Tiffany Watt Smith a présenté une toute nouvelle vision de l’intelligence émotionnelle. D’abord, la chercheuse a insisté sur le fait que la vie émotionnelle des gens un peu partout sur la planète ne se résume pas qu’à quelques émotions de base (joie, tristesse, peur, dégoût, colère, surprise) et que celles-ci ne sont pas vécues de la même façon selon la culture ou le pays où on vit. Pour elle, les émotions ne sont pas qu’un réflexe à un événement externe. Les émotions ont une longue histoire qui n’est pas encore terminée d’écrire… et qui ne le sera probablement jamais!
Les émotions à travers l’histoire
Pour l’historienne, les émotions font partie d’un système immensément complexe et sont influencées par une part biologique, bien sûr, mais aussi par les grands changements historiques, culturels et économiques, les réalités géographiques, les pratiques religieuses, les croyances et les valeurs. Elle donne comme exemple qu’en 1688, le mot « nostalgie » signifiait un intense mal du pays pouvant potentiellement causer la mort. Aujourd’hui, la souffrance qui y est associée est beaucoup moindre peut-être à cause des effets de la modernité (invention du téléphone, moyens de transport plus efficaces et rapides, etc.). On parle de nostalgie pour nommer un certain regret d’un temps ou d’un lieu perdu.
Les grands changements à travers l’histoire ont façonné les émotions et la signification qu’on leur porte.
L’influence des mots pour décrire les émotions
Peut-être encore plus important encore, le choix des mots pour préciser une émotion aurait une influence sur la façon même dont on vit cette émotion.
Dans sa conférence, elle cite les travaux de Lisa Fredman, une neurologue, qui s’est grandement intéressée aux liens entre les mots et les émotions. Selon cette chercheuse, quand on apprend un nouveau mot pour décrire ou nommer une émotion, de nouveaux sentiments vont suivre et on sera même plus susceptible de les vivre. Si notre langage change, se peaufine ou se précise, la gamme des émotions suivra cette même évolution. Tiffany Watt Smith croit que si certaines cultures ressentent plus intensément une émotion, c’est peut-être parce qu’elles se sont souciées de lui donner un nom particulier pour pouvoir en parler. Il est fort captivant de comprendre l’origine des mots utilisés dans divers pays pour bien comprendre leur portée et leur signification. En quelque sorte, ces mots trouvés permettent de donner vie à une émotion – ou une variante – bien particulière. Cette « couleur » donnée par le langage aux variations d’émotions est tout aussi observable à plus petite échelle. Par exemple, certains régionalismes, au Québec, expriment des fluctuations d’émotions bien singulières. L’historienne croit que les mots qu’on utilise influenceraient même la façon dont on les vit et les ressent.
Les émotions et leurs déclinaisons langagières pour les décrire ont changé à travers les années. Elles se sont modifiées selon les lieux et les coins du monde. Elles se transforment selon les événements importants. Et elles continueront d’évoluer parce que les émotions ne sont pas statiques et sont appelées à se métamorphoser encore et encore.