Le pouvoir transforme-t-il la perception du monde qui nous entoure et la personnalité de celui ou celle qui le détient? Voici ce qu'en concluent différents experts en psychologie.
Pour le chercheur et psychologue Michael W. Kraus, le pouvoir aurait bien un effet pervers, celui de révéler notre vraie nature. À titre d'exemple, Kraus revient dans cet article sur les propos tenus par Donald Trump à l'égard des femmes dans la fameuse vidéo de 2005.
« When you’re a star, they let you do it...You can do anything.» (Quand vous êtes une célébrité, ils vous laissent faire… Vous pouvez faire n’importe quoi). Pour le chercheur, ces mots témoignent de ce phénomène: plus les gens ont du pouvoir, plus ils se sentent libres d’être leur moi authentique, et d'agir selon leurs véritables buts et valeurs.
Autrement dit, le pouvoir ne rend pas plus mauvais, il ferait par contre ressortir le mauvais. Si ces paroles sont pour le chercheur, la démonstration de cet effet « émancipateur » et le reflet des valeurs profondes de Trump, pour d'autres, elles traduisent un autre effet pervers: le sentiment que « tout est permis ». En d'autres mots, parce-qu'on détient un certain pouvoir, on parvient à légitimer des actes pourtant condamnables...
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Mais le pouvoir mène-t-il inévitablement aux abus? Pas forcément estime Kraus: tout dépend de la personnalité, ou des valeurs plus profondes de l’individu à qui le pouvoir est conféré. Le contexte a également sa part de responsabilité: un manque d’encadrement et de conséquences aux abus ou encore un milieu déjà corrompu favoriseront les comportements frauduleux ou abusifs; d'où l’importance des contre-pouvoirs.
Le pouvoir, contraire à l’empathie?
Une étude menée par Kraus, Côté et Keltner, avait également démontré que les individus en position de pouvoir avaient tendance à avoir moins d’empathie. Les auteurs ont du moins pu observer que les participants issus de classes inférieures discernaient avec plus de justesse les émotions d’autrui que les participants de classe supérieure. Le pouvoir rendrait-il insensible aux sentiments des autres?
Une autre expérience indiquait elle aussi une corrélation entre pouvoir et indifférence aux points de vue d'autrui. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs avaient demandé à 57 personnes de tracer la lettre E sur leurs fronts. Les personnes avec une position de pouvoir, auraient eu tendance à dessiner le E à l'endroit pour eux - donc à l’envers pour les autres - tandis que ceux avec moins de pouvoir, l’auraient dessiné de manière à ce que la lettre soit lisible pour les autres. Ce résultat suggérait selon les chercheurs, que les individus se sentant plus puissants seraient plus égocentriques ou favoriseraient leur point de vue à celui des autres.
Psychological science
La maladie du pouvoir?
D’après le psychologue David Owen, il existerait même une maladie du pouvoir qu’il nomme The Hubris Syndrom (syndrome d’hubris). Il s’agirait d’un trouble du comportement se manifestant chez les personnes en situation de pouvoir, comme des chefs d’État, qui entraînerait un narcissisme pathologique; une confiance excessive en leur jugement, une dévalorisation de l'opinion d’autrui, et, grosso modo, un dangereux sentiment de supériorité qui pourrait les amener à prendre des décisions désastreuses...
Des conclusions qui font certainement réfléchir et donnent raison à cette maxime de La Rochefoucauld: « Le plus digne du pouvoir est celui qui en connaît la responsabilité.»
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