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Il y a quelques jours, le New York Times a frappé fort avec un article qui a beaucoup résonné dans le monde anglophone. Ce texte paru fin avril a enfin mis un mot sur ce que beaucoup d’entre nous ressentent en ce moment : la langueur! Le prestigieux journal américain a même qualifié la langueur « d’émotion dominante de 2021 ».
Qu’est-ce que c’est, la langueur? Selon Adam Grant, le journaliste du Times, c’est l'équivalent de « l’enfant du milieu négligé » en santé mentale.
C’est-à-dire un état qui n’est ni de la dépression, ni de l’anxiété, ni un burnout ou un manque total d’énergie. C'est plutôt un espace où on se sent sans joie et sans but. On n’a peut-être pas complètement perdu espoir, sauf qu'il n’y a pas grand-chose qui nous tente non plus. Tout n’est pas noir, mais tout est comme gris et meh. Tu me suis?
Je ne sais pas pour toi, mais je suis dans un tout autre état mental que l’an passé, au début de la pandémie. Je ne suis pas en panique. Je ne fais plus des rêves hyper intenses et bizarres. Mon anxiété face à la COVID-19 a vraiment baissé ainsi que mon inquiétude face à mes proches. La plupart des personnes importantes pour moi ont été vaccinées – et je le suis même moi aussi.
Je n’ai plus d’inconfort marqué lorsque je me retrouve en public avec d’autres gens, comme à l’épicerie par exemple, sans parler du fait qu’il y a beaucoup moins de stress relié à ça (Est-ce qu’il va y avoir de la farine? Est-ce que je dois tout désinfecter en revenant à la maison? Petit throwback du printemps dernier)
Mais pourtant, je ne vais pas mieux qu’en 2020. Je dirais même que je vais moins bien.
La pandemic fatigue qui m’est rentré dedans à l’automne dernier a pris une toute autre proportion cet hiver, une fois la courte euphorie de « 2020 est enfin fini! » passée. Comme d’habitude, j'ai souffert de déprime saisonnière à cause du froid et du manque de lumière, mais il y avait autre chose que ça. Une grande désillusion et un espèce de vide en moi.
À un moment donné dans la pandémie, notre cerveau a dû abandonner le mode « lutte ou fuite ». Ce mode qui date des hommes des cavernes est très intense physiquement et émotivement.
Selon Grant, je suis loin d’être la seule à me sentir comme ça, et c’est parce qu’à un moment donné dans la pandémie, notre cerveau a dû abandonner le mode « lutte ou fuite ». Ce mode qui date des hommes des cavernes est très intense physiquement et émotivement, et notre corps n’a jamais été programmé pour y demeurer à long terme. Mais comme nos circonstances difficiles ont perduré (isolation, manque de contacts, impossibilité de faire des nombreuses choses qu’on aime et qui donne du sens à nos vies), comme tant d’autres, je n’ai pas pu retrouver un état de bien-être, j'ai simplement basculé dans un état chronique de langueur.
La langueur serait donc un état entre le bien-être et la dépression. L'état dépressif est marqué par des émotions négatives où on se sent sans espoir, drainé, sans valeur et complètement découragé. Le bien-être, à l’opposé, est cet état béni où on se sent en contrôle, qu’on est convaincu que notre vie a du sens et qu’on sait qu’on compte pour les autres.
La langueur se retrouve au milieu de tout ça, mais se définit tout de même par « l’absence de bien-être ». Ce n’est pas une maladie mentale, mais ce n’est pas exactement le bonheur non plus. Ce n’est pas une absence de fonctionnement et une désorganisation totale, mais ce n’est pas notre état optimal non plus.
Les symptômes de la langueur sont nombreux :
Dans mon cas, ça c’est également manifesté par une baisse dramatique de ma créativité, que je considérais pourtant comme étant tellement essentielle à ma vie et à mon équilibre. Doublé d'un repli sur moi-même, plus ou moins conscient.
Plus commune que la dépression, la langueur affecte beaucoup de gens en ce moment, c'est légitime, et elle nous fragilise quand même.
Le danger, c’est surtout que la langueur se développe en d’autre chose. Une étude menée auprès de travailleurs de la santé en Italie (le pays le plus touché par la première vague) indique que ceux qui ressentaient de la langueur au printemps 2020 étaient trois fois plus susceptibles d’avoir reçu un diagnostic de choc post-traumatique en 2021.
Une des premières choses à faire avec nos émotions, c’est simplement de les nommer. Non, les identifier et leur donner un nom ne règle rien, mais ça permet quand même de réaliser ce qui se passe, d'accueillir ce qui se passe à l'intérieur de nous. Une fois que j’ai entendu (ou plutôt lu) le mot, j’ai non seulement connecté avec ma propre expérience des derniers mois, mais également je l’ai reconnu autour de moi.
De plus, Grant propose des petites stratégies à adopter au quotidien, comme par exemple essayer de trouver des projets, des jeux ou des loisirs qui nous permettent de s’immerger complètement pendant un petit moment, quitte même à perdre la notion du temps. Il parle du concept de trouver son « flow ». Commence donc avec une activité simple et courte et laisse-toi surprendre.
D’autres pistes de solution : éviter les distractions et essayer de s’absorber dans une tâche à la fois, sans interruption. On est tellement accroché à nos écrans et les distractions sont infinies : essaye de prendre les choses une à la fois. Ne jamais oublier de prendre soin de soi, tous les jours. Se donner de petits buts réalisables, qui ne demandent pas tant de temps et d’énergie mais qui apportent satisfaction et valorisation à la fois.
Comme cette langueur est plus liée à nos circonstances qu’à des éléments personnels, il n’y aura probablement pas de solution miracle à court terme. Mais toutes ces stratégies pourront nous aider à mieux aller tranquillement, en dépit de la pandémie qui s’éternise. Courage.
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