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Bien-être

Santé mentale : arrêtons d’invalider les femmes!

La masculinité toxique et le féminisme sont de plus en plus soulignés dans la société - et on en perçoit tranquillement les bénéfices. Par exemple, je suis convaincue que la présence de Liz Plank sur le plateau de Tout Le Monde en Parle récemment en a fait réfléchir plus d’un. Si tu n’as pas encore lu son essai Pour l’amour des hommes – dialogue pour une masculinité positive, je te le recommande fortement, surtout si tu prévois le refiler à un homme de ton entourage!

Et pourtant, malgré toutes les batailles que l’on gagne au nom du féminisme, j’ai toujours l’impression que lorsque l’on avance d’un pas, on en recule de deux.

En matière de santé mentale, respecte-t-on vraiment les limites des femmes? Peut-on se mettre d’accord qu’il ne devrait plus y avoir de place pour la remise en question de la réalité des femmes?! Qu'elles soient athlètes ou artistes, on frappe fort sur les femmes lorsqu'elles ont le malheur de se mettre en priorité.

Le cas de Simone Biles : une femme forte, n'en déplaise à certains

Le cas de la gymnase américaine Simone Biles fait les manchettes en ce moment. Durant les Jeux Olympiques de Tokyo, celle qui a été souvent considérée comme la meilleure gymnase de tous les temps a décidé de se retirer de la compétition, citant son mauvais état mental et une certaine déconnexion avec son corps. Au lieu de se mettre en danger en poursuivant ses épreuves alors qu'elle sent qu'elle a momentanément perdu le sens de l'endroit où se trouve son corps dans l'espace durant ses mouvements hors sol, elle a préféré se protéger et se mettre en priorité. Une pression extrême ainsi qu'une santé mentale fragilisée peuvent causer ce genre de déconnexion, documentée chez plusieurs athlètes de haut niveau.

Évidemment, Simone a fait énormément parler d'elle suite à cette décision. Et ça brise le coeur de constater qu'au milieu du respect et de l'empathie auquel elle a droit, l'athlète a également accusé de nombreuses critiques extrêmement virulentes... À savoir qu'elle devrait « s'endurcir un peu », qu'elle « faisant honte à son pays », ou qu'une fois sur place, elle n'aurait pas dû avoir le droit de reculer. 

On rappelle ici que Simone Biles a un passé difficile, étant née dans la pauvreté avec une mère seule qui souffrait d'addiction et vivait différentes problématiques sociales. L'athlète et ses frères et soeurs ont été séparés et balottés dans plusieurs familles d'accueil pendant de nombreuses années. La découverte fortuite de son talent inouï en gymnastique à 5 ans - son groupe de garderie a fait une sortie dans un centre de gymnastique et lorsque Simone a eu l'occasion d'essayer, les gens sur place ont réalisé qu'elle était naturellement meilleure que pratiquement tous les élèves qui s'entraînaient intensément depuis des années -, a été son seul élément salvateur.

Malheureusement, l'histoire a partir de là n'est pas toute rose : Simone Biles a fait partie des nombreuses victimes du Dr. Larry Nassar, médecin de l'équipe de gymnastique américaine, qui a récemment été condamné à 175 ans de prison pour abus sexuels. Dans les dernières années, cette histoire a eu un fort impact sur l'état de la jeune femme, qui a vécu une dépression sévère et a continué de subir les contrecoups, incluant la difficile réalisation que tout le système en place a permis au Dr. Nassar de continuer ses abus et a choisi de ne pas les protéger, elle ainsi que les autres victimes.

Toutes surhumaines qu'elles paraissent, les athlètes demeurent des personnes parfois complexes et aux prises avec des démons. Simone Biles a pris la bonne décision. Les participants aux Olympiques ne doivent rien à personne et il y a aura d'autres compétitions... Tout ce que le public devrait retenir et encourager, c'est qu'elle prend les moyens pour aller mieux.

Finalement, quand elle s'est sentie prête, la sportive de haut niveau s'est présentée à l'épreuve de la poutre et s'est méritée une médaille...

Que ce soit sur le terrain ou pour sa santé mentale, Simone Biles est une combattante et mérite le respect le plus totale. 

Le cas de Naomi Osaka : un autre exemple frappant de sexisme et de psychophobie

L'histoire se répète et ce cas illustre bien encore une fois le traitement des femmes athlètes. Il y a quelques mois, la joueuse de tennis #2 au monde Naomi Osaka a décidé de se retirer du tournoi Roland-Garros. Pourquoi? Parce qu’elle s’est fait menacer d’être expulsée si elle continuait de boycotter les conférences de presse.

Ce qu’il faut savoir c’est que Naomi, du haut de ses 23 ans, a affirmé ne pas vouloir assister aux conférences de presse d’après-match afin de prioriser sa santé mentale. Ayant déjà souffert de dépression et souffrant toujours actuellement d’anxiété sociale, elle désirait miser sur son bien-être en s’évitant cette pression inutile.

En plus de lui avoir couté 15 000$ pour un bris d’une clause de son contrat, Naomi a été ensevelie d’une presse négative.

Elle a donc décidé de se retirer de la compétition, de son plein gré, afin de faire un pied de nez à cet écosystème médiatique malsain qui valorise le divertissement au détriment de la santé mentale des athlètes. Cette nouvelle dans le monde du sport est rapidement devenue virale.

À lire aussi : Sport féminin : va-t-on enfin laisser les athlètes choisir leur tenue?

Je ne sais pas pour toi, mais moi j’ai plusieurs questions qui me brûlent les lèvres : si Naomi avait été un homme, est-ce que le traitement de la presse et de l’organisation aurait été le même? Est-ce que certains médias ne sont pas aussi responsables du problème? Quand est-ce que la santé mentale des femmes sera enfin prise au sérieux? Pourquoi est-ce que le prix à payer dans cette histoire est aussi cher? Et je ne parle même pas du coût monétaire, c’est carrément sa carrière qui est en jeu!

Étant donné que les femmes sont deux fois plus nombreuses à souffrir de troubles anxieux que les hommes, je considère que l’acharnement et la pression sociale dont Naomi a été victime sont des témoignages purement sexistes.  

Et cet événement est loin d’être un cas isolé.

On se moque de la santé mentale des femmes... depuis toujours

Te rappelles-tu de la saga de Britney Spears en 2007? Le documentaire Framing Britney Spears (disponible sur Crave) se fait le devoir de te le rappeler si la mémoire te fait défaut. Il suffit de quelques minutes pour réaliser à quel point, au fil des années, la presse l’a traité comme une bête de cirque, à scruter son quotidien à la loupe, à la recherche de la moindre défaillance.

La journée où Britney a touché le fond du baril, rasoir et parapluie sous la main, la plèbe médiatique s’est fait un plaisir de la dépeindre comme une enragée dérangée plutôt que de mettre en lumière sa santé mentale. On l’a traitée de folle et de mauvaise mère, au lieu de voir une femme qui avait besoin d’aide, de calme et méritait le respect, malgré son statut de personnalité publique.

D’ailleurs, c’est du côté de Justin Timberlake que les médias se sont rangés en 2002, lorsque le fameux couple de l’heure s’est séparé, dépeignant une fois de plus Britney comme une menteuse aguicheuse.

Suite aux critiques faites à son endroit, Justin s’est sincèrement excusé sur ses plateformes soulignant par le fait même que l’industrie et les médias faisaient également partie du problème. Selon ses propos, cet environnement malsain est sans l’ombre d’un doute sexiste et raciste : « the industry is flawed. It sets men, especially white men, up for success ».

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Bien que l’on parle davantage de sensibilisation à la santé mentale dans les médias, je pense aussi à Billie Eilish qui s’est confiée sur sa dépression et ses idées suicidaires en 2020, il reste énormément de travail à faire.

Parlant de Billie, savais-tu que son style vestimentaire androgyne et ample était justement motivé par la distorsion médiatique? Voulant ne pas être hypersexualisée et jugée sur l’apparence de son corps, elle avait décidé de volontairement berner tout le monde en conservant son intimité et sa santé mentale, par le fait même. Sa relation avec son corps ayant eu un grand impact sur sa dépression.

Et puis, il y a quelques semaines, elle a dévoilé sa silhouette dans une incroyable séance photo pour le magazine Vogue. Je n’en reviens d’ailleurs toujours pas, ces photos sont d’une beauté!

Évidemment, la presse s’est précipitée de souligner son manque de cohérence vestimentaire, son hypocrisie et sa rapidité à se conformer aux standards stéréotypés de l’industrie. Mais qui donc est hypocrite dans l'histoire?

Le message de Billie Eilish est clair : « suddenly you’re a hypocrite if you want to show your skin, and you’re easy and you’re a slut and you’re a whore. If I am, then I’m proud. Me and all the girls are hoes, and f**k it, y’know? Let’s turn it around and be empowered in that. Showing your body and showing your skin – or not – should not take any respect away from you. »

[Traduction libre : Tout d’un coup vous êtes hypocrite si vous souhaitez montrer votre peau, vous devenez une femme facile, une salope et une pute. Si c’est ça que je suis, et bien j’en suis fière. Moi et mes amies sommes toutes des salopes, et on s’en torche, vous voyez? Réapproprions-nous cela et sentons-nous puissantes. Dévoiler son corps et sa peau - ou pas - ne devrait pas empêcher le respect.]

Laissez aux femmes ce qui leur appartient

Alors, femmes célèbres ou inconnues, que l’on parle de santé mentale, de sexualité ou de poids, l’opinion d’autrui ne devrait jamais venir remettre en question la réalité d’une femme. Capice?

Ah que je rêve du jour où les femmes pourront faire ce qu’elles veulent, ce qu’elles aiment et ce qui les passionne sans se faire sanctionner, censurer, opprimer ou objectifier!

Sur une note différente, le MNBAQ vient tout juste de présenter une nouvelle exposition sur Picasso. Bien que le créateur du cubisme soit mort et enterré depuis belle lurette, le Musée national des beaux-arts du Québec a décidé de dévoiler au grand jour sa misogynie, en plus de sa violence faite aux femmes. Je salue la volonté et la transparence de l’initiative. Je sais que c’est un débat qui soulève les passions, mais selon moi, on ne pourra jamais séparer l’art de l’artiste. Certes, cette exposition est un grain de sable parmi tout ce qui demeure aberrant, ma soif de vérité est satisfaite, pour cette situation précisément.

En attendant, à échelle individuelle, on peut tous et toutes remettre en question nos biais sexistes et essayer de s’arrêter une petite seconde lorsqu’on s’apprête à ridiculiser, se moquer ou contester la santé mentale et le corps d’une femme. Respectons la réalité et les limites des autres.

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