On estime qu'au Québec, près d'une femme sur quatre a déjà été victime au moins une fois d'un accès de violence de la part de son conjoint. Cette violence peut prendre différentes formes, dont certaines sont des plus insidieuses, et a parfois des conséquences dramatiques, pouvant aller jusqu'au décès de la victime.
De qui parle-t-on?
Bien que les hommes peuvent être également victimes de violence, on a choisi de vous parler de la violence vécue par les femmes puisqu’en date de 2018, on savait que les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes d’avoir été victimes d’agression sexuelle au cours de leur vie.
Le contrôle coercitif : difficile à discerner
Le contrôle coercitif permet au partenaire d’imposer son pouvoir et d’exercer un contrôle sur l’autre : il brime les droits fondamentaux de la victime, tels les droits à la liberté, la dignité et la sécurité.
Les tactiques sont multiples : usage de la force et du contrôle qui force l’obéissance de façon indirecte. Dans le deuxième cas, on parle d’isolation, de privation, d'exploitation et d’imposition de règles. Si l’on porte attention à ces actes de façon isolée, ils ne constituent pas des actes de violence criminels. Cependant, l’accumulation de ceux-ci fait en sorte qu’avec le temps, les victimes se sentent tellement prises au piège que le partenaire peut ne plus ressentir le besoin d’être violent physiquement afin de montrer son pouvoir. En ce sens, le contrôle coercitif tente d’écarter la compréhension de la violence conjugale comme étant basée sur des actes physiques de violence.
De quoi faut-il se méfier?
Aucune femme n'est à l'abri de la violence conjugale et c'est pourquoi chacune devrait apprendre à en reconnaître les signes précurseurs.
Voici donc 10 questions que vous oubliez peut-être de vous poser à propos de votre partenaire :
- Avez-vous l’impression de marcher sur des œufs puisque vous ne savez pas ce qui va déclencher sa colère?
- Est-ce qu’il conduit dangereusement quand il est en colère contre vous?
- Est-ce que toutes nouvelles activités sur vos réseaux sociaux déclenchent un interrogatoire?
- Est-ce qu’il surveille vos médias sociaux?
- Refuse-t-il que vous ayez votre propre compte ou bien exige-t-il d’avoir lui-même accès à votre compte personnel?
- Est-ce qu’il vous oblige à changer de vêtement parce qu’il les trouve trop provocants ou à l’inverse, est-ce qu’il vous force à porter des vêtements sexy ou gênants?
- Avez-vous perdu le contact avec des proches dû à votre relation avec lui ou vous fait-il sentir coupable quand vous voyez des proches sans lui?
- Est-ce qu’il partage vos photos ou vidéos intimes sans votre consentement, par exemple, auprès de ses amis pour se vanter?
- Si vous refusez d’agir conformément à ses désirs sexuels, est-ce qu’il vous insulte, vous menace ou vous ignore?
- Dans votre relation, lorsqu’il est insatisfait de votre comportement, est-ce qu’il refuse de vous parler ou vous ignore pendant de longues périodes?
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Le cycle de la violence : un véritable cercle vicieux
La violence conjugale arrive rarement sans prévenir. Il est bien rare qu'elle survienne dès les débuts d'une relation. En règle générale, le climat de violence s'installe graduellement au sein du couple et, même lorsque le mal est fait, les épisodes de violence sont souvent suivis par des épisodes idylliques et des périodes de paix relative.
Des débuts prometteurs
Dans les débuts de la relation, les hommes prédisposés à se montrer violents sont souvent des hommes passionnés, enclins à couvrir leur amoureuse de cadeaux et à l'étourdir de grands gestes romantiques. Éventuellement, la « lune de miel » prend fin et les premiers comportements inquiétants apparaissent peu à peu. C'est alors que commence véritablement le cycle de la violence.
La montée de la tension
Au début, il s'agit de reproches sans importance, souvent passagers. Il n'aime pas telle ou telle robe que sa conjointe porte, tel ou tel plat qu'elle cuisine. Éventuellement, les reproches se font de plus en plus fréquents, de plus en plus virulents. Parallèlement, le conjoint met tout en oeuvre pour isoler la femme. Il déclare ne pas aimer ses amis et sa famille, refuse de passer du temps avec eux et, si elle manifeste l'envie de les voir, il utilisera le chantage affectif pour tenter de l'en empêcher.
Au bout d'un certain temps, ces comportements prennent de plus en plus d'ampleur et la femme finit par douter d'elle-même, par perdre sa confiance en soi, ce qui la rend encore plus dépendante de lui. Généralement, avant que la violence ne devienne manifeste, il y a une escalade de tensions au sein du couple, souvent orchestrée par le conjoint, qui transforme le moindre détail en prétexte pour amorcer un conflit.
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La violence se manifeste
Après quelque temps, le conjoint éclate et se montre violent. La violence peut être physique (coups, gifles, bousculade, agression sexuelle, etc.), mais il peut également s'agir d'un éclat de rage particulièrement brutal, ou d'une autre forme de violence psychologique, tout aussi douloureuse pour la victime.
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Justification et lune de miel
Après une telle manifestation d'agressivité, le conjoint tente généralement de rejeter la faute sur sa conjointe, de se justifier par tous les moyens, avant d'éventuellement montrer des regrets, des remords. Tout à coup, il redevient angélique, gentil, prévenant. Il tente de se racheter et promet qu'il s'agissait d'un événement isolé qui ne se reproduira plus jamais. Si sa conjointe fait mine de le quitter, il sort le grand jeu et fait tout ce qui est en son pouvoir pour l'en empêcher. Et, si elle écoute ses supplications et reste avec lui, éventuellement, la tension recommence à grimper... Jusqu'au prochain éclat, puis à la prochaine lune de miel : le cycle recommence sans fin.
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Pourquoi les femmes restent-elles dans une situation abusive?
Qu'est-ce qui explique que les victimes, des femmes comme les autres, restent avec leurs conjoints violents? Les raisons potentielles sont multiples et souvent complexes. Le cycle de la violence, brièvement présenté plus haut, y est pour beaucoup, car il permet au conjoint de brouiller constamment les cartes et de garder ainsi le contrôle sur sa partenaire, de la manipuler. La partenaire a souvent un espoir que son conjoint va éventuellement changer. Pour une femme amoureuse, se sortir du cycle de la violence peut être extrêmement ardu. En effet, il est difficile de prédire la violence et, même lorsque la situation dégénère, certaines sont incapables de reconnaître le caractère destructeur de leur relation. Les partenaires violents sont en effet souvent des hommes charismatiques.
Certaines femmes acceptent les épisodes de violence, car elles dépendent de leur conjoint financièrement, ou parce qu'elles ne veulent pas imposer une séparation à leurs enfants. Ou encore parce que leur homme a tant besoin d'elle : dans la période de lune de miel, elle peut avoir l’impression d’être valorisée. Enfin, souvent, elles en viennent à accepter la violence, à la tolérer et à l'envisager comme le prix à payer pour la paix. D'autres ont une grande peur des représailles. Pour plusieurs, c'est la honte qui les empêche de sortir de cette relation. Elles n'osent pas parler de ce qu'elles vivent, persuadées d'être en partie la cause de leur drame. Souvent, elles n'ont d'ailleurs personne à qui parler, puisqu'elles sont très isolées. Il existe plusieurs autres raisons pour une femme de rester avec un conjoint violent, et ce genre de comportement n'est pas un signe de faiblesse de caractère, mais bien un signe de détresse profonde.
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Si vous redoutez qu'une femme dans votre entourage souffre de violence conjugale, tendez-lui la main, car il est très difficile de s'en sortir sans aide. Si vous attendez un signe pour aller chercher de l’aide, pour dénoncer ou pour quitter votre partenaire contrôlant, le voici. Les moments de joie ne devraient pas compenser pour les moments difficiles : il ne devrait simplement pas y avoir de moments difficiles. Vous méritez non seulement d’être dans une relation sécuritaire, mais aussi de vous sentir vous-même et de pouvoir vous épanouir.
Sources : Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, Refuge pour les femmes de l’Ouest de l’île et Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS).
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