J'ai posé la question autour de moi. Je ne m'attendais pas à autant d'animosité envers le féminisme. Encore aujourd'hui, plusieurs se demandent si le féminisme a sa raison d'être et si l'idéologie véhiculée dans ce mouvement est encore pertinente. Je crois qu'il est temps de remettre les pendules à l'heure et de redonner au féminisme ses lettres de noblesse.
Un peu d'histoire du féminisme...
Au Canada, le mouvement féministe a débuté au 19e siècle, au moment de la révolution industrielle. Il faudra attendre en 1893, lors de la formation du Montreal Local Council of Women (MLCW) et de la mise sur pied de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB), en 1907, pour que le mouvement s'établisse officiellement au Québec. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les principales revendications des femmes étaient l'éducation des jeunes filles, le marché du travail, la santé et le droit de vote.
C'est d'ailleurs ce qu'on appelle la première vague du féminisme et la lutte pour le droit de vote en est le principal enjeu. Grâce à la militante féministe Thérèse Casgrain et ses acolytes, le 25 avril 1940, les Québécoises obtiennent enfin le droit d'aller aux urnes pour émettre leurs opinions politiques provinciales (elles avaient déjà le droit de vote au fédéral depuis 1917).
L'importance des femmes dans la société
Après la Seconde Guerre mondiale, la vie reprend peu à peu son cours, et comme les femmes ont participé à l'effort de guerre en travaillant dans les usines et sur les terres, elles prennent conscience de leur importance dans la société. C'est alors que naît la deuxième vague du féminisme, ayant comme revendications l'égalité entre les hommes et les femmes et la reconnaissance de ces dernières en tant que personnes entières. Par la suite, le discours des féministes s'adapte aux réalités sociales et inclut la revendication au droit à l'avortement, l'ouverture de garderies publiques et en milieu de travail, le droit à des congés de maternité rémunérés, l'équité salariale et la création de services sociaux pour les femmes.
Plusieurs oublient que toute cette évolution en notre faveur a été possible grâce au féminisme. Alors, pourquoi ce mouvement a-t-il si mauvaise presse aujourd'hui auprès de certains groupes? Je crois qu'il faut d'abord comprendre qu'il existe plusieurs courants féministes et que ceux qui font le plus de bruit ne sont pas nécessairement ceux qui touchent le plus les gens.
Les courants féministes
En fait, les courants féministes diffèrent selon les époques, les pays, les courants de pensées et l'évolution des sociétés.
Le féminisme libéral égalitaire
Le féminisme libéral égalitaire milite encore aujourd'hui pour l'égalité entre les hommes et les femmes, pour faire changer les lois discriminatoires en ce qui a trait à l'éducation, le marché du travail, le gouvernement, la famille, les syndicats, etc. C'est un courant considéré comme modéré dont le Conseil du statut de la femme, l'Association d'éducation féminine et d'action sociale et la Fédération des femmes du Québec font partie. Leurs moyens de pression se font sous forme de colloques pour sensibiliser la population, de mémoires pour le gouvernement, de lobbying, de coalitions, etc.
Les féministes marxistes
Pour les féministes marxistes, c'est l'organisation économique du capitalisme qui les opprime dans un système d'exploitation des sexes. Elles considèrent le patriarcat comme un produit du capitalisme, donc, selon elles, tout ce pouvoir aux hommes disparaîtrait s'il y avait un renversement du système économique.
Le féminisme radical
Le féminisme radical critique aussi la dominance masculine et met en évidence le caractère sexiste de la société d'aujourd'hui. Ses adeptes luttent contre la violence sexuelle, la prostitution, la pornographie et toutes formes de sexualité qui, selon elles, sont dégradantes pour la femme (comme par exemple, le sado-masochisme). Ce sont souvent elles qui font le plus de bruit par des manifestations qui font réagir.
L'antiféminisme
Malheureusement, encore aujourd'hui, plusieurs femmes ne se sentent pas concernées par le féminisme. Le contexte de société est différent, nous avons fait beaucoup d'acquis, et c'est comme si elles ne voyaient plus l'utilité d'un tel courant. De plus, certaines féministes représentées dans les médias ne sont pas vraiment à l'image de comment la majorité d'entre-nous nous sentons. Plusieurs me disent : « Je suis féministe, mais… ». Un « mais » qui vient tempérer le caractère plus radical que nous percevons parfois à la télé.
Depuis quelques années, nous assistons donc à la montée d'un nouveau mouvement : l'antiféminisme. À l'heure où j'écris ces lignes, Women Against Feminism, sur Facebook, compte plus de 45 000 abonnées. Ce courant montre des femmes qui publient leur photo avec la phrase « I don't need feminism because... » (« Je n'ai pas besoin du féminisme parce que...»). Or, les phrases que nous pouvons y lire sont un peu paradoxales. Par exemple, « I don't need feminism because equality of opportunity already exist » (« Je n'ai pas besoin du féminisme parce que l'égalité existe déjà »). Bien d'accord, sauf que ça n'a pas toujours été le cas et c'est grâce au féminisme que nous pouvons percevoir une forme d'égalité entre les hommes et les femmes.
Je crois que ce mouvement a tendance à ignorer une partie de l'Histoire. C'est comme si tous ces acquis étaient tombés du ciel et que le féminisme n'était qu'une affaire de femmes frustrées. Pourtant, des femmes se sont battues pour cette égalité entre les hommes et les femmes et nous leur devons un brin (beaucoup!) de reconnaissance.
Le féminisme concerne aussi les hommes
L'égalité entre les sexes est aussi une affaire qui concerne les hommes. Ils sont peu nombreux à se proclamer féministes, mais ils veulent que les femmes aient leur place dans la société et ils souhaitent aussi faire leur part dans la vie de famille. C'est une lutte féministe que plusieurs hommes soutiennent.
Il n'y a rien de malsain à vouloir l'égalité entre les hommes et les femmes. Le féminisme ne se bat pas contre les hommes, mais bien pour l'égalité des droits des individus, indépendamment de leur sexe.