On entend souvent parler de violence conjugale et, de plus en plus, on admet qu'il en existe différentes formes. Certaines d'entre elles sont très insidieuses et tiennent plutôt de la violence psychologique, c'est-à-dire qu'elles n'impliquent pas de coups et de blessures à proprement parler, mais qu'elles font quand même très mal. Ce genre de violence plus subtile se retrouve souvent au coeur des relations axées sur ce qu'on appelle la codépendance.
Codépendant généreux
Ce phénomène, où l'un des partenaires dépend de l'autre et fait tourner sa propre existence autour de celui-ci tout en tentant de le contrôler, touche plus fréquemment les conjoints d'alcooliques ou de toxicomanes, mais il se peut très bien que vous soyez codépendant, sans vous en rendre compte. Souvent, les codépendants sont remplis de « bonnes intentions » et se voient en sauveurs de leur partenaire. Mais en réalité, ils ne font qu'envenimer une relation souvent déjà toxique sur plusieurs plans.
Les origines de la codépendance
Famille dysfonctionnelle
Si tout le monde peut, à un moment ou à un autre, se trouver pris dans le cercle de la codépendance, il demeure que certaines personnes sont plus à risque que d'autres. C'est notamment le cas des individus ayant grandi au sein d'une famille dysfonctionnelle, dont un ou plusieurs des membres étaient en proie à la toxicomanie, à l'alcoolisme, ou à d'autres troubles psychologiques envahissants.
La violence dans la famille
Mais il se peut même que l'absence d'un des parents, la dispute constante ou la séparation génère dans le futur des problèmes de codépendance. Dans de telles familles, il est fréquent que tous les membres adoptent des attitudes et des comportements inappropriés pour composer avec les problèmes. Ceux-ci prennent toute la place, mais, étrangement, ils ne sont jamais abordés de front.
Souvent, dans de tels contextes familiaux où l'on refuse de faire face à la réalité et d'admettre qu'elle est problématique, les véritables émotions sont refoulées et les différents protagonistes finissent par être complètement déconnectés de leurs propres problèmes et sentiments. Les enfants issus de tels milieux sont ceux qui sont le plus à risque d'être inadaptés à l'âge adulte, quand viendra le temps de vivre eux-mêmes une relation de couple.
Les comportements codépendants
Dans sa vie sentimentale, l'adulte codépendant :
- a tendance à s'impliquer avec des individus troublés psychologiquement ou totalement indisponibles sur le plan émotionnel ;
- a une forte tendance à essayer de tout contrôler ;
- désire sauver à tout prix son conjoint de ses problèmes, pour ou contre son gré ;
- confond souvent l'amour avec un sentiment de pitié et la volonté d'aider à tout prix ;
- est en proie à un attachement démesuré envers son partenaire ;
- a une peur panique de l'abandon en général. C'est pourquoi il est souvent prêt à faire mille compromis pour éviter de mettre en péril la relation, quitte à renier totalement ses propres besoins ;
- a une existence qui tourne autour des besoins de son conjoint et de sa propre soif intarissable d'amour, de reconnaissance et d'approbation. Celle-ci est le plus souvent déçue, vu les carences et les problèmes de son partenaire, qui ne lui permettent pas de s'impliquer dans une relation saine.
Pourquoi le conjoint est-il codépendant
En réalité, si le codépendant agit comme un sauveur et assume tant de responsabilités auprès de l'être aimé, voire à sa place, ce n'est pas par amour véritable ou par pur altruisme, mais bien parce que lui-même y trouve son compte.
En effet, c'est pour voir ses efforts récompensés et pour être aimé en retour que le codépendant fait tout ce qu'il fait. S'il donne autant, c'est dans l'espoir secret de recevoir en retour. Ses faits et gestes sont principalement guidés par son désir de plaire, son besoin d'être lui-même dorloté, voire pris en charge.
Les codépendants... victimes?
En définitive, lorsque les efforts du codépendantsne sont pas récompensés ou reconnus à ce qu'il estime être leur juste valeur, il se sent frustré, amer, voire même désespéré. Il a alors tendance à se voir lui-même comme une grande victime et a souvent recours à la menace et au chantage pour essayer de contrôler l'autre, de le faire changer.
Par ailleurs, les codépendants développent non seulement des relations de dépendance affective envers leurs partenaires, mais ils sont en plus très susceptibles de souffrir d'autres types de dépendances, notamment à la drogue et à l'alcool, mais également à la nourriture, au sexe ou même au travail. En définitive, ils mettent en oeuvre tous les moyens qui sont à leur disposition pour tenter de meubler le vide émotif qui les habite en permanence.
Est-il possible de se sortir de la codépendance?
Vous l'aurez compris, vivre une relation fondée sur la codépendance n'est pas facile, ni très gratifiant. Si vous vous reconnaissez dans les caractéristiques citées précédemment, il se peut que vous ayez une personnalité codépendante et que cela nuise à vos relations avec les autres en général, et particulièrement avec vos partenaires amoureux. Malheureusement, les problèmes de codépendance ne se règlent pas en criant ciseau! Ils sont souvent très complexes et leurs racines sont profondément ancrées.
Reconnaître le problème
Le simple fait de savoir reconnaître qu'on a un problème est assurément un pas dans la bonne direction. Souvent, c'est l'étape la plus difficile à franchir pour ceux et celles qui sont aux prises avec un trouble de la personnalité ou une autre problématique similaire. En revanche, ce n'est pas parce qu'on est capable de reconnaître son problème qu'on détient automatiquement toutes les clés pour le régler.
En effet, même si le codépendant est capable de rompre une relation malsaine, parfois au prix d'efforts indicibles, il y a fort à parier qu'il retombera dans le même panneau lors d'une relation ultérieure, à moins qu'il ne règle ses propres problèmes à la source.
Consultez un spécialiste
C'est pourquoi il peut être pertinent pour les personnes codépendantes qui veulent réellement avancer et sortir du cercle vicieux d'avoir recours à un soutien psychologique professionnel, qui leur permettra d'agir non pas uniquement sur les symptômes du problème (les relations dysfonctionnelles, entre autres), mais également sur ses causes profondes.
Ainsi, à force de travailler sur soi, ils peuvent éventuellement parvenir à regagner leur estime de soi et leur indépendance émotionnelle. Alors, seulement, ils pourront peut-être entrer en relation de façon saine et sincère. C'est bien connu : le premier pas pour être capable d'en aimer un autre est bel et bien de s'aimer soi-même!
Jeanne Dompierre, rédactrice Canal Vie