De façon générale, les relations entre parents et enfants ne sont pas toujours simples. Les psychologues et les psychanalystes s'accordent généralement pour dire que le lien qui unit une mère à son fils est le plus complexe de tous.
Résultat? La mère est souvent accusée d'être à l'origine de tous les maux qui affectent son garçon: son manque d'autonomie, ses problèmes d'engagement, ses accès de colère... tout y passe! Mais qu'y a-t-il donc dans la relation mère-fils qui soit si problématique? Le débat perdure, mais quelques hypothèses méritent d'être explorées.
La différence
Lorsqu'une femme met au monde une petite fille, elle sait un peu à quoi s'attendre. Lorsque le nouveau-né est un garçon, en revanche, la mère plonge dans l'inconnu. Le petit qu'elle a porté en elle, qu'elle tient maintenant dans ses bras, n'est pas comme elle. Pas moyen, dans un tel cas, de fonctionner instinctivement, en se référant à sa propre expérience de femme.
Pas de modèle
Impossible aussi de reproduire les comportements de sa propre mère à son égard, de recréer sa propre enfance. Pour apprivoiser la différence et pour compenser en quelque sorte sa peur de ne pas savoir s'y prendre, la mère a tendance à couver son fils plus qu'elle ne le ferait avec une enfant de sexe féminin.
Il a été démontré qu'une mère est plus prompte à pardonner les incartades d'un fils et à s'adapter à son cycle d'éveil. Même la position d'allaitement serait différente: la mère nourrit son fils en le tenant collé contre elle, alors qu'elle garde une certaine distance vis-à-vis d'une fille. La relation entre le fils et la mère aurait ainsi tendance à devenir symbiotique.
Proximité et codépendance : un point de vue psychanalytique
Le fils est non seulement différent de sa mère, il est à ses yeux un représentant du sexe opposé. Cela semble évident, mais la situation peut être complexe quand la maman, souvent inconsciemment, traite son fils comme un substitut d'homme, alors qu'elle a été déçue, délaissée ou abandonnée par son partenaire légitime.
Le psychanalyste Guy Corneau, maintenant décédé, explique dans son livre L’amour en guerre que, dans une société où le père joue un rôle très effacé au sein de la cellule familiale, la mère a tendance à reporter ses attentes sur le fils. La relation qui s'établit sur de telles bases peut facilement devenir malsaine. La mère étouffe son fils d'amour et celui-ci, qui n'aime personne autant que sa mère, craint par-dessus tout de la décevoir.
Le gamin grandit donc en cherchant sans cesse l'approbation de sa mère, mais est réticent à ouvrir véritablement son coeur à d'autres femmes. Quand vient le temps de trouver une compagne, il recherchera un double de sa génitrice, ou alors son contraire absolu, car les relations mère-fils sont souvent des relations amour-haine. C'est une porte ouverte sur des relations dysfonctionnelles, où la partenaire se verra investie d'un pouvoir infini dont elle ne veut pas ou, au contraire, aura à subir des accès de rage qui ne sont pas vraiment dirigés contre elle.
Bref, la relation aux femmes d'un garçon trop couvé n'existe pas en soi, elle se bâtit en réaction à sa relation à sa mère. Par ailleurs, un fils surprotégé par sa mère risque de se retrouver avec une faible estime de soi à l'âge adulte.
L'indispensable séparation
Pour que la relation entre mère et fils puisse évoluer de façon à ce que les deux parties soient en mesure de s'épanouir, il faut qu'il y ait séparation. Bien sûr, celle-ci n'a pas à être définitive!
Tout simplement, la mère doit accepter de laisser le fils développer son autonomie et son individualité. Les stades du développement, tels que définis par Freud et ses successeurs, aident à mieux comprendre les modalités de cette indispensable rupture.
Vers l'âge de deux ans
L'enfant commence à explorer son territoire. Il a besoin de gagner un certain contrôle. Il fait mine de s'éloigner de sa mère, mais a besoin de la savoir toujours proche et disponible. La mère doit accepter le désir qu'a le petit d'explorer son univers, tout en continuant à lui prodiguer son amour.
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Vers cinq ou six ans
C'est la fin de la période correspondant au complexe d'Oedipe. Après ces quelques années caractérisées par l'amour inconditionnel du garçon pour sa mère et une dynamique de séduction que les freudiens qualifient de pseudoérotique, l'enfant entre dans la période de latence. Il prend alors mieux conscience de la différence entre lui et sa mère et tend à prendre ses distances. Cela ne veut pas dire qu'il n'aime plus sa mère! Celle-ci, encore une fois, doit respecter le besoin d'espace de son enfant.
À la puberté
Le processus de séparation s'accentue à la puberté et est parfois caractérisé par une dynamique de conflit. Cela est causé par la difficulté qu'implique cette rupture. Dans les sociétés traditionnelles, on a souvent observé des rites de passage visant à officialiser et à faciliter la séparation du fils et de la mère.
Que faire?
Il convient de ne pas s'inquiéter outre mesure! Ce n'est pas parce qu'une mère aime son fils que celui-ci développera automatiquement une névrose... Il faut simplement s'assurer que la relation est saine.
Il est important de favoriser le développement de l'autonomie de l'enfant, en ne faisant pas tout à sa place. N'ayez pas peur s'il connaît parfois des échecs; après tout, on apprend de ses erreurs! Par ailleurs, il est primordial de mettre en place des règles claires, de poser des limites et d'exercer une discipline cohérente.
S'il n'est pas sain de permettre au gamin de faire tout ce qui lui plaît, il ne faut pas tomber dans l'excès contraire et le critiquer sans cesse. Finalement, il faut encourager l'enfant à exprimer ses émotions, et ce, dès son plus jeune âge. La société tend encore à pousser les garçons à réprimer leur sensibilité, ce qui peut nuire à leur plein épanouissement.
Des changements en vue?
Les dernières décennies ont été marquées par une présence accrue du père dans la famille et une volonté de sa part de s'impliquer davantage dans l'éducation de sa progéniture. Cela a pour résultat de corriger quelque peu le déséquilibre qui caractérisait la triade mère-père-enfant dans la famille traditionnelle.
Toutefois, on rencontre plus de femmes monoparentales qu'avant. Elles, plus que les autres, doivent faire attention aux dérives potentielles de la relation mère-fils. L'idéal est que l'enfant, même élevé par sa mère, soit exposé à un ou plusieurs modèles masculins consistants.
Après tout, l'intention consciente qui pousse la mère à couver son enfant est bonne. Elle croit ne vouloir que son bonheur et sa sécurité. Il faut seulement qu'elle accepte que ce bonheur ne sera atteint que dans la mesure où le fils aura la possibilité d'exister en tant qu'individu à part entière.
Pour en apprendre davantage, procurez-vous: L'amour en guerre: Comment les liens père-fille et mère-fils conditionnent nos amours.
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