Complexe et empreinte de soubresauts, la relation père-fille demeure un sujet parfois tabou dans nos familles, dans notre société. Pourtant, le regard et le soutien du père faciliteront le développement professionnel, personnel et même amoureux, de la femme en devenir. Quel beau défi pour un papa!
Le complexe d'Electre
C'est vers l'âge de trois ans que la relation père-fille prend son envol. Après avoir porté un amour sans borne à sa maman, la fillette se tourne vers la figure mâle de la famille. Elle rêve souvent de le conquérir, sur le plan émotionnel du moins.
Toutefois, chez certaines, cette relation naissante se transforme en un véritable jeu de séduction. Les professionnels parlent alors du Complexe d'Electre, soit la version féminine du bien connu Complexe d'oedipe. La fillette devient alors amoureuse de son père.
Elle lui voue un amour inconditionnel et une totale admiration. Il doit alors intervenir pour lui expliquer, dans des mots simples, qu'il est l'amoureux de maman et que son rôle lui propose une tout autre forme d'amour : celui qu'il voue à un enfant, sans ambiguïté aucune.
Papa et la vie amoureuse
C'est aussi à cette étape que le père aidera la fillette à définir une saine image de la vie amoureuse. Avec la complicité de sa partenaire de vie, il doit démontrer son amour et son désir pour sa conjointe. Lorsque la fillette voit que ses parents s'aiment et se désirent, elle comprend que ces deux prémisses sont à la base de la relation de couple.
Le chef de famille lui montre ainsi la voie pour qu'elle devienne, à son tour, aimante et aimée dans sa vie d'adulte. Souvent, elle recherchera alors le type de relation, basée sur le désir et le respect, vécue par ses parents lorsqu'elle était enfant.
Cette étape est importante dans son évolution. Le regard amoureux de son papa envers maman, ou sa nouvelle conjointe, est déterminant. Toute jeune, la fillette apprendra à ne pas craindre le couple et comprendra que le bonheur avec un partenaire de vie n'est pas qu'une illusion.
En l'absence de ces regards et d'une franche relation parentale père-fille, cette dernière pourrait éprouver un besoin de rapprochement qui se traduit souvent, dans le futur, par la quête incessante d'un amour idéal ou d'affection idéalisée.
Papa et la féminité
C'est aussi pendant l'enfance que papa aidera sa fillette à acquérir sa propre féminité et à la développer, tant par des mots que par des gestes précis. Ainsi, des compliments de cette figure paternelle sur son habillement, sur son allure, sur ses résultats scolaires ou sur ses performances sportives, aideront la future femme à acquérir une vision positive d'elle-même et de sa féminité.
De même, de petites attentions, en lui offrant une poupée (plus jeune), une bague, des boucles d'oreilles, ont un impact positif sur le développement de la future femme. S'installe alors une relation empreinte d'amour, de tendresse et d'admiration entre le père et sa fille.
En encourageant cette dernière en de multiples occasions, il l'aide à se forger une personnalité propre, une confiance en elle et une détermination. Il sert alors de guide. Ses gestes et ses mots auront un impact déterminant sur la vie adulte de sa progéniture, et ce, tant au niveau personnel que professionnel ou amoureux, comme nous l'avons vu plus haut.
Bien sûr, il doit faire preuve d'une certaine retenue dans la valorisation de la féminité de sa progéniture. Une survalorisation amène parfois l'adolescente à connaître des difficultés dans son développement ou sa quête d'une sexualité saine.
Papa et l'adolescente
Après quelques années de relations pratiquement sans faille, la relation père-fille se transforme, en seulement quelques semaines. Une réserve et une pudeur s'installent. Pubère, la femme en devenir établit une distance avec celui qu'elle admirait sans bornes quelques mois auparavant. Cette distance est essentielle pour l'adolescente qui, ce faisant, prépare sans le savoir le type de lien qu'elle développera avec ses partenaires amoureux.
Le rôle du père devient alors primordial, quoiqu'effacé. Même si les liens sont plus tendus et que l'adolescente a tendance à s'isoler, il doit valoriser sa féminité et sa beauté. Il y va de compliments, parfois mal acceptés. L'adolescente a souvent l'habitude de s'enfermer dans sa chambre, de lui refuser tout geste d'affection, alors que sa silhouette se modifie, mais ces mots et ces gestes doivent perdurer, malgré un accueil parfois défavorable.
Les premières expériences sexuelles
C'est aussi au cours de cette période que l'adolescente connaît ses premières expériences sexuelles. Elles se traduisent souvent par une légère période de flottement, d'incompréhension. Elle se tourne vers sa mère pour se confier, voire pour avoir des discussions « entre femmes ».
Presqu'un étranger
Sans être totalement exclu, le paternel devient un intrus dans la vie de cette fille qui, pourtant, l'admirait tant. Cette période est entièrement normale. Il doit alors relever un nouveau défi : traverser cette carapace de pudeur et d'incompréhension pour maintenir une relation parfois cahoteuse, mais qui a une grande importance pour l'épanouissement de la femme en devenir. Un regard rassurant et admiratif doit perdurer, pour favoriser le développement de la personnalité adulte de la femme.
Parallèlement, chez l'adolescente, une forme de dé-idéalisation de la figure paternelle s'installe. Cette étape est essentielle pour le développement de son parcours amoureux. Dans le cas contraire, l'adolescente, et la femme plus tard, cherchera à retrouver l'image du père dans ses relations amoureuses, parfois avec de grandes déceptions, parfois à l'aide d'histoires sans lendemain.
Le retour du balancier
Voilà, la fillette est devenue adulte. Très souvent, la relation père-fille se transforme à nouveau, une première fois vers l'âge de 30 ans, souvent lors de la maternité, puis vers 45-50 ans, alors qu'il vieillit plus ou moins bien. Cet amour refait parfois surface lorsque ce dernier, en moins bonne santé, a besoin de l'aide des proches.
En contrepartie, si la relation père-fille a été déficiente, pour diverses raisons, des conflits peuvent naître entre eux, une fois à l'âge adulte. Les frustrations refont surface, parfois jusqu'à la rupture. Il faudra parfois l'arrivée de la maladie, parfois la mort imminente, pour qu'une fille se penche vers cet homme, redevenu « son » papa, pour lui dire qu'elle l'aime.
Le regard des autres
Dans notre société dite évoluée, il arrive fréquemment que les relations père-fille soient vues d'un mauvais oeil par de tierces personnes. En effet, plusieurs ne comprennent pas qu'un homme et sa fille soient si proches l'un de l'autre. Ils tirent rapidement des conclusions sur de possibles gestes qui, dans leur esprit, s'apparentent à de l'inceste.
Souvent, cette situation entraîne une modification profonde des relations entre les deux membres d'une même famille. Au lieu de faire l'objet de soupçons déplacés, l'homme s'éloigne volontairement de sa progéniture. Cette dernière peut s'accommoder de la situation, mais cet éloignement, alors qu'ils ont été si près, laisse souvent un goût amer dans la bouche de papa. Si vous êtes témoins d'une telle relation de proximité, évitez des conclusions trop hâtives. Observez plutôt.
Le rôle de la mère
À chaque étape de la relation père-fille, maman doit jouer un rôle important. Elle doit favoriser la création du lien filial, même y participer au besoin en incitant papa à être plus près de sa progéniture. Elle doit également laisser son partenaire s'occuper de l'enfant même si les actions posées par ce dernier sont différentes des siennes. À cette étape, la confiance en les capacités de l'autre est primordiale.
Les mères monoparentales, elles, doivent permettre à l'enfant de trouver un « papa » de substitution (oncle, parrain, nouveau conjoint) et éviter de dresser un portrait peu flatteur du père naturel.
La relation père-fille est truffée d'ambivalences, de non-dits et de périodes importantes pour conduire l'enfant jusqu'au mitan de sa vie. Elle se doit d'être valorisée, pour favoriser l'épanouissement de la femme.
Les papas se doivent donc d'être présents auprès de leurs filles afin de les aider à évoluer dans toutes les facettes de leur vie. Et la tâche n'est pas accomplie lorsque la fillette devient adulte. Elle va bien au-delà, parfois même après la mort du père, dont elle se souviendra toute sa vie.
Henri Michaud, rédacteur Canal Vie