Qu’on le veuille ou non, le temps passe, et notre enfant, qui apprenait à marcher il n’y a pas si longtemps, est maintenant grand et… indépendant! Il a même abordé avec vous son désir de partir voyager en solitaire. Que ce soit pour un court voyage de quelques jours au Québec ou pour une destination plus éloignée, cette première expérience est essentielle, tant pour vous que pour lui. Mais comment réagir et l'aider à se préparer, sans trop en faire? Comment apprivoiser notre propre angoisse, et le laisser voler de ses propres ailes?
On commence doucement
Si votre ado n’est pas très indépendant et n’a jamais effectué de déplacement seul auparavant, il est peut-être préférable d’y aller progressivement. Vous pourriez, par exemple, lui proposer de partir une longue fin de semaine ou 3-4 jours. Cette expérience pourrait être une transition entre les vacances en famille et le véritable voyage en solo. Cette toute première expérience est importante, surtout dans le cas d’un jeune qui n’a jamais été livré à lui-même. Cela lui permettra de savoir à quoi s’attendre pour un voyage plus long.
Certains ados ont l’habitude de voyager régulièrement seuls en autobus ou même en avion pour visiter des proches (parent éloigné, par exemple), et l’idée d’un voyage en solitaire peut vous sembler moins difficile à envisager dans ce cas.
Vous pourriez aussi proposer à votre enfant que ce premier voyage se fasse dans un cadre plus réglementé, comme un voyage linguistique ou d’entraide humanitaire, par exemple. Il pourrait y profiter de cette autonomie qu’il souhaite, mais sans être complètement laissé à lui-même.
De plus, avant de le laisser partir à l’étranger, il vaut peut-être mieux qu’il expérimente un court voyage au Québec (ou au moins au Canada), sans douanes à traverser.
À quel âge?
Ici, il faut vraiment tenir compte de la maturité et du caractère du jeune en question, ainsi que de votre propre capacité à lui faire confiance. Certains parents laissent leur ado partir seul avec son sac à dos aux alentours de 15 ans, mais ces cas sont plutôt rares. En général, c’est vers 16-17 ans que les premiers voyages en solitaire ont lieu.
Évidemment, il est toujours plus facile de laisser partir son gars que sa fille, pour des raisons évidentes… On a évidemment peur de laisser une pauvre jeune fille sans défense errer seule dans la nature!
Seul ou en groupe?
Normalement, les ados ressentent le besoin de se retrouver en groupe avec leurs pairs, et rechignent à l’idée d’être complètement seuls, mais ce n’est pas le cas de tous. Si votre enfant est du genre solitaire et contemplatif, et qu’il rêve d’aller explorer une ville ou une région, il y a de fortes chances que ce soit parce qu’il s’en sent capable.
Un jeune qui a besoin d’être constamment entouré de sa gang n’aura pas tendance à vouloir partir en solo. Il envisagera plutôt quelques jours de camping (ou autre) avec ses meilleurs amis. Mais peut-être que c’est justement l’idée de plusieurs jeunes avec les hormones en folie et une liberté totale qui vous effraie?
Quelle destination?
Le Canada est un pays immense avec plein de belles choses à voir. Que ce soit un tour de la Gaspésie, une traversée du pays en autobus ou quelques semaines dans la belle région des Rocheuses, il y a chez nous de quoi assouvir le besoin de voyage de votre ado. Mais peut-être rêve-t-il plutôt de visiter un pays d’Europe ou de déambuler dans les rues de New York? Ce n’est pas à prendre à la légère. En effet, il n’est pas toujours évident pour un mineur de se déplacer à l’étranger, même avec un passeport valide. Il pourrait avoir besoin d’autorisations parentales et de plus, il est souvent difficile de trouver un logement adéquat quand on est mineur. À moins d’avoir un point de chute sûr (famille, amis), son petit voyage pourrait vite se transformer en cauchemar. On favorise donc plutôt un voyage à l’intérieur des frontières, ce qui pourrait d’ailleurs être une excellente pratique à son tour d’Europe… quand il aura atteint la majorité, dans 1 ou 2 années.
Les préparatifs
Une grande partie du plaisir que l’on trouve à voyager provient des préparatifs : quels lieux visiter, que voir, commet se rendre, etc. Ne « volez » pas ce plaisir à votre jeune en tâchant de tout planifier vous-même à l’avance. Peut-être que cela vous sécurise, mais ce n’est pas lui rendre service.
Par contre, il est chaudement recommandé de lui faire profiter de votre expérience en la matière. Dirigez-le, toujours gentiment, vers les bons choix. Par exemple, s’il choisit de camper, proposez-lui de faire une liste de l’équipement qu’il croit nécessaire, puis ajustez la liste, au besoin, en lui expliquant pourquoi tel ou tel article est important.
Parlez aussi des règles de base de sécurité : ne pas monter avec un inconnu ou quelqu’un qui est sous l’influence de l’alcool ou de la drogue, ne pas s’éloigner des circuits touristiques, etc. Il vous écoutera peut-être d’une seule oreille, mais c’est quand même votre devoir de lui faire part des dangers auxquels il pourrait s’exposer.
Rester zen
Voilà, c’est le grand jour! Votre ado vient d’embarquer dans l’avion ou l’autobus. Il est enchanté, alors que vous sentez votre propre cœur se serrer, et que vous vous demandez comment vous allez faire pour ne pas paniquer. Vous envisagez même de le suivre discrètement pour vous assurer qu’il est constamment en sécurité! Surtout, n’en faites rien.
Ce premier voyage est une étape importante dans le développement de votre jeune. Cela va lui apprendre à ne dépendre que de lui-même et à se détacher petit à petit de vous. C’est nécessaire! C’est très formateur, et cette expérience peut changer à tout jamais sa perception de la vie, lui montrer qui il est vraiment et quel adulte il est en train de devenir, l’orienter pour ses choix de vie future, etc.
Résistez au désir de lui téléphoner ou de lui envoyer des messages textes 5 fois par jour, mais demandez-lui plutôt de vous appeler (ou de vous envoyer un courriel) une fois arrivé, puis fixez-lui un rendez-vous téléphonique à intervalles réguliers (par exemple, un jour sur 2 ou 3.)
Et surtout, faites-lui confiance. Rappelez-vous votre propre besoin d’indépendance à son âge.
Et au retour?
La pire chose à faire est de le bombarder de critiques et de questions (j’ai attendu tes appels tous les jours, pourquoi tu ne répondais pas au téléphone, comment as-tu dépensé ton argent, etc.). Montrez-lui surtout la joie que vous ressentez à le revoir, et que vous êtes heureux pour lui que son voyage se soit bien passé. Il vous racontera au fur et à mesure les choses qu’il souhaite partager avec vous. Il gardera probablement aussi des choses dans l’ombre. C’est normal. Nous avons tous besoin d’un jardin secret. Et puis, il est peut-être préférable de ne pas tout savoir. Souvenez-vous de toutes ces choses que vous n’avez pas racontées à vos parents. Ces bêtises d’ados n’ont pas forcément fait de vous un adulte à problème, mais elles constituent aujourd’hui vos meilleurs souvenirs, n’est-ce pas?
Parfois, il peut arriver que les premiers jours après son retour soient difficiles. Votre ado s’est habitué à prendre des décisions par lui-même, et il peut trouver difficile de devoir de nouveau obtenir votre autorisation pour telle ou telle chose. Mais ne vous inquiétez pas, les choses devraient rentrer dans l’ordre rapidement… jusqu’à son prochain voyage!
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie