Quel que soit l'âge de la personne abusée, une agression sexuelle est toujours terrible, mais il est particulièrement révoltant d'imaginer que des adultes en position de pouvoir posent des actions dégradantes et traumatisantes sur des jeunes sans défense.
Nous avons tendance à croire que nous connaissons assez nos enfants pour repérer tout changement dans leur comportement... Et pourtant, de nombreux adultes, abusés pendant l'enfance, affirment que leurs parents n'ont rien vu. Est-il réellement possible de déceler chez les enfants des signes de violence sexuelle? Existe-t-il des comportements qui doivent nous mettre la puce à l'oreille?
Les statistiques
Les données sont claires : environ 5000 personnes ont déclaré être victimes d'agression sexuelle au Québec, en 2011 seulement. Cela inclut des personnes de tous âges, de tout milieu social, des deux sexes et prend en compte toutes les formes d'agressions enregistrées par la loi (contacts, incitations, relations non consenties, exhibitionnisme, voyeurisme, inceste, intimidation par ordinateur, etc.) À ce chiffre déjà exorbitant s'ajoutent plusieurs données inquiétantes :
- 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police.
- Les 2/3 des victimes sont âgées de moins de 18 ans.
- 80 % des victimes sont de sexe féminin.
- 98 % des agresseurs sont de sexe masculin.
- 20 % des agresseurs ont moins de 18 ans.
- Dans 80 % des cas, l'agresseur est un proche de la victime, et dans 1/3 des cas, il s'agit d'un membre de la famille (père, oncle, frère, etc.)
Est-il possible de remarquer quelque chose d'inhabituel?
Plusieurs études scientifiques ont mis en lumière une série de signes et symptômes physiques et psychologiques qui devraient aider les adultes (parents, professeurs, intervenants) à déceler un comportement anormal chez les enfants dont ils ont la responsabilité.
Pourtant, trop souvent, on ne voit rien, et les jeunes souffrent en silence sans jamais oser parler. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi on ne remarque rien :
- L'enfant a peur : on menace de faire du mal à quelqu'un qu'il aime s'il parle.
- Le jeune aime profondément son agresseur (parent, proche de la famille) et ne veut pas qu'il lui arrive du mal.
- Le sujet est tabou et l'enfant ne sait pas comment l'aborder.
- Le jeune croit qu'il est responsable, qu'il a encouragé le comportement de l'agresseur, il se sent coupable.
- L'entourage n'est pas réceptif, ou encore ferme les yeux sur une pratique qui semble évidente aux yeux de l'enfant.
- Les proches pensent toujours que ça arrive chez les autres, chez les familles à problème, dans un milieu social moins élevé, etc.
- Les parents pensent que les changements de comportements sont causés par autre chose : séparation ou divorce, deuil, crise d'adolescence.
Quand s'inquiéter?
Il existe plusieurs signes physiques et psychologiques qui devraient alerter les adultes responsables. En voici une liste non exhaustive :
Changements dans les comportements
- L'enfant s'isole volontairement.
- Il ne raconte pas ses journées, ne dit pas ce qu'il fait.
- Il se désintéresse de ce qu'il aime habituellement faire.
- Il semble avoir peur, il refuse d'aller seul quelque part.
- Ses résultats scolaires se dégradent.
- Il refuse la tendresse, la proximité physique.
- Il ne veut pas se mettre nu devant un adulte, par exemple pour se laver ou pour un examen médical.
- Il est angoissé, nerveux, pleure souvent ou se met en colère.
- Il régresse, se met à agir et parler comme un bébé, à sucer son pouce, à mouiller son lit alors qu'il était propre.
- Il a perdu l'appétit.
- Il souffre d'insomnie, a peur de s'endormir, car il dit faire des cauchemars récurrents.
- Il aborde des sujets sexuels dont il ne devrait pas avoir conscience à son âge.
- Il mime des jeux sexuels (avec ses toutous, poupées, autres enfants).
- Il se masturbe ou mime des bruits sexuels en public.
- Il semble s'intéresser de trop près à la sexualité : questions, dessins explicites, comportement de séduction.
- Il se montre agressif avec ceux qui l'entourent.
Quelques signes physiques qu'il ne faut jamais négliger
- Ecchymoses sur les cuisses ou ailleurs sur le corps.
- Douleurs et plaies non expliquées dans les régions anales et génitales.
- Irritations génitales et buccales.
- Infections urinaires récurrentes.
- Prise ou gain de poids.
- Chez les ados et préados : troubles alimentaires, signes d'automutilation et de scarification, consommation de drogue et d'alcool.
Comment réagir quand on a des doutes?
En tant que parents, nous voulons toujours le meilleur pour nos enfants et devenons fous à la seule idée que quelqu'un les touche. Parfois, il n'y a aucun doute possible et tout prouve que notre enfant a bel et bien subi des agressions d'ordre sexuel. Il est donc possible, et même obligatoire, de porter plainte et d'entamer des procédures judiciaires. En ce cas, il faut communiquer avec la Sûreté du Québec.
Malheureusement, le plus souvent, les actes sont invisibles et il est impossible d'être certain à 100 % de ce qui arrive parce que l'enfant ne parle pas et que l'immense majorité des signes décrits ci-dessus peuvent être causés par autre chose.
Selon la loi, toute personne (parent, tuteur, intervenant, professeur) qui soupçonne qu'un enfant a subi une ou des agressions sexuelles est tenue d'aviser le directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), lequel mènera l'enquête et avisera la police, si nécessaire.
Prévention
Même s'ils nous mettent mal à l'aise, il faut aborder ces sujets avec nos jeunes, en utilisant des mots qu'ils comprennent, adaptés à leur âge. Bien sûr, tous les parents avisent leurs jeunes de ne pas parler aux inconnus dans la rue et de ne pas accepter de cadeaux ou bonbons de ces personnes. Mais comme nous venons de le voir, le danger se trouve souvent dans l'entourage même de l'enfant : proches, membres de la famille, voisins, entraineurs sportifs, ou même professeurs... En ce cas, comment pouvons-nous agir?
- Établir un climat de confiance où l'on peut parler de tout.
- Apprendre à l'enfant quels sont les gestes autorisés et les gestes déplacés.
- Lui apprendre à respecter son corps.
- Lui faire comprendre qu'il a toujours le droit de dire non lorsqu'il ne se sent pas à l'aise de faire quelque chose, même si la personne en face de lui est en position d'autorité.
- Lui dire qu'il doit chercher l'aide de quelqu'un en qui il a confiance s'il ne se sent pas en sécurité avec quelqu'un, même s'il connaît très bien cette personne.
- Toujours montrer que l'on croit notre enfant lorsqu'il raconte quelque chose, même si cela nous semble impossible. Si le jeune ment (ça arrive), il sera facile de le démasquer par la suite, mais s'il dit la vérité et que vous le ridiculisez, il restera emmuré dans son silence.
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie