Au Québec, un enfant ne peut pas avoir trois parents au sens de la loi. Pourtant, cette réalité est celle de certaines familles, mais demeure toujours invisible légalement. Le point sur cet enjeu du droit familial.
Quand un couple a recours à une mère porteuse, un donneur de sperme ou toutes autres conditions qui font en sorte qu’un troisième parent apparaît dans le scénario familial, il est encore impossible au Québec d’inclure cette personne sur l’acte de naissance. Pourtant, la triparentalité est reconnue en Ontario et en Colombie-Britannique.
Cet enjeu du droit familial cause donc certains casse-têtes au Québec. Le «troisième parent» reste invisible en regard de la loi, le reléguant, malgré son implication affective et financière dans la vie de l’enfant, au rang d’adulte significatif dans sa vie. Toutefois, sa reconnaissance devrait être bien plus. Il reste que cette nouvelle réalité démontre à quel point le droit parental au Québec doit être adapté.
Le doyen de la faculté de droit de l’Université McGill, Me Robert Leckey, a présenté une formation sur le sujet en février 2019 sur la question. Dans Droit-inc, il a reconnu l’importance de se pencher sur la question : «Plusieurs familles sont touchées de près par cet enjeu impliquant l’adaptabilité de notre droit. C’est très important d’en parler».
Reconnaître toutes les familles
Les familles au Québec – comme partout ailleurs – ne répondent plus à un seul modèle. La famille nucléaire n’est plus la norme. Prendre compte de la diversité des familles devra être au cœur des futures décisions notamment dans le droit. Pour l’instant, Me Leckey estime qu’il est difficile d’affirmer que la triparentalité sera reconnue au Québec dans un avenir rapproché. Il a affirmé, à Droit-Inc : «Il y a une lecture dominante du droit actuel au Québec qui statue que c’est impossible. Par contre, le gouvernement actuel parle d’une grande réforme du droit de la famille, alors tout est possible». En août 2019, trois juges de la Cour d’appel ont tranché qu’il est impossible, au Québec, qu’un enfant ait plus de deux parents.
Le droit change, mais peut-être pas à la même vitesse que la réalité familiale. «L’adoption en 2002 de la Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation établit un nouveau cadre conjugal pour les couples de même sexe, leur donnant les mêmes droits qu’à tous les autres couples», peut-on lire dans le rapport de recherche intitulé Structures familiales et vécu parental dans les familles homoparentales. Plusieurs situations différentes de filiation sont étudiées d’un point de vue légal dans ce rapport. Pour établir une filiation reconnue au sens de la loi, il est nécessaire d’établir un «projet parental». Le site Éducaloi émet des précisions. «La loi appelle “projet parental” la décision pour un couple ou une personne d’avoir un enfant en utilisant le sperme ou l’ovule d’une autre personne. Un projet parental peut être formulé par un couple hétérosexuel, par un couple de femmes ou par une femme seule. Les rôles sont clairement établis dans le cadre d’une procréation médicalement assistée : le donneur de sperme ou la donneuse d’ovule ne peut revendiquer aucun droit sur l’enfant. Ce sont plutôt la ou les personnes qui ont formulé le projet parental qui deviendront les parents de l’enfant au sens de la loi.», peut-on lire sur leur site. La loi québécoise ne laisse donc pas beaucoup d’espace, pour l’instant, au troisième parent. Mais ce dossier est loin d’être clos. Comme d’autres juridictions canadiennes reconnaissent le fait qu’un enfant peut avoir plus de deux parents, il se pourrait que la situation change.
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