Le psoriasis, une maladie de peau mal connue.
Les relations sociales, familiales et conjugales sont déjà assez compliquées dans l’ordre normal des choses, alors on peut facilement imaginer les difficultés qui y sont liées lorsque l’on vit avec une maladie chronique. Nous avons communiqué avec une personne dont la vie a été profondément affectée par le psoriasis, pour recueillir ses commentaires.
Le psoriasis, qu’est-ce que c’est?
Touchant 1 million de Canadiens à divers degrés de gravité, le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau qui n’est pas contagieuse. Elle se manifeste par des plaques rouges couvertes de squames argentées (de la peau qui pèle.) Les plaques peuvent être localisées à certains endroits précis (genoux, coude, cuir chevelu) ou encore recouvrir une grande partie du corps et ainsi créer un réel handicap pour la personne qui en souffre.
En plus d’être particulièrement inesthétique, les plaques de psoriasis démangent fortement et il est souvent impossible de ne pas les gratter, souvent jusqu’au sang, créant ainsi des plaies encore plus visibles et douloureuses.
La maladie au jour le jour
Mme C., qui a très généreusement accepté de partager son histoire avec nous, a souffert de psoriasis sévère pendant de nombreuses années. Son corps était recouvert à 70 % de plaques disgracieuses : les genoux, les cuisses, les fesses, le bas du dos, le cuir chevelu, derrière les oreilles, le ventre, les coudes, entre autres.
Dans son cas, la maladie a commencé après une mononucléose. En l’espace de deux semaines, son corps presque au complet s’est recouvert de plaques qui n’ont pas évolué (augmentation ou réduction) au cours des 10 années suivantes. Alors âgée de 25 ans, Mme C. avait déjà vu sa mère souffrir de cette maladie de peau, mais elle ne pensait pas en être un jour affectée elle-même.
La vie sociale
Progressivement, sa vie a changé du tout au tout. Sur le plan social, il est devenu nécessaire d’expliquer constamment de quoi elle souffrait aux personnes qui la regardaient et de cacher le plus possible les plaques de psoriasis. Mme C. a donc fini par s’isoler volontairement, pour ne plus avoir à entendre les commentaires ou supporter les regards souvent écœurés. Elle n’a gardé dans son entourage que ses amis les plus proches, et sa famille bien sûr.
La vie intime
Comme on peut s’y attendre, sa vie de couple a dû aussi subir les conséquences du psoriasis. C’était « un désastre », en ses propres mots. Mme C. avoue qu’elle a eu énormément de chance d’avoir un conjoint très compréhensif qui ne l’a jamais laissé tomber, malgré son psoriasis. Selon elle, il lui a fallu plus que de l’amour pour arriver à la soutenir dans cette longue épreuve.
À un certain moment, elle devait dormir seule parce qu’elle se grattait tellement la nuit que cela empêchait son conjoint de dormir. De plus, les plaies saignaient tellement qu’elle devait chaque matin décoller les draps de sa peau… Et pour calmer un tant soit peu les démangeaisons sur son cuir chevelu, elle appliquait de l’huile sur sa tête et dormait avec un petit bonnet de plastique. Autant de « détails » qui rendent quasiment impossible une vie intime satisfaisante!
À tous ces désagréments physiques s’ajoutaient autre chose : son caractère avait bien évidemment été changé par la maladie, car, on le comprend bien, être sans cesse dans un tel niveau d’inconfort réduit considérablement la patience. Mme C. se rappelle donc que ses deux jeunes enfants devaient eux aussi subir ses sautes d’humeur et qu’ils avaient bien compris qu’il leur fallait obéir rapidement lorsque Maman parlait!
La vie professionnelle
Le psoriasis a aussi affecté la carrière de Mme C. En effet, comme elle travaillait dans le public, il lui est vite devenu impossible de poursuivre ses activités : comment avoir l’air sérieux et parvenir à vendre un service lorsque chacun de ses mouvements de tête fait tomber une fine couche de pellicules sur son bureau, au grand dam de ses interlocuteurs?
Par chance, elle a par la suite réussi à obtenir un poste pour lequel elle n’avait plus de contacts avec les clients, mais tout le monde n’a pas la même chance. Elle admet toutefois que sa maladie a probablement réduit toute chance d’avancement au cours de sa carrière.
Les sentiments et troubles liés au psoriasis
D’après la psychologue Stéphanie Léonard, voir sa vie changer du jour au lendemain à cause d’une maladie comme le psoriasis laisse forcément des séquelles psychologiques. Les troubles sont plus ou moins importants selon les personnes, mais ils altèrent considérablement la qualité de vie et l’estime de soi. C’est en effet très difficile de passer par-dessus les regards extérieurs, le jugement et l’incompréhension.
Il arrive aussi un moment où l’on se sent isolé de tout le reste du monde : on ne peut pas s’habiller à la mode parce qu’on essaie constamment de cacher les plaques, la piscine et la plage ne sont plus que des souvenirs, porter des camisoles ou des shorts est impossible. Quelques rares individus parviennent à s’accommoder sans trop de dégâts de leur nouvelle réalité, mais ce n’est pas le cas pour la plupart…
Un sentiment d’injustice
Vivre avec une maladie, comme le psoriasis, qui altère considérablement notre apparence est injuste. Personne ne peut le nier. Toutefois, beaucoup de personnes restent ancrées dans ce sentiment d’injustice, et pour cette raison, ne parviennent pas à avancer et ouvrent la porte à de nombreuses autres émotions négatives. Il est nécessaire de dépasser ce sentiment et de travailler sur soi pour faire le deuil, pour réussir à s’adapter.
En ce qui concerne les situations quotidiennes auxquelles on ne peut échapper (comme travailler), elles deviennent souvent source de souffrance et demandent une grande adaptation. C’est un défi de tous les jours.
Une profonde détresse psychologique
Lorsqu’on est mal dans sa peau, on a forcément tendance à se replier sur soi-même, à éviter les gens et les situations. Cet isolement est le premier pas vers l’anxiété et la dépression. Lorsqu’on en arrive à un mal-être tel, il est nécessaire de consulter parce qu’il est très difficile de gérer en même temps la maladie et ses conséquences psychologiques.
Quelques pistes de solution
La première chose à faire, c’est de s’éduquer soi-même sur notre maladie, faire de recherches, parler à des médecins. Il est vraiment nécessaire de démystifier la maladie, car beaucoup pensent encore que c’est un trouble psychosomatique lié à une trop grande anxiété. Pourtant, c’est à la base un trouble du système immunitaire qui peut être déclenché par divers facteurs (prise d’un nouveau médicament, maladie, deuil, choc physique ou psychologique.)
Ensuite, et même si cela semble difficile, il ne faut pas craindre d’aborder le sujet de la maladie autour de nous pour que cela ne reste pas un tabou. Beaucoup de personnes pensent encore que le psoriasis est contagieux et qu’on peut l’attraper par contact direct ou indirect. Il faut informer et expliquer à l’entourage ce qu’est notre maladie, ce qui permet de s’immuniser contre le jugement extérieur.
Dans la relation de couple, plutôt que de camoufler les plaies, s’isoler et rejeter toute tentative de rapprochement amoureux, il est primordial d’exprimer ce que l’on ressent ouvertement. Dès lors que l’on n’a pas peur d’aborder le sujet, la maladie prend moins de place et c’est une manière de rétablir la confiance dans le couple. On ne devrait pas être gêné de dire « Moi, je me sens comme ça par rapport à mon psoriasis, et toi, comment te sens-tu face à moi? Qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça prenne moins de place? »
Il y a de l’espoir
Aujourd’hui, la maladie du psoriasis est encore méconnue et beaucoup de gens qui sont atteints s’enlisent dans leur maladie, tout simplement parce qu’ils ne savent pas qu’il existe des médicaments très efficaces qui peuvent faire disparaître presque tous les symptômes.
Les médecins et les dermatologues eux-mêmes ne sont pas tous au courant de l’existence de certains traitements, alors c’est souvent la personne malade qui doit effectuer ses propres recherches sur Internet.
Après avoir supporté le psoriasis pendant des années, Mme C. souhaite plus que tout que les autres personnes qui en sont atteintes ne baissent pas les bras et ne se résignent pas à vivre avec cette maladie. Il existe plusieurs médicaments et il y en a forcément un qui pourra les soigner et leur redonner la joie de vivre. Il ne faut pas lâcher… Il ne sert à rien de souffrir en silence puisqu’il existe des traitements efficaces
Merci infiniment à Mme M. C. pour son témoignage touchant.
Merci à la psychologue Mme Stéphanie Léonard pour ses conseils.