Le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC) a récemment publié une ligne directrice de pratique clinique concernant l'obésité qui n'est pas passée inaperçue. Celle-ci cherche en effet à modifier littéralement l'approche du corps médical vis-à-vis de cette maladie et de ne plus la considérer uniquement comme un problème lié au surpoids.
Bien au-delà du poids
Dans le document disponible en ligne, le JACM indique que «L’obésité est une maladie chronique complexe dans laquelle la graisse corporelle anormale ou excessive (adiposité) nuit à la santé, augmente le risque de complications médicales à long terme et réduit la durée de vie».
Un des mots les plus importants de cette définition est sans aucun doute le mot «complexe». L'association précise en effet tout au long du document que de nombreux autres facteurs sont en causes et doivent être pris en considération dans le traitement.
S’attaquer aux causes profondes du gain pondéral est donc au cœur de cette nouvelle directive qui préconise pour parvenir à une saine gestion de l’obésité de se concentrer sur des paramètres de santé centrés sur le patient et non plus uniquement sur la perte de poids. Les enjeux de santé mentale, le milieu social, les enjeux métaboliques et d'ordre mécanique devraient ainsi rentrer dans l'équation.
Les professionnels de la santé devraient, en plus de tenir compte de l'indice de masse corporel (IMC) de leurs patients, considérer leur vécu et adopter une approche plus psychologique. Ils pourront par exemple leur proposer une «thérapie cognitive favorisant un changement de comportements, une gestion du sommeil, du temps, et du stress, une thérapie nutritionnelle ou une psychothérapie selon le cas», indique le document. Une approche pharmacologique visant à favoriser la perte de poids et son maintien ainsi que l'option de la chirurgie bariatrique sont aussi envisagées. Les professionnels de la santé sont donc invités à ouvrir la discussion avec leurs patients dans le but de changer leur approche globale de la maladie dont la grille d'analyse est améliorée et enrichie.
Les différents enjeux de l'obésité. Source: Journal de l’Association médicale canadienne
Une maladie en progression
Selon le document, l'obésité est en forte augmentation depuis les dernières décennies. «Depuis une trentaine d’années, la prévalence de l’obésité ne cesse d’augmenter partout dans le monde, et au Canada, elle a triplé depuis 1985. Il est à noter que l’obésité morbide, quant à elle, a quadruplé; et selon les estimations, en 2016, elle affectait 1,9 million d’adultes canadiens». En ce qui concerne les prochaines années, Obésité Canada indique que «les prévisions concernant les prévalences de l’obésité chez les adultes canadiens sont en progression pour les deux prochaines décennies».
On notera que selon Statistique Canada, avec 25,0 %, la proportion de résidents âgés de 18 ans et plus en situation d’obésité est inférieure à la moyenne nationale (26,8 %) au Québec.
Pas uniquement un problème dans l'assiette
Le document proposé par le Journal de l’Association médicale canadienne indique clairement que si «la thérapie nutritionnelle est au cœur de la gestion des maladies chroniques, y compris de l’obésité, elle ne devrait cependant pas être utilisée isolément pour la gestion de l’obésité, car le maintien à long terme de la perte de poids peut être difficile en raison de mécanismes neurologiques compensatoires qui mènent à une augmentation de l’apport calorique en accroissant la sensation de faim, causant ainsi un gain pondéral». Le paramètre nutrition devrait donc plutôt être ajusté à d’autres interventions: psychothérapeutiques, pharmacologiques et chirurgicales.
À la complexité de la maladie et à sa gestion, il faut ajouter que certaines approches simplistes et quelques clichés sont malheureusement tenaces. «La gestion de l’obésité [...] doit valider le vécu des patients, aller au-delà des approches simplistes qui consistent à leur conseiller de «manger moins et de bouger plus» et s’attaquer aux racines profondes de l’obésité».
La perte de poids ou plutôt l'absence de perte de poids est malheureusement trop souvent associée à un manque de volonté et d'efforts. Le document corrige ce cliché : «L’ampleur de la perte de poids varie beaucoup d’un individu à l’autre en fonction de facteurs biologiques et psychosociaux et ne dépend pas uniquement des efforts déployés par l’individu».
En voulant faire table rase des préjugés et améliorer la façon dont l'obésité est aujourd'hui traitée, la ligne directrice s'attaque à un problème de santé publique majeur. Les auteurs du document ont cependant bien conscience de la difficulté de cette mission et savent très bien que ce changement de paradigme ne pourra s'établir sans une collaboration globale: «La diffusion et la mise en œuvre de cette ligne directrice font partie intégrante de nos objectifs pour combattre cette maladie chronique répandue».