Tous les experts le disent : la pandémie de COVID-19, qui dure depuis maintenant plus d’un an, ne pourra se terminer que lorsqu’au moins 70 % des gens auront reçu le vaccin. C’est ce chiffre « magique », qui, selon les scientifiques, pourrait permettre à la société d’atteindre la fameuse immunité de masse qui entrainerait ENFIN un retour à la normale.
Et devant la pression immense, les chercheurs ont livré : grâce à une collaboration sans précédent, à des nouvelles technologies et la combinaison des phases de test, des vaccins ont été livrés en un temps record, soit autour de 10 mois!
Si peu après l'arrivée des vaccins une certaine proportions de gens étaient réfractaires au vaccins (selon un sondage de Radio-Canada mené en décembre dernier, il y avait 16 % de gens qui ne voulaient pas le reçevoir plus 21 % d'indécis), ce nombre a diminué à mesure que la vaccination a progressé. Un sondage plus récent, soit mené en février 2021, indique que 76 % des Québécois étaient désormais prêts à la vaccination. Ceci permettrait au gouvernement du Québec de réaliser son but de vacciner 75 % de la population éligible.
Mais qu'arrive-t-il si trop peu de gens se font vacciner au final? Aux États-Unis, après un départ et une efficacité de distribution remarquables, le taux de vaccination plafonne en ce moment autour de 45 %, largement à cause de questions politiques et idéologiques. Le Québec, qui vient de passer la barre des 40 % des gens vaccinés, pourrait bien rapidement dépasser son voisin du Sud, ce qui semblait complètement improbable il y a seulement quelques mois.
Le problème avec l'hésitation ou le refus vaccinal, c'est bien sûr que si on atteint pas le chiffre magique, on retarde/empêche la fin des confinements, du couvre-feu, des fermetures, des mesures exceptionnelles dans les écoles, de la pression extrême sur notre système de santé ainsi que du port du masque. Et qui honnêtement n'a pas envie d'en finir avec tout ça?
Je me suis donc demandé : Dans l'éventualité ou le 70 % à 75 % n'est pas atteint d'ici quelques mois, est-ce qu’il serait possible de rendre la vaccination obligatoire, d’une manière ou d’une autre?
À lire aussi : Est-ce qu'on peut encore espérer s'évader cet été?
Le point de vue du gouvernement
Autant au niveau fédéral que dans les provinces, les autorités ont déjà toutes affirmées que la vaccination contre la COVID-19 demeurerait volontaire.
En effet, forcer la population entière à se faire vacciner brimerait les libertés individuelles. Selon le professeur en santé publique Bryn Williams-Jones, « obliger les gens, d’un point de vue éthique, cela peut être justifié, mais c’est la mesure maximale en termes d’intervention. »
Toutefois, la loi provinciale sur la santé publique prévoit que le gouvernement peut ordonner la vaccination obligatoire « pour protéger la population d’une maladie contagieuse grave. » François Legault a déjà affirmé qu’il aimerait vraiment mieux de pas avoir à en arriver là… Mais est-ce que ça pourrait devenir justifié, si le nombre de « volontaires » n’est pas suffisant pour atteindre l’immunité de masse?
Chose certaine, ce serait un dernier recours. Le gouvernement a plutôt tout intérêt à susciter la confiance de la population et à mettre en place des mesures incitatives, plutôt que coercitives.
cottonbro/Pexels
Le point de vue de l’employeur
S’il semble peu probable que le gouvernement exige l’immunisation contre la COVID-19, qu’en est-il alors des employeurs?
Oui…
Selon l’expert en ressources humaines Rob Wilson, la réponse est claire : « Oui, votre employeur pourrait exiger que vous soyez vaccinés. » D’ailleurs, plusieurs entreprises internationales, par exemple la ligne aérienne australienne Qantas, a déjà mis cette mesure en place.
Cette réalité existait déjà, selon Wilson, mais la pandémie de COVID-19 a beaucoup accéléré les choses. « Auparavant par exemple, des employeurs dans le domaine de la santé, les forces armées ou encore certaines branches de la fonction publique pouvaient exiger que leurs employés soient immunisés. Cette pratique n’est toutefois pas devenue généralisée, entres autres parce que pour un employeur, il n’y avait pas beaucoup d’impact même si disons, une poignée d’employés attrapaient la grippe. »
« Toutefois, la COVID-19 crée des situations complètement différentes. Si un seul cas est détecté dans une compagnie, non seulement il s’agit d’un problème qui pourrait avoir des conséquences sérieuses, mais le lieu de travail doit fermer pendant plusieurs jours, voire même quelques semaines. C’est donc un risque important, non seulement financièrement mais aussi du point de vue de la santé publique, de la réputation et de la transparence », a-t-il ajouté.
« La solution et l’alternative à ceci, bien sûr, c’est que tout le monde ait reçu le vaccin! » Wilson croit d’ailleurs qu'à mesure que le vaccin devient plus accessible, l’obligation devrait devenir plus courante dans le monde du travail... Mais surtout dans les industries de première ligne, celles qui font face au public, celles qui ont été particulièrement touchées par la pandémie ainsi que les corporations plus grosses. Pour une entreprise comme un magasin ou un restaurant par exemple, une enseigne devant la porte qui indique que : « Tout le monde ici a été vacciné! » paraîtrait en effet extrêmement bien et contribuerait à redonner confiance aux gens.
Et non.
Toutefois, ça reste aux employeurs d’établir leur propre politique; la grande majorité des employeurs vont fort probablement simplement s’en tenir à « une forte suggestion, accompagnée de plusieurs rappels, » selon Wilson. C’est également l’avis de l’avocate en droit du travail Amy Frankel, qui reconnaît qu’il n’y a pas de précédent légal ou de judisprudence en ce sens au Canada. « Ce qu’un employeur souhaite que ses employés fassent, c’est très différent de ce qu’il peut les obliger à faire », a-t-elle affirmé à CTV. Il existe en effet bien des barrières qui empêcheraient les employeurs de forcer la vaccination, à commencer par les syndicats, la charte des droits et libertés ou les exemptions pour raisons médicales.
Brock Ouellet, lui aussi avocat en droit du travail, abonde dans le même sens. En effet, il ne croit pas qu’un employeur pourrait congédier un employé simplement parce que dernier refuse de se faire vacciner contre la COVID-19… Par contre, comme les employeurs ont tout de même la responsabilité d’assurer la sécurité et la salubrité des lieux de travail, il considère qu'ils peuvent raisonnablement décider de retirer ou de suspendre cet employé, au moins jusqu’à la fin de la pandémie. Donc en gros : oui, bien sûr qu'une personne a le droit de ne pas se faire vacciner. Mais son employeur a aussi le droit de ne pas devoir accommoder son choix.
À lire aussi : Tout savoir sur la thrombose
L’idée d’un « passeport d’immunisation »
Le concept de passeport d’immunisation est au coeur de l'actualité, en ce moment. Dans certains pays comme Israël, ou l'immunité de masse est en bonne voie d'être atteinte à court terme, c'est réellement cette preuve vaccinale qui propulse le retour à la normale graduel. Ici, les paliers de gouvernement ont d'ailleurs statué là-dessus, dernièrement : Justin Trudeau a affirmé que les Canadiens qui le souhaitent pourraient avoir accès à cette preuve de vaccination, tandis que le gouvernement provincial a annoncé que toutes les personnes vaccinées pourraient recevoir un code QR à garder sur leur téléphone, prouvant l'immunisation contre la COVID-19.
Pour l'instant, Trudeau voit plus ce passeport comme un outil pour ceux qui recommenceront à voyager; il serait difficile de l'éviter alors que de nombreux pays l'exigeront pour pouvoir s'y rendre.
Pour ce qui est du code QR du Québec, le gouvernement est assez hésitant et vague sur son utilisation réelle dans la vie de tous les jours. Mais le gouvernement ontarien a déjà parlé de ce passeport et de son application. Dans la province voisine en effet, il faudra le montrer non seulement pour voyager ou pour s’inscrire à l’école par exemple, mais même pour aller au cinéma ou au théâtre.
Cette approche, qui montre clairement les avantages du vaccin sans obliger personne, risque peut-être d’obtenir de bien meilleurs résultats à la longue!
Consulter tous les contenus de Marie-Ève Laforte