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La distanciation physique a été essentielle pour contrôler la pandémie de COVID-19. C’est une simple équation mathématique : moins de contacts = moins de transmission du virus. Selon un rapport de l’Université Berkeley, les mesures de distanciation ont contribué à prévenir plus de 500 millions de cas de COVID-19 à l’échelle mondiale.
Sauf que la distanciation sociale, c’est tout sauf un comportement naturel pour les humains. Pour les neuroscientifiques, la pandémie s’est avérée un sujet d’étude complètement inattendu, à savoir la manière dont le cerveau réagit à une longue période durant laquelle les contacts sociaux sont maintenus au minimum.
Voici des conclusions fascinantes sur la manière dont la distanciation sociale a modifié nos cerveaux.
Voilà qui ne va surprendre personne : un sondage de l'Université Harvard, mené aux États-Unis à l’automne 2020 (soit environ 6 mois après le début de la pandémie) a révélé que 36 % des adultes ressentaient un état de solitude profonde. Ce chiffre grimpait même sérieusement pour deux segments spécifiques de la population : 52 % des mères avec de jeunes enfants et 61 % des jeunes adultes de 18 à 25 ans souffraient beaucoup de solitude.
Ce qui est étonnant, c’est la contradiction soulevée par une autre étude sur le stress et la pandémie révélant que presque la moitié des adultes américains, malgré leur solitude, se sentaient très mal à l’aise à l’idée de retourner à leurs interactions normales… Et ce peu importe leur statut de vaccination!
Alors comment peut-on se sentir à la fois aussi misérable d’être seul et aussi peu enthousiastes à l’idée de socialiser? Les neuroscientifiques l’expliquent par des changements spécifiques dans notre cerveau.
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Même si la socialisation semble parfois être uniquement un volet « frivole » et non-essentiel de notre vie, dans un contexte d’évolution, il n’en est rien. Les humains sont profondément programmés pour former des « structures sociales » ; après tout, pendant des millions d’années, c’était littéralement une question de survie!
Par contre, les neuroscientifiques expliquent qu’un équilibre précis de cette socialisation est nécessaire pour bénéficier les individus. En effet, si nos structures sociales sont trop limitées, il est impossible de combler tous nos besoins (et probablement beaucoup plus difficile d’assurer la reproduction). Mais si au contraire nos structures sociales sont trop larges et complexes, il s’installe beaucoup plus de compétition pour les ressources et les partenaires.
La science appelle cet équilibre souhaitable l’homéostasie sociale. Au fur et à mesure de son évolution, l’être humain a développé différents mécanismes pour réévaluer et ajuster constamment ses rapports aux autres.
L'un de ces mécanismes dépend de notre « système de récompense » interne, le même qui nous pousse à manger du sucre lorsqu’on a un « craving », par exemple. En fait, lorsque nos contacts sociaux deviennent plus rares ou plus pauvres, normalement notre cerveau les recherche plus activement, exactement comme les cravings alimentaires ou de drogues, par exemple.
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Nos comportements sociaux, qui ont été appris depuis notre plus tendre enfance, ont en effet tendance à s’effacer graduellement s’ils ne sont pas assez utilisés et aiguisés.
En temps normal - c’est-à-dire avant la pandémie -, il n’était à peu près pas possible de mener des études sur l’isolation sociale chez les humains. Ça aurait été très peu éthique de le faire. Alors les neuroscientifiques se servaient souvent des animaux pour les isoler puis étudier leurs cerveaux; on sait d'ailleurs que de nombreuses espèces partagent sensiblement les mêmes connections de socialisation que nous.
Ce que ces études disaient en gros sur la privation de contacts sociaux chez les animaux, c’est qu’elle mène à plus de stress et d’anxiété. Et qu’ont constaté les scientifiques pendant la pandémie? Sensiblement la même chose : lorsque privés de leur structure sociale habituelle, les êtres humains produisent plus de cortisol, l’hormone du stress qui peut causer des ravages dans notre organisme. Ils démontraient également différents symptômes d’anxiété et étaient plus souvent en état d’hypervigilance.
Un effet épeurant de la distanciation sociale ou de l’isolation, c’est aussi la réalité de « perdre » nos habiletés sociales… Nos comportements sociaux, qui ont été appris depuis notre plus tendre enfance, ont en effet tendance à s’effacer graduellement s’ils ne sont pas assez utilisés et aiguisés. Les résultats d’études menées à la fois sur des animaux et des humains révèlent encore une fois sensiblement la même chose : face à l’isolation, notre hippocampe, l’endroit du cerveau qui traite l’apprentissage et la mémoire, rapetisse. Et notre mémoire est impactée, incluant notre mémoire sociale, comme la capacité de reconnaître un visage, par exemple.
Ce que les neuroscientifiques croient, bien que peu d’études le démontrent encore, c’est par contre que la mémoire sociale, tout comme les fonctions cognitives, a une bonne capacité de s’adapter.
Dans quelques études menées sur les animaux, le niveau de cortisol est revenu à la normale une fois que les sujets isolés ont été resocialisés. Par exemple, certaines souris ont démontré une nervosité et de l’anxiété au tout début de leur retour en « société »… Mais rapidement, elles sont revenues à la normale et ont retrouvé leur mémoire!
C’est peut-être donc simplement une question de « passer au travers » de cette période étrange, durant laquelle plusieurs d’entre nous ne se sentent pas bien face à un retour aux situations sociales? À mesure que l’on recommence à utiliser nos habiletés sociales, on peut espérer que ça devienne plus facile et que nos habiletés reviennent.
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