Elles sont est un balado original de Noovo Moi qui donne la parole à des personnes, ayant pour point commun d'avoir des parcours atypiques et parfois souffrants. Cet article est un complément de l'épisode 11 qui donne la parole à des femmes dont la libido est considérée comme étant « hors normes ».
Merci infiniment à l'animatrice Mélissa Bédard et à ses deux invitées, Isabelle, dont la libido est absente, et Andréanne, dont la libido est très forte.
La libido pour une femme : une question minée
Parmi tous les tabous reliés à la sexualité, on peut dire que - spécifiquement pour les femmes- , la libido en fait partie. En effet, selon les convenances habituelles et les stéréotypes, la libido d’une femme « devrait » être tout à fait normée, c’est-à-dire ni trop faible, ni trop forte. Les femmes qui se situent aux deux extrêmes peuvent donc autant être mal vues et jugées l’une que l’autre, pour différentes raisons, alors que les hommes ne vivent pas cette problématique.
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L’apprentissage de la sexualité
Andréanne a découvert la masturbation vers l’âge de 14 ans, mais a commencé à ressentir toute la force de sa libido à l’âge de 19 ans. Lorsqu’elle a compris qu’elle pouvait plaire, elle a réalisé qu’elle appréciait vraiment la sexualité et qu’elle en avait besoin souvent.
Isabelle, de son côté, a ressenti l’effet des hormones de l’adolescence, éprouvait même une grande fascination pour la sexualité. Elle avait très hâte de découvrir cet aspect mais avec le temps, la sexualité n’a pas été à la hauteur de ses attentes.
L’asexualité : une possibilité sexuelle
Dans chacune des longues relations d’Isabelle, l’aspect sexuel ne fonctionnait pas. Elle s’est forcé toute sa vie avec tous ses ex mais elle est certaine désormais « qu’elle n’aurait pas dû »… Et c’est même ce qui a détruit toutes ses relations.
Isabelle s’est sentie très coupable pendant des années en pensant que c’était elle le problème… Puis elle a découvert l’asexualité et son point de vue a complètement changé. Elle définit l’asexualité comme le fait de ne pas ressentir d’attirance ou de désir sexuel envers d’autres personnes. Curieusement, selon elle, l’asexualité et la libido ne sont pas nécessairement liés ; certaines personnes asexuelles ont beaucoup de libido et vont se masturber.
Dans son cas à elle toutefois, la libido est à toute fin pratique inexistante et ça a toujours été ainsi. « Je pourrais ne plus jamais avoir de relations sexuelles et ça ne me viendrait même pas en tête, » confie-t-elle à l’animatrice Mélissa.
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Un besoin criant à assouvir
Andréanne elle vit un peu la situation contraire : le sexe est quelque chose dont elle a constamment besoin, au quotidien. Étonnement, elle aussi s’est questionné sur le sujet et s’est sentie coupable, ou plutôt s’est demandé si elle était normale de se trouver dans cette situation.
Heureusement, elle n’a jamais eu tant de mal à trouver quelqu’un pour satisfaire ses besoins, entre autres parce qu’elle croit qu’elle « attire le genre d’hommes selon ce qu’elle projette ».
Ba Tik/Pexels
Avoir une relation quand même
Isabelle, malgré son absence de libido, voit la sexualité de manière positive et considère qu’une relation est tout à fait possible dans ces circonstances. Toutefois, la relation qu’elle a désormais avec son fiancé n’est pas fondée sur les mêmes bases que ses relations précédentes puisqu’il n’y a cette fois pas de pression par rapport à la sexualité. Pour Andréanne il est clair qu’une relation « sans sexe » ne serait pas possible; son partenaire doit obligatoirement avoir une libido qui est en lien avec la sienne.
Dans les deux cas, les invitées croient que le plus important reste la communication, l’échange et « l’accord » entre les partenaires.
De défaire du regard des autres
Andréanne n’a jamais vraiment osé parler de sa forte libido à personne, à cause des préjugés des gens. Elle avait peur que les gens associent un grand appétit sexuel à une sexualité légère, débridée ou « amorale », dans le nombre de partenaires par exemple. Elle est contente de voir, suite aux commentaires de Mélissa qui affirme lui ressembler, « qu’elle n’est pas seule ».
Avoir vécu la situation contraire n’a pas empêché Isabelle de ressentir tout autant le jugement des autres. À un moment donné dans son cheminement, elle a décidé de faire un « coming out » comme asexuelle sur les réseaux sociaux. Si certaines personnes ont été empathiques ou encourageantes, d’autres ont tout simplement rejeté l’idée en disant que ce n’était pas normal et qu’elle devait consulter.
Alors que les deux ont fait un cheminement là-dedans et ont fait la paix avec leur libido qui ne correspond pas aux normes, elles souhaiteraient simplement que les gens soient plus ouverts et moins prompts au jugement. Particulièrement dans le cas de situations qui ne les regardent pas, qui ne sont « pas un choix » et conviennent parfaitement aux personnes impliquées.
Une note sur Elles sont
Elles sont est un projet qui nous a énormément tenu à cœur comme équipe éditoriale, parce que nous considérons que ce sont des réalités difficiles, mais qu'il demeure nécessaire d'en parler.
Depuis le début du projet, et avant même sa réalisation, nous l’avons porté avec amour et espoir. Mais même en sachant à quoi nous attendre, nous avons été renversées par la puissance des épisodes. Ceci est dû d’une part à l’animation si fine, sensible, empathique et intelligente de Mélissa Bédard. Nous n’aurions pas pu choisir une meilleure personne pour piloter ce projet particulier! Mais c’est également dû aux personnes invitées si pertinentes, éloquentes et attachantes, qu’on aurait toutes envie de prendre dans nos bras. Loin d’être des victimes, elles présentent chacune à leur façon un modèle de courage et de résilience.
Elles sont est une série magistrale, que tout le monde devrait écouter sans faute et dont nous sommes extrêmement fières.
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