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Si la génération Z a compris quelque chose des erreurs du passé, c’est afin que nous puissions atteindre la justice pour tous, il faut dénoncer chacune des injustices. La place incontestable que prennent aujourd'hui les réseaux sociaux nous montre à quel point il est facile de lancer un mouvement de dénonciation et d'entraîner une horde de supporters. La dernière année nous l’a bien démontré.
Il est toutefois pertinent de se demander où se situe la frontière entre l’appropriation culturelle et l'appréciation culturelle? Et pour ça, il est important de se rappeler ce qu'est l’appropriation culturelle : c’est lorsqu’un groupe qui est ou a été oppressé se fait voler des vestiges de sa culture sans reconnaissance ou de mention faite à ladite culture.
Aucune industrie n'est épargnée par l'appropriation culturelle et le sujet mérite qu'on s'y attarde encore.
Sur TikTok, la plupart des chorégraphies créées sur la musique dite « urbaine » par des danseurs noirs sont répétées par des milliers de personnes blanches (ou appartenant à d'autres ethnicités) qui les publient sur leur compte. Évidemment, il n’y a pas d’enjeu avec cela puisque c’est ça la force de ces plateformes sociales, de permettre à tout le monde de participer à un mouvement, ou au challenge du moment!
Le problème survient lorsqu'il n’y a plus aucune reconnaissance donnée aux créateurs et créatrices de ces danses. De plus, la valeur monétaire importante attribuée à ces vidéos ne peut être ignorée ; les créateurs noirs se voient très rarement rémunérés pour leur création.
On a pu le constater avec des créatrices telles que Addison Rae ou Charlie D’Amelio qui ont toutes deux bâti leur following sur TikTok notamment grâce à des danses qui ont été créées par des créateurs et créatrices noir(e)s. Elle ont commencé à leur donner de la reconnaissance seulement lorsqu’elles ont reçu la foudre du #BlackTwitter, qui a décrié cette situation…
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Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase récemment est lorsqu’une partie de la chanson de Nicki Minaj a été reprise et popularisée par des utilisateurs blancs du réseau social sans qu’il n’y ait aucune mention des créateurs originaux.
La chanson va comme suit : « I’m a f*** black Barbie, pretty face, perfect body » qui peut se traduire par « je suis une f*** Barbie noire, joli visage, joli corps ».
Bon... On peut facilement en déduire qu’il y a un certain malaise à ce que les personnes blanches s’approprient cette partie de la chanson de Nicki Minaj!
Les influenceurs noirs sur TikTok sont très nombreux à être des trend setters, notamment en matière de danse. Fatigués de se faire copier sans jamais obtenir le crédit de leur créativité, certains TikTokers ont décidé que c’en était assez...
L'artiste afroaméricaine Megan Thee Stallion a récemment sorti sa chanson Thot Sh!t, déjà très populaire. Normalement, une danse virale aurait déjà vue le jour, d’autant plus que les paroles du refrain décrivent très clairement les mouvements: « Hands on my knees, shakin' a%%, on my thot sh!t ». Mais c'était le début de la grève des créateurs noirs! Et depuis quelques semaines, TikTok est plutôt blême, faute de nouvelles chorégraphies.
Mais l’appropriation culturelle ne sévit pas uniquement sur les réseaux sociaux, et teinte la culture populaire depuis toujours.
Trop souvent on voit des créateurs de mode afro-descendants ou autochtones se faire voler leurs créations lorsque soudain des motifs et accessoires autrefois moqués deviennent « tendance ».
On l’a vu avec des marques de mode luxueuse comme Stella McCartney qui a été critiquée pour avoir copié des modèles traditionnellement africains, sans la moindre mention de sources ni références, et pire encore, sans aucune compréhension de la signification des certains dessins, qui bien souvent correspondent à l'écriture ou un aspect culturel important de certaines tribus. Ceci est de l’appropriation culturelle.
Plus récemment, en juin dernier, le magasin Zara, un géant du commerce de détail, a été accusé par le ministère de la Culture du Mexique d’utiliser des modèles de groupes autochtones qui reflétaient dans leur conception des symboles ancestraux liés à l'environnement, à l'histoire et à la vision du monde de cette communauté, sans aucun avantage social et financier pour ces communautés.
Le côté positif des réseaux sociaux, c’est que ce genre d’injustice sociale est désormais publiquement exposée. Les plateformes comme TikTok et Instagram sont devenues des vecteurs de protestation de premier choix pour la génération Z et les millénariaux.
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La créatrice de mode Mariama Diallo a récemment dénoncé sur sa page TikTok que le géant de la fast-fashion, Shein, avait copié certaines pièces de sa nouvelle collection sans lui attribuer aucun crédit, accusation qui est rapidement devenue virale.
Ce n'était pas la première accusation envers une grosse entreprise de mode, et ça ne sera peut-être pas la dernière.
Ceci est donc un rappel que si tu as envie de porter des motifs ou accessoires appartenant à une autre culture : donne ton argent aux créateurs et créatrices issus de ladite communauté et non pas à une grosse compagnie qui fait du profit sur le dos des plus pauvres en volant leurs symboles et idées!
De plus, renseigne-toi afin de savoir si tu ne manques de respect à personne en le portant ; c’est la base de l’appréciation culturelle. Par exemple, les coiffes autochtones, c’est non.
Mon conseil vaut également pour les souvenirs qu’on ramène parfois de vacances : est-ce que ça profite réellement aux locaux? par qui est-ce fabriqué? Dans la mesure du possible, il vaut mieux prendre un petit temps de réflexion et de recherche avant de sortir son portefeuille...
L'appréciation culturelle c’est bien, et c’est ce qui nous fait découvrir de nouvelles cultures. Ça influence positivement la connaissance et l’acceptation de l’autre. Mais lorsque ça ne profite qu'à un seul groupe en particulier, et ce monétairement parlant, c’est là que ça devient de l’appropriation culturelle.
Une des façons les plus simples et pertinentes pour éviter cela, c’est d’inclure des personnes «BIPOC» [black, indigenous, people of colour] dans le processus de création, en leur donnant le crédit qui leur est dû, en mentionnant sans ambiguïté les influences d’une oeuvre, tout comme on le fait déjà dans la musique. Chaque créateur a le droit d’avoir le contrôle de sa propriété intellectuelle. Et avec l’aide des réseaux sociaux, le changement est en train de s'opérer.
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