En ce Mois de l'histoire des Noirs et tout le mouvement de masse qui se produit depuis quelques années autour des injustices raciales, ce n’est pas toujours facile de savoir quoi faire quand on fait partie de la majorité, et ce, même si on a les meilleures intentions du monde.
Mais une chose est certaine, c’est qu’il s’agit d’un enjeu de droits humains et que c’est loin d’être juste l’affaire de la minorité et des personnes racisées. Il faut en parler et accepter d’être inconfortable, point.
Voici donc ma réflexion sur ce que je crois, en tant que femme blanche, qu’on peut faire pour s’améliorer. Je la présente avec énormément d’humilité, en ne pensant pas une seconde que je détiens la vérité absolue, en sachant parfaitement que je ne comprends pas tout et en étant consciente que ça risque de changer et d’évoluer à mesure que je m’informe et que j’essaie de devenir moi-même une meilleure alliée.
1. Reconnaître le privilège blanc
Ça, c’est la chose la plus fondamentale. Et juste de voir à quel point ça met beaucoup de personnes sur la défensive, c’est clair que c’est encore loin d’être gagné.
Posséder le privilège blanc, ce n’est pas un attribut individuel, mais une structure collective. Et ça ne veut pas dire que c'est parce que quelqu'un est blanc qu'il n'a jamais vécu de difficultés ni de discrimination, évidemment. Ça veut seulement dire que, peu importe si vous en êtes conscient ou pas, si vous êtes blanc, vous n'avez jamais vécu et ne vivrez jamais certaines difficultés que d'autres vivent.
Et que par rapport aux personnes racisées, vous avez profité d’une manière ou d’une autre de ce privilège, autant pour des petits trucs anodins (pouvoir aller courir le soir sans susciter la peur et la suspicion, par exemple) que plus importants (comme obtenir une entrevue ou un emploi).
2. Reconnaître nos propres biais et erreurs
Pour reprendre les mots de Fabrice Vil, avocat, entrepreneur et collaborateur pour La Presse : « Il n’existe pas de "personne raciste" ou "pas raciste". Le racisme n'est pas une question d'identité. C'est un phénomène de société qui nous concerne tous et toutes et dont nous sommes tous et toutes responsables ».
Ce que je comprends dans sa pensée, c’est que ce n’est pas suffisant d'admettre « qu'il y a du racisme chez les policiers » ou encore « que les Américains sont racistes », parce que c’est comme si c’était à l’extérieur de nous. Comme si ça nous ne concernait pas.
Je crois que nous devons, en tant que majorité blanche, reconnaître que nous faisons toutes en quelque sorte partie du problème. Est-ce que je me considère raciste? Bien sûr que non! Est-ce que j’ai déjà eu des comportements ou des réflexes racistes, malgré ça? Oui. C’est tellement ancré en nous, c’est tellement instauré depuis notre plus jeune âge, c’est tellement érigé en système plus ou moins implicite, que c’est pratiquement inévitable.
Je pense qu’une fois qu’on le considère comme ça, qu’on se présente sans s’offusquer ou se sentir menacé par ce fait, on peut commencer le dialogue.
3. Ne pas se taire
Je crois fondamentalement que la grande majorité des personnes blanches veulent bien faire. Mais souvent, elles n’ont pas les mots et ne savent pas trop si c’est leur place de parler de cet enjeu, donc elles n’osent pas.
Mais le truc est que dans ce cas, le silence en dit très long. Le silence est l'espace qui permet à beaucoup de mécanismes néfastes de se perpétrer.
C’est notre devoir en tant qu’être humain d’utiliser nos plateformes - qu'elles soient petites ou grandes - pour s’allier au mouvement en ce moment. On doit tous s'unir pour dénoncer. Parce qu’on le veuille ou non, ça nous concerne!
4. S’éduquer… par soi-même
Au cours de ma vie, j’ai reçu très peu d’éducation ou d’information sur la réalité des personnes racisées. Encore une fois, c’est le système qui est fait comme ça : même ici on en apprend si peu sur les peuples autochtones par exemple.
C’est tellement facile d’avoir des préjugés, mais beaucoup moins de faire un véritable effort pour mieux comprendre ce qui se passe, dans toutes ses nuances et ses répercussions moins évidentes.
Par contre, le fardeau de « nous éveiller » ne devrait pas appartenir aux personnes opprimées. C’est à nous d’aller chercher cette information : de lire, de faire des recherches, de se poser des questions, de regarder des films, d’écouter des podcasts, etc.
Maca and Naca/Getty Images
5. Écouter
L’important reste de donner une légitimité aux voix des personnes noires et racisées. D’être à l’écoute de leur réalité et de leur perspective. D’écouter et d’être ouvert, d’être curieux, mais sans porter de jugement, sans émettre d’opinion, sans ajouter vos propres anecdotes, sans détourner la conversation...
6. Ne pas ramener ça à soi
Ce mouvement appartient aux personnes racisées et de couleur - en anglais, on dit « BIPOC » pour Black Indigenous Person of Color. La majorité blanche doit absolument aussi prendre la parole, mais attention : elle doit avoir un rôle de support.
L’idée n’est pas de faire un post pour exposer au monde que vous n’êtes pas raciste, que vous aimez toutes les races de manière égale ou que vous avez des amis/membres de votre famille noirs. L’idée n’est pas non plus de mettre l'accent sur le fait que VOUS faites partie du camp des bons. Le but est de montrer que vous êtes réellement solidaires.
Et c’est tout à fait correct de se sentir indigné, dégoûté, choqué par ce qui se passe. Mais de ce que je comprends, les personnes racisées n’ont pas non plus besoin d’un déluge d’émotions à vif de la part des Blancs en ce moment.
Parce que de un, c’est juste une réaction normale d’être révolté par de telles violences et de telles injustices; ça ne mérite pas non plus de médaille ni d'applaudissements.
Et de deux, c’est loin d’être nouveau. Tout ceci fait partie de leur réalité depuis des lustres, bien avant que les Blancs commencent à se sentir réellement concernés et à partager le mot-clic #BlackLivesMatter.
7. Ne pas faire comme si la couleur n’existait pas
J’ai toujours trouvé ça bizarre quand les gens disent « Moi, je ne vois pas la couleur ». D'abord, ce sont presque toujours des gens qui possèdent le privilège blanc qui disent ça – les personnes racisées la voient très bien la couleur, elles n’ont pas le choix. Et ensuite, la couleur existe et ce n’est pas vrai qu’on ne la voit pas, quoiqu’on en dise. Je dirais même que je pense qu’il FAUT la voir. Certainement pas pour discriminer, mais plutôt pour reconnaître que certaines personnes ont eu un peu plus de misère à se rendre où elles sont et ne sont pas parties avec les mêmes chances que les Blancs. Et aussi, pour expliquer cette notion aux enfants.
Oui, c’est vrai que les enfants ne sont pas racistes. Le racisme est une construction sociale, pas du tout un réflexe naturel. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne voient pas la couleur! Seulement qu’ils n’associent pas de quelconque valeur ou de signification à celle-ci. S’ils grandissent avec des parents qui ne parlent jamais de ça parce qu’ils sont mal à l’aise et ne savent pas comment aborder la question, les enfants intériorisent que c’est quelque chose de tabou. Et ce n’est pas ce qu’on veut...
8. Diversifier son feed et ses lectures
Suivre plus de personnes racisées sur les réseaux sociaux, lire plus d'ouvrages de personnes noires, écouter plus de films réalisés par des personnes d'origines ethniques variées, c’est un bon début pour mieux comprendre leur perspective et ouvrir ses horizons. Parce que toujours voir uniquement des personnes qui sont pareilles à soi, il me semble que ça ne se peut plus, en 2023.
9. Agir, plutôt que seulement parler
Agir, ça peut vouloir dire plein de choses. Comme participer aux manifestations, par exemple. Mais aussi effectuer des dons à des organismes si vous êtes en moyen de le faire.
Ou encore, au lieu de prendre une grande respiration la prochaine fois qu’un membre de votre famille fait un commentaire raciste, de finalement ouvrir la bouche pour dire « NON ».
10. Continuer à considérer cet enjeu à long terme
Ça n’a rien à voir avec les tendances ou la politique du moment. Il est important de continuer à réfléchir à ces enjeux majeurs, de continuer de voir que ça existe, de continuer à essayer de faire mieux. Pour toujours.
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