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Le 12 mai prochain, cela fera fait 12 ans que Samuel Junior - Juju pour les intimes - a été adopté par Sylvain et Samuel. J’ai discuté avec ce dernier de la vie de famille homoparentale, des défis de l’adoption, de la paternité et du bonheur d’avoir quelqu’un à qui laisser un héritage.
Un témoignage tout doux à quelques jours de la fête des Pères.
Originaire de la France, Samuel est arrivé au Québec en 2002. Il avait alors 30 ans. C’est dans une soirée, à l’automne de la même année, que le journaliste culturel rencontre celui qui allait devenir son conjoint: Sylvain, un professeur d’espagnol québécois.
En 2004, le couple achète une maison à Montréal puis, doucement, naît l’idée de vouloir agrandir la famille. «J’ai commencé à me dire que je trouvais dommage de vivre une vie et de ne pas laisser d’héritage, explique-t-il. Que tu meures et qu’il n’y ait plus rien. Je trouvais qu’il manquait un but dans ma vie.»
Il commence à aborder le sujet avec son chum qui, provenant lui-même d’une belle-famille très proche, n’est pas fermé à l’idée d’avoir des enfants. Le couple ne sait toutefois pas trop comment s’y prendre pour adopter un enfant.
«Un jour, une collègue journaliste m’a raconté qu’elle avait des amis qui avaient adopté un enfant par la banque mixte avec la DPJ, poursuit-il. Il faut savoir qu’avec la banque mixte, tu as un enfant en famille d’accueil en attente d’adoption. La DPJ estime que cet enfant a un maximum de chances d’être mis à l’adoption.»
Le couple se rend à une première session d’information où il sont l’unique couple gai dans la salle (on se rappelle que c’était il y a une décennie!). Des rencontres supplémentaires sont ensuite planifiées par la DPJ pour qui la mise en relation avec des couples du même sexe représente alors une grande nouveauté.
«On nous a dit que nous étions parmi les premiers couples gais à adopter avec la banque mixte. Ils étaient très ouverts, ils étaient même contents de voir des couples de même sexe.»
Que ce soit deux papas, un papa et une maman ou encore deux mamans, ça ne change pas grand-chose à la vie des enfants.
Assez rapidement, les amoureux reçoivent le coup de téléphone tant attendu. Le petit âgé d’un an qu’on souhaite leur présenter s’appelle Samuel et son travailleur social... Sylvain! Deux belles coïncidences qu'ils reçoivent comme un signe du destin.
«C’était un enfant qui venait d’un couple dysfonctionnel et qui avait été placé à l’âge de 6 mois en famille d’accueil, raconte Samuel. La première fois que tu vas voir un enfant comme ça, c’est quelque chose. Il était gros et amorphe, car aucunement stimulé. Il n’émettait aucun son, il n’avait même pas de chaussures, pourtant il avait 13 mois! En famille d’accueil, il était comme en hibernation, en végétation, le temps d’être adopté.»
Sur le chemin du retour, le couple s’inquiète: «mais on s’est dit qu’on allait le prendre comme il était...».
Puis, tout s'accélère dans leur vie. Quelques jours plus tard, le couple va chercher officiellement le bébé en apprenant que cela faisait un moment que le petit - à qui on avait dit qu’ils allaient revenir - attendait ses deux papas devant la porte.
Juju avait donc 14 mois lorsqu’il est arrivé dans sa maison montréalaise. C’était en mars 2008.
«On avait apporté des chaussures, on est sorti avec lui et déjà on voyait qu’il y avait un changement, se souvient le journaliste. C’est comme s’il avait compris que son avenir passait par nous. C’est pour cela qu’on dit que c’est lui qui nous a choisis.»
Suite à cet heureux chamboulement, Sylvain prend une année de congé paternité avec le petit. «On était deux hommes en couple dans une grande maison et 15 jours plus tard, on était trois!»
Diverses complications anxiogènes avec les parents biologiques précèdent la signature officielle de l’adoption de Juju, trois ans plus tard.
Le 12 mai restera à jamais une date importante pour le trio qui fête à la fois l’adoption de Juju et… l’anniversaire de naissance de Samuel (cela ne s’invente pas!)
«On n’a jamais été regardé différemment ou mis de côté, répond Samuel lorsqu’on lui demande comment s’est passée leur vie de famille jusqu’à maintenant. Au contraire, à la garderie c’était vu comme quelque chose de positif et à l’école je me suis impliqué dans le conseil des parents et on a vu qu’il y avait d’autres parents homosexuels. Nous, ça ne nous a jamais posé problème, et à Juju non plus.»
Le couple - qui fêtera 22 ans d’amour en 2024 - souhaite ne jamais rien cacher de leur histoire et de l’adoption à Juju qui, de façon légitime, a parfois des questions ou désire revisiter certaines photos de lui bébé.
Le livre illustré pour enfants Je t’aimerai toujours a d’ailleurs été un outil d’une grande aide pour la famille. «C’est un livre que j’offre à tout coup aux amis qui vont devenir parents, explique Samuel. On lui lisait chaque soir et je crois que cela a contribué à l’apaiser et à ce qu’il s’enracine. Ça a vraiment été un livre important et ça l’est toujours maintenant. C’est comme un rappel qu’on sera toujours là pour lui.»
Maintenant âgé de 16 ans, Juju («un garçon intelligent, curieux, adorable, mais ado en ce moment», décrit son père en riant) est si bien enraciné à sa famille qu’il se proclame Québécois ET Français. Sa «maman de cœur» Catherine et les nombreuses amies du couple font office de belles figures maternelles pour le jeune adolescent fan de théâtre.
«Que ce soit deux papas ou un papa et une maman ou encore deux mamans, ça ne change pas grand-chose à la vie des enfants », conclut le papa comblé.