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Témoignages

Je ne sais pas si je veux avoir un enfant

PAR : Claire-Marine Beha

Je ne sais pas si je souhaite avoir un enfant. Chaque jour, ma décision change et ma réflexion évolue. Sujet encore tabou de nos jours, le rejet de la maternité et sa remise en question fait couler beaucoup d’encre. On s’étonne que certaines femmes ne sautent pas les yeux fermés dans le rôle de maman, un statut sacro-saint qui devrait les faire rêver, en tout cas si on écoute le discours populaire. 

Je n’ai pas encore tranché si la maternité est faite pour moi, et à la suite d'un appel à témoignages, je sais désormais que je suis loin d’être la seule

Quand je lis les nouvelles et que je vois la planète brûler, la dernière chose que je désire est d’être une mère qui explique à son enfant les catastrophes et les injustices. Je suis certaine que de nombreux parents relèvent ce défi avec brio, mais nous sommes nombreuses à ne pas vouloir de ce fardeau, ou bien à douter sérieusement de nos capacités et notre énergie à élever un enfant au milieu des crises mondiales. 

Quand je me projette dans une vie où je suis responsable du développement d'un petit être vivant, ce n'est pas de la joie qui m'envahit, mais bien de l'anxiété. J’ai peur que le rôle de maman prenne possession de toute mon identité, alors non, je ne suis pas prête.

Je refuse d’être mère pour moi-même, mais aussi pour l’hypothétique gamin pour qui je ne serais pas à la hauteur si je choisissais aujourd’hui d’écouter la société et de me reproduire (ou d’adopter). Qu’est-ce qui est pire: une personne sans enfant par choix ou un parent qui néglige sa progéniture? C'est une question rhétorique.

Horloge biologique ou pression sexiste?

Jusqu'au début de ma vingtaine, j’imaginais devenir mère à 30 ans. «30 ans maximum!», je disais. Je trouvais que c’était loin, je serais prête, c’est certain.

Sauf que j'ai à peine cligné des yeux et me voilà désormais à 29 ans, aucun désir maternel (sauf pour adopter un chien) et je vois bien qu’autour de moi les bébés naissent dans des foyers qui pourraient ressembler au mien. Mon partenaire est en accord avec mon incertitude, mais certains membres de nos familles trouvent tout de même curieux qu’à 29 et 32 ans, nous ne souhaitions pas bâtir une famille. Ma réponse? Chacun sa vie, merci.

L’année dernière j’ai commencé à être franche avec moi-même: non, je ne désire pas tomber enceinte. C’était confrontant, car j’avais toujours cru qu’à cet âge-là je comblerais le désir de ma mère d’être grand-mère et je passerais à une nouvelle étape dans ma vie.

Sauf que non. Rien. Je trouve souvent les bébés affreusement mignons, mais développer un enfant dans mon utérus est la dernière activité que j’ai envie d'entreprendre. Notamment, car je souffre d’un trouble dysphorique prémenstruel qui rend mon rapport à mes hormones et mon corps douloureux, autant au niveau psychologique que physique. 

Mais aussi parce qu’une bedaine et des photos de maternité, ce n’est pas vraiment moi. Ou en tout cas pas pour le moment. L’adoption reste une option pour l’avenir, mais quasiment les mêmes craintes m'habitent.

Généralement, on laisse les hommes beaucoup plus tranquilles lorsqu’ils rejettent un style de vie traditionnel comprenant mariage et enfants, alors il serait grand temps qu’on fasse de même avec les femmes. J'invite aussi tout le monde à cesser de demander à une femme en âge de procréer «alors, c'est pour quand le p'tit bébé?».

Tant qu'on y est, cessez de nous bombarder de films et d’images de femmes qui ne désirent qu’une seule chose: enfanter — et convaincre leurs conjoints d’enfanter avec elles! Non seulement c’est excessivement hétéronormatif, mais en achetant aux fillettes des poupées et des jouets mimant la vie domestique dès le berceau, on renforce les rôles stéréotypés de genre (maman doit être parfaite, papa est absent). Tout le monde est perdant au jeu du patriarcat.

Être mère a l’air d’être une expérience remplie d’amour, d’évolution, de difficultés, de résilience, de puissance... mais ce n’est pas une expérience obligatoire

J’ai conscience que les femmes qui pensent éventuellement avoir un enfant biologique sont naturellement pressées par leur corps. Contrairement aux hommes, notre fenêtre pour avoir un bébé est plus courte. Même si passé un certain âge, les femmes devront se tourner vers d’autres options pour être maman, est-il vraiment réaliste de parler d’horloge biologique aux filles dès un (trop) jeune âge? Ainsi que de nous faire sentir périmées après 35 ans? Non.

Malgré tout, je sais que nous sommes nombreuses à nous sentir coupables de nous questionner sur la maternité. Mais la valeur d’un être humain se déploie au-delà de son désir ou non d’entrer dans une norme patriarcale, rappelez-vous ceci.

Votre corps, votre vie, votre choix

Je m’offre donc la permission de franchir le cap de la trentaine sans bébé, car je suis plus heureuse ainsi. J’ai accepté d’enclencher le deuil de ce «rêve» de petite fille biberonnée aux contes de fées. Parce qu’il ne m’a jamais appartenu. 

Est-ce que la vie va me surprendre? C'est probable! Mais une chose est sûre: ce n’est à personne de choisir si la maternité me convient. Pas mes parents, pas mon partenaire et sa famille, ni la société, ni les inconnus qui commentent: «tu vas changer d’idée tu vas voir!». Je nous souhaite à toutes d’oser dire: non, je ne sais pas, je me questionne, j’ai peur que cette vie ne soit pas pour moi, alors je préfère ne pas me lancer là-dedans sans certitude.

Je doute chaque jour, je vois le beau et le moins beau de la parentalité et je sais que la trentaine risque d'accélérer mes questionnements. J’essaye de respirer, d’accepter qu'aujourd'hui je ne sais pas. Ma psy serait fière de lire ça.

Être mère a l’air d’être une expérience remplie d’amour, d’évolution, de difficultés, de résilience, de puissance... mais ce n’est pas une expérience obligatoire. Je me sais également TRÈS privilégiée puisque de nombreuses filles et femmes vivent encore la maternité par contrainte. Pour elles, je me dois de profiter de cette liberté, n’en déplaise à ceux qui clament que nous sommes des sorcières égoïstes. 

En lançant le sujet sur mes réseaux sociaux, de nombreuses femmes se sont confiées à moi. Et quand je dis nombreuses, c’est une bonne vingtaine en quelques heures à peine!

Santé mentale, pression sociale, crise environnementale, rejet des normes patriarcales, etc., toutes les raisons pour douter de l'envie d'être mère sont valides. Voici quelques-uns de leurs témoignages.

Je suis, depuis toujours, fascinée par les personnes enceintes. Ce ventre magique qui crée la vie. Mais est-ce pour moi? Pourquoi étais-je si convaincue d’en vouloir avant, et si indécise maintenant?

Sarah, 36 ans*

J’ai grandi avec le rêve d’avoir des enfants très jeune, de me marier et d’avoir une petite maison pas trop loin de ma famille. À 25 ans, j’ai vécu une grosse déprime parce que j’étais célibataire et sans enfant, et que mes ami.e.s proches débutaient leurs familles. J’étais envieuse et en colère. Puis, j’ai eu un copain qui ne voulait pas d’enfant, et c’était OK pour moi. On s’est aimés fort pendant quelques petites années, puis, quand il m’a quittée il y a 4 ans, j’ai recommencé à me demander si je voulais être mère. La réponse n’est jamais claire depuis. 

Pour moi, cette question est intimement liée à mon statut relationnel. Est-ce que je dis fuck it au diktat de la vie de couple et je deviens maman solo? Et si j’en avais un avec un ami et qu’on se créait une famille hors norme en coparentalité? J’ai tout envisagé, très sérieusement. J’ai 36 ans, bientôt 37, et évidemment que je pense au temps qui file à vive allure. Ce sera quoi, ma vieillesse, si je suis célibataire ET sans enfant? Je ne veux pas non plus avoir un enfant simplement pour meubler mes vieux jours! Et là, je ne vais même pas en ajouter sur l’écoanxiété et l’avenir de notre planète...

En résumé, je ne suis pas capable de renoncer officiellement à ce désir de vivre une grossesse. Je suis, depuis toujours, fascinée par les personnes enceintes. Ce ventre magique qui crée la vie. Mais est-ce pour moi? Pourquoi étais-je si convaincue d’en vouloir avant, et si indécise maintenant? Cette question me semble éternellement sans réponse. 

Justine, 31 ans*

(Attention: mention d'alcoolisme et de troubles de santé mentale)

Mon copain ne veut pas d’enfant pour l’instant et si ma job me donne envie d’en avoir, je doute pour plusieurs raisons familiales et sociales. Mon père est alcoolique, mes sœurs et moi-même avons aussi eu de gros problèmes de consommation. J’aurais peur que mon enfant en hérite.

Les problèmes de santé mentale courent également dans ma famille. Ma soeur et moi sommes TPL (trouble de la personnalité limite), ma mère et mon autre sœur ont des troubles alimentaires. Je crois beaucoup en la thérapie et au travail sur soi, mais j’ai peur que mon TPL nuise à mes qualités de mère. C’est déjà très dur de s’occuper de soi au quotidien. C’est pour cette raison que j’ai toujours dit à mes parents que je ne voulais pas d’enfants même si c’est un peu faux…

Minh-Vy, 29 ans

Je ne me suis jamais imaginée avoir des enfants ni être maman. Ce n’est pas un besoin que je ressens, malgré que je trouve ça magnifique, donner naissance à un être humain! Et ces dernières années, j’ai développé une vision un peu plus «négative» de notre société et de comment on traite la planète. Je me vois donc mal mettre au monde un enfant pour lui laisser un monde rempli de violence, et une planète qui meurt à cause de nous les humains!

D’autant plus que la Terre est surpeuplée pour les ressources qui y sont disponibles. Pour l’instant, si jamais l’envie me prend d’être maman, ça sera en adoptant, mais même là je pense que je ne serai jamais prête à avoir une telle responsabilité.

Leah, 33 ans*

(Attention: mention de violence conjugale — sexuelle, financière, verbale, raciale et psychologique)

Mon désir de maternité fluctue avec le temps. J’ai toujours été maternelle, tant avec mon groupe d’ami.e.s qu’avec les plus jeunes membres de ma famille. Cependant, après avoir rencontré l’homme qui a bien failli me détruire à jamais, j’hésite. J’ai été prise pour cible pendant quatre ans par cet homme, qui m’a fétichisée, abusée financièrement, sexuellement, verbalement et psychologiquement. J’ai été réduite au silence, au doute et à la peur par cet homme qui disait m’aimer. Cette histoire m’a coûté 100 000$, et presque dix ans de ma vie, je m’en suis sortie, mais j’aurais pu y laisser ma peau.

Aujourd’hui, malgré mon fort instinct maternel, j’hésite à mettre un enfant au monde, car je ne me le pardonnerais jamais si cet enfant tombait entre les mains d’une personne aussi violente. J’ai peur de transmettre mes traumas, mes craintes et de devenir surprotectrice avec mon enfant. Malgré tout, une lueur d’espoir s’anime en moi, car je crois en l’équilibre.

*Certaines personnes ont désiré se confier anonymement

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