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Vanessa Duchel a fait paraître un essai intime aux éditions Michel Lafon en 2020 intitulé « Franchement Grosse ». Dans ce livre, elle décline à sa façon les thèmes de la différence, de l’estime de soi et revendique son droit d’être grosse et comblée, en espérant inspirer le plus de personnes possible.
Elle dresse le bilan de cette aventure aussi littéraire que personnelle et formatrice.
Salut la gang, je m’appelle Vanessa Duchel et j’ai écrit un livre.
Le 21 septembre 2020, on le déposait sur les présentoirs.
Le 22 et le 23, tout le monde me disait se l’être procuré.
Le 24 septembre, je retournais à ma petite crise d’angoisse quotidienne. Je me demandais si les gens allaient l’apprécier. Je me demandais surtout si LES GROSSES allaient l’apprécier.
J’avais peur que les vraies de vraies militantes me jugent. Qu’elles me rejettent d’un des seuls groupes duquel je fais partie. Je ne sais trop pourquoi ; j’avais peur d’être une mauvaise grosse qui dépeignait sa vie comme un enfer et qui disait aux jeunes qu’être gros est à éviter, j'imagine.
Ma crainte ne s’est pas concrétisée.
J’ai envoyé mon livre à quelques femmes que je considère engagées dans la lutte contre la grossophobie et leurs retours m’ont ému. Elles se sentaient comprises et fières (je ne parle pas au nom de toutes les personnes engagées).
Bien entendu, chaque histoire est différente mais les sentiments se ressemblent. C’est fou de savoir que tout le monde se sent seul.e à un moment dans sa vie. Ça nous unit en quelque sorte. J’ai pu le comprendre à travers tous les témoignages touchants reçus des lecteurs. Merci pour ça.
J’ai également l’impression qu’on peut passer une vie entière sans nécessairement identifier ce qu’on ressent et pourquoi on le ressent.
Pour certain.es, mes confessions ont été le début d’une introspection et pour d’autres, une compréhension plus imagée de la réalité de personnes grosses qui les entourent. Et ça, c’est gros pour moi!
Dans le manuscrit, je me livre beaucoup, comme je l’ai rarement fait à vrai dire.
Avec toute la clarté que je ne me suis jamais permis de voir et d’avoir. J’explique qui je suis, d’où je viens et où je désire me rendre.
Je me suis aussi laissée avoir de l’empathie envers moi-même. Ça faisait longtemps. En fait, en ai-je déjà eu?
C’est une claque au visage de se rendre compte, arrivée au 20000ème mot, que l’histoire que tu es en train d’écrire, et que tu trouves triste, ben c’est la tienne. Je ne veux plus ressentir ça.
La grandeur de ma bienveillance rattrape tranquillement celle de mon tour de taille.
Je me souviens que j’ai voulu adoucir la réalité, l’idée qu’un quidam pourrait avoir pitié de moi en lisant mon épopée de grosse me faisait horreur. J’avais peur d’être défaite par la société. Je suis orgueilleuse. Très orgueilleuse. Mais pour parler des vraies choses, il a fallu que je mette cet orgueil de côté.
J’ai gardé mon costume de strong and independent grosse femme trop longtemps avant de me rendre compte que ce livre-là, je l’écrivais non seulement pour tous les jeunes qui se sentent mal dans leur peau et dans leur différence, mais également pour moi.
Grâce à tout ça, je suis plus forte. La grandeur de ma bienveillance rattrape tranquillement celle de mon tour de taille. J’ai compris à travers les commentaires reçus, suite à la lecture de mon livre, que je ne suis pas seule. Que tout le monde vit sa différence comme il le peut et qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Je ressens de plus en plus d’espoir et de moins en moins le besoin de paraître plus forte que je ne le suis.
Chacune et chacun le fera comme il ou elle le désire, à son rythme, à sa manière et qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon d’être soi-même.
Juste exister peut inspirer beaucoup plus de gens qu’on pourrait le croire et ça, je l’ai compris en voyant toutes ces personnalités inspirantes qui sont de plus en plus présentes dans les médias et autour de nous.
Voir une grosse femme danser, aimer et rire me réconcilie tranquillement avec mon corps.
Même si la société me démontre quotidiennement qu’elle n’est pas faite pour nous accueillir ma gang et moi, je ressens de plus en plus d’espoir et de moins en moins le besoin de paraître plus forte que je ne le suis.
Je suis désormais abonnée sur les réseaux sociaux à un plus grand nombre de gens qui vivent et qui se portent l’amour qu’ils méritent (ou du moins qui tentent de le faire). Tout comme moi, et je l’espère, tout comme vous.
Il faut apprendre à s’aimer pour ensuite être bienveillante, mais il faut aussi avoir de bonnes intentions pour soi si on veut un jour s’aimer comme on est.
Alors, on lâche pas la gang. On se tient la main et on va la monter cette montagne-là, on va se le donner ce respect-là et on va la gagner cette bataille-là! J’ai de plus en plus confiance en nous.
Six mois après la parution de mon livre, je peux affirmer que s’il a pu aider ne serait-ce qu’une personne, c’est bien moi.