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Bien loin sont les jours où l’on s’adonnait aux chorégraphies avec désinvolture pour passer le temps. Maintenant, TikTok déborde de contenus pour tous, incluant des vidéos qui, grand classique, font en sorte que les femmes se sentent mal de ne pas être parfaites. La tendance « That girl », tu connais?
Bon, être milléniale et critiquer TikTok, c’est du déjà-vu, je sais. Mais je te rassure, mon but ce n’est pas de mettre le fondateur de l’application sur le bûcher. Juste les tendances non inclusives qui sont basées sur des stéréotypes visant généralement les femmes blanches.
Je parle spécifiquement de la tendance « that girl ». Sans vouloir être harsh, je trouve que cette tendance s’adresse aux wannabe coach de vie. Voilà, c’est dit. Mais en même temps, je dis ça et j’ai déjà partagé mon café Dalgona sur Instagram... Qu’on me lance la première pierre.
Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec cette tendance, c’est somme toute assez simple comme concept. Pour y contribuer, il « suffit » de partager ta parfaite routine, du classique smoothie vert fraîchement pressé à la to-do liste accomplie avant midi en passant par le yoga, un souper sain et la méditation avant le coucher.
Attention de bien agrémenter le tout d’affirmations positives, de legging stylé, d’un corps mince, généralement blanc et pile dans les standards de beauté, de beaux bijoux, d’une déco intérieure qui a l’air hors de prix, de privilèges apparents et voilà, tu as le profil type de la « That girl »!
C’est qui elle? Mais oui, tu sais bien, c’est LA fille parfaite, l’archétype de la « healthy woman ». Elle est orthorexique malheureusement, mais tellement parfaite aux yeux de la société.
Comme si les femmes n’avaient pas assez de pression au quotidien. Merci TikTok de me rappeler ce que je dois faire pour me sentir belle et accomplie, je manquais d'inspiration et les autres réseaux sociaux ne me laissaient pas assez savoir. Bon, oui « that girl », c’est juste un trend superficiel, et puis après?
C’est profondément insidieux.
Tu te souviens de Pinterest? Bien que la citation Live Laugh Love soit devenue très risible en 2021, il y a quelques années, c’était Pinterest qui nous complexait. Avec un fil d’actualités placardé de photos de « girlboss » agrémentées de citations de Marilyn Monroe ou de Audrey Hepburn, on élevait notre valorisation à des critères de beauté et un matérialisme inatteignables.
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Et puis Youtube a pris le relais, à coup de routines matinales et de tutoriels en tout genre pour vivre une « healthy life ». On ne fait plus seulement du placement de produits, on tente carrément de vendre un mode de vie. Se lever tôt et get shit done, comme dirait l’autre. Bref, la pression supplémentaire de performer à tous les niveaux n’est vraiment pas nécessaire.
Pourquoi sait-on pertinemment que « that girl » n’est pas parfaite et nous montre uniquement ce qui est beau, mais pourtant on se sent très imparfaite et incomplète en l’observant?
Instagram n’est plus ce qu’il était. On est passé de partager des moments instantanés à planifier des clichés ultras léchés et mis en scène. Avec l’esthétique qui prime, on oublie l’existence de l’arrière-scène ; du temps que ça a pris, de l’argent investi, des retouches photos, des motivations, du travail acharné, etc. On regarde ça en tant qu’utilisatrice « normale » et on se sent malheureuse que notre feed n’ait pas l’air parfait (lire ici : qu’il ne correspond pas aux tons beige et pastel tellement à la mode en ce moment).
C’est la même chose sur TikTok. En regardant seulement une vidéo de quelques secondes, on résume l’entièreté du quotidien d’une pure inconnue. Par ce que l’on voit, on en déduit que la personne est belle, organisée, bien de sa peau, aisée financièrement, active, populaire, accomplie, heureuse, etc. Et c’est pratiquement impossible de ne pas se comparer quand on regarde un semblant de perfection. C’EST NORMAL. Personne n’est parfait, tout le monde le sait ça, MAIS pourquoi est-ce qu'on aspire encore à un tel perfectionnisme?
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Pourquoi sait-on pertinemment que « that girl » n’est pas parfaite et nous montre uniquement ce qui est beau, mais pourtant on se sent très imparfaite et incomplète en l’observant?
La ligne entre motivation personnelle et obsession est parfois très mince. Ça peut être crinquant de regarder des gens rigoureux qui se surpassent, oui. Aucun doute avec ça. Je trouve moi-même que c’est plus stimulant de m'entraîner avec un prof de Tabata sur Youtube plutôt que de lever mes poids en solo dans mon salon.
Cependant, ça devient un problème quand la performance de plaire dépasse le plaisir de faire. Comme s’entraîner et devoir systématiquement le partager sur les réseaux sociaux. L’entraînement, l’alimentation, les diètes, la productivité, ça devient facilement étourdissant comme pression au quotidien. Avant d’adopter quelque chose, il faudrait donc se poser systématiquement les questions : pourquoi on le fait et pour qui on le fait?
Le désir de constamment performer physiquement et psychologiquement peut nuire à la santé mentale. Il ne faut pas prendre ça à la légère, même à coup de petites vidéos de quelques secondes.
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Ce n’est pas parce qu’il y a des smoothies verts et du yoga que c’est nécessairement sain.
Je tiens aussi à spécifier que le tiers des utilisateurs de TikTok ont 14 ans ou moins.
Je ne sais pas pour toi, mais moi quand j’avais 14 ans, je n’étais pas bombardée d’influences de tout bord tout côté, du moins pas aussi directement.
Je lisais la revue Cool et je me pâmais devant la beauté de Katy Perry… MAIS je savais tout de même que c’était une vedette avec beaucoup d’argent entourée d’une équipe de professionnels.
Avec Tiktok, l’idéal à atteindre, c’est généralement celui du monde qui te ressemble, des gens de ton âge qui pourraient être tes voisins. C’est incroyablement angoissant pour l’ego d’un ou d’une ado qui essaie de se trouver, de se valoriser à travers autant de distractions. Je sonne sûrement fataliste, mais selon moi, Tiktok est pire qu’Instagram.
Petit rappel : ce n’est pas parce qu’il y a des smoothies verts et du yoga que c’est nécessairement sain. Les montages vidéo font clairement la promotion d’un mode de vie qui, pour la plupart d’entre nous, est très peu réaliste et axé sur la surconsommation et la performance.
On accentue le stéréotype que la femme doit être parfaite pour être attirante, respectée, heureuse. C’est une généralisation qui me donne la chair de poule. Si je comprends bien, on est censé être de pâles copies d’un idéal qui n’existe pas? Dois-je travailler sur moi H24 comme that girl?
Pour finir, oui, il y en a des femmes carriéristes qui jonglent avec l’organisation et les saines habitudes de vie. Des femmes qui désirent se mettre la barre haute et commencer leur journée à 4h avec un jogging et conserver une manucure parfaite en tout temps. Je ne critique vraiment pas leurs motivations. Je les salue même. Je dis simplement que c’est irréaliste et erroné de penser que tout le monde veut et doit être « that girl ».
Au risque de sonner cheesy, c’est contre-productif de vouloir être quelqu’un d’autre. Sois dont toi-même!
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