C’est difficile d’ignorer les chiffres : le Québec compte environ 22% de la population canadienne, mais également environ la moitié des cas de COVID-19 * au pays (au moment d’écrire cet article – les chiffres changent tellement rapidement!).
D'ailleurs, la ville de Montréal est malheureusement en train de devenir un des principaux points chauds de la pandémie; même si l’agglomération compte pour seulement 5% de la population au Canada, on y retrouve 1 cas sur 4 à l'échelle du pays.
Parce que beaucoup de gens se posent la question : quels sont les facteurs qui expliquent ceci? Comme le disait le Dr Arruda il y a quelques jours : il n’y a pas qu’une seule cause, mais une convergence de plusieurs raisons.
1. La semaine de relâche
Au Québec, la semaine de relâche survient traditionnellement la première semaine de mars, c’est-à-dire plus tôt que partout ailleurs en Amérique du Nord. L’Ontario par exemple, devait tomber en relâche à la mi-mars; pour la plupart des états américains, c’était plutôt à la fin-mars.
Comme l’a expliqué François Legault : cette année, ça n’aurait pas pu tomber à un pire moment. Le 28 février, quand les étudiants sont tombés en relâche, le coronavirus était bien sûr présent au quotidien dans les nouvelles, mais n'affectait pas encore vraiment notre réalité. Et c’était impossible d’imaginer que le tout se précipiterait à ce point.
Mais en rétrospective, c’est durant cette semaine de congé que la donne a changé et que les cas ont commencé à se multiplier. Si on se fie à ce sondage sur les voyages et destinations des Québécois pour la relâche, on peut supposer que pendant la première semaine de mars, autour de 574 000 Québécois sont partis pour des destinations soleil et 351 000 Québécois vers les États-Unis (sans parler des autres destinations)[1].
Considérant qu’au début de la pandémie tous les cas provenaient de personnes ayant voyagé, ce nombre élevé a carrément placé les Québécois en fort désavantage par rapport aux autres provinces, tout en multipliant le potentiel de transmission.
Le 12 mars (4 jours après le retour de la relâche), lorsque M. Legault a annoncé la consigne de quarantaine pour ceux qui revenaient de l’étranger, l’école secondaire que fréquente mon fils a écrit en catastrophe pour demander aux parents de venir chercher les enfants qui avaient quitté le pays pendant le congé. Je suis allée, ainsi que… des centaines de parents de l’école! Seulement dans sa classe, la consigne affectait 27 élèves sur 34, ainsi que la moitié de professeurs.
Dans les autres provinces canadiennes, la semaine de relâche - et la majorité des voyages prévus - ont finalement été annulés suite à l’évolution rapide des événements. Selon la Dre Nima Machouf, épidémiologiste à l’Université de Montréal : « Le reste du Canada peut se compter chanceux de ne pas avoir débuté le mois de mars en congé scolaire, quand les États-Unis [commençaient à vivre la crise mais] n’avaient pas encore déclarés l’état d’épidémie[2] ».
2. Les liens étroits avec la France
Le Québec a toujours eu des liens particuliers avec la France, qu’on ne retrouve pas ailleurs dans les autres provinces. Il y a environ 81 000 Français établis au Québec (61 000 à Montréal), dont certains ont profité de la relâche pour aller en France, ou encore pour faire venir leur famille.
De nombreux autres Québécois y ont voyagé durant ces semaines cruciales, encore une fois soit pour la felâche, le travail ou d’autres raisons personnelles. On peut donc supposer que plus de gens du Québec ont transité par la France que les personnes des autres provinces du Canada.
Même si actuellement la France s’en tire mieux que l’Italie, le pays est tout de même au milieu de l’épicentre européen de la pandémie, au 6e rang mondial. Ses voisins sont au 2e (Italie), 3e (Espagne) et 5e (Allemagne) rangs respectifs.
Ainsi, plusieurs personnes ont pu être contaminées pendant de récents échanges entre les deux endroits, que ce soit sur place (Paris reçoit énormément de visiteurs), mais aussi probablement en ayant transité par l’aéroport Charles-de-Gaulle, avec tous ses voyageurs provenant de partout.
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3. La proximité avec New York
En plus, Montréal est situé à moins de 6 heures de la ville de New York (comparé à plus de 8 heures pour Toronto), qui est finalement devenue l’une des villes plus affectées au monde. Il y a en effet 4,5 fois plus de cas (plus de 36 000 à l’heure actuelle) là-bas que dans le Canada au complet.
New York est une destination prisée des Québécois et c’était particulièrement le cas lors de la relâche cette année! J’y étais avec ma famille (nous sommes revenus le 4 mars[3]) et de toutes les fois où j’ai séjourné dans cette ville (+ de 30 fois), je n’ai jamais autant entendu parler de Québécois; partout, partout, tout le temps. Tellement que lors de notre visite du Musée d’Histoire naturelle, les gens du personnel faisaient des messages à tous en français et offraient des visites guidées en français à chaque heure (du jamais vu!).
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Traditionnellement, différentes communautés culturelles québécoises ont aussi des liens tissés serrés avec New York; on rapporte entre autres que l’éclosion de cas de COVID-19 dans la communauté juive hassidique Tosh à Boisbriand serait due à leurs échanges et voyages fréquents dans la ville.
4. Les cas confirmés, mais aussi les cas probables sont comptabilisés
Depuis une dizaine de jours, le Québec a ajouté à son bilan journalier les cas « probables » de coronavirus, auparavant écartés. Ceci a bien sûr fait grimper d’un seul coup les cas totaux, amenant le Québec au premier rang des cas au Canada.
Par contre, plusieurs autres provinces ne prennent pas ces cas en considération. C’est entre autres ce que rapportait il y a quelques jours la CBC, affirmant que le nombre de patients atteints par la COVID-19 se trouvant dans les unités de soins intensifs des hôpitaux de l’Ontario était « beaucoup plus élevé » que les chiffres officiels du gouvernement. L’Ontario ne rapporte en effet que les cas confirmés; il va sans dire que les cas probables sont nettement plus nombreux que ceux avec un résultat positif officiel.
La différence n’est finalement peut-être pas si grande qu’elle n’y paraît; elle s’explique au moins en partie par une absence de méthodologie unifiée.
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5. Le nombre total de tests
Ce ne sont pas non plus toutes les provinces qui effectuent le même nombre de tests de COVID-19 sur leur population respective. Par tranche de 100 000 habitants, c’est l’Alberta qui teste le plus, avec 831 tests, suivis de la Colombie-Britannique avec 621. Le Québec est au 4e rang, avec 423 tests par 100 000 habitants.
Les provinces avec le taux de test les plus faibles sont Terre-Neuve, avec 286, l’Ontario, avec 262 et le Nouveau-Brunswick, avec 233.
C’est certain que plus les provinces effectuent de tests et plus leur nombre de cas seront élevés. Si on teste moins, il faut aussi comprendre que ça ne signifie pas pour autant que sur le terrain, la population est moins malade.
Au final, le nombre de cas officiels importe peu; le rythme de la progression, mais surtout le nombre de patients aux soins intensifs ainsi que le nombre de décès (toujours tragiques) sont plus évocateurs.
Je ne sais pas pour vous, mais malgré le fait que nous nous trouvons dans la province canadienne avec le plus grand nombre de cas, je me trouve très chanceuse d’être ici et je considère que la gestion de crise est jusqu’à présent pratiquement irréprochable. Je me sens en confiance, avec des décideurs qui agissent de manière transparente, proactive, humaine et sensée.
Ce ne sont pas tous les endroits qui peuvent en dire autant.
Sylvain Roy Roussel/Radio-Canada
[1] Partant de la population du Québec de 8,4 millions, dont 38 % qui prévoyaient effectuer un voyage, soit 3 192 000 personnes. De ce nombre, 18 % allaient vers des destinations soleil et 11 % vers les ÉU, d’où mes chiffres (bien sûr hypothétiques).
[2] Source, traduction libre.
[3] Nous nous sommes placés en quarantaine à partir du 12 mars. Personne n’a eu de symptômes; nous avons été, je le réalise pleinement maintenant, très chanceux.
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