Régis Labeaume nous fait verser quelques larmes aujourd'hui alors qu'il publie un texte des plus touchants...
C'est via sa page Facebook officielle que le maire de Québec rend un dernier hommage à son père, décédé il y a quelques heures des suites d'un long cancer. En deuil, Régis Labeaume se remémore la vie de son père, tout en nous dévoilant le lien unique qui s'est développé avec lui alors qu'il était touché par la maladie.
«Maurice Labeaume est décédé,
il y a quelques heures.
Labeaume, comme dans mon père.
J'ai de la peine.
Je sais, trépasser, actuellement,
c'est formidablement banal,
en cette ère Covidienne.
Sale temps pour les mourants.
Il ne fera même pas partie de la statistique,
la statistique-spectacle.
Presque neuf mois,
qu'il ne devait pas en dépasser trois.
Il s'est battu comme un fou.
Avec un espoir éperdu,
celui de guérir.
Saloperie de cancer.
Y'en a marre depuis une couple d'années.
L'image du Dromeas nous a sidéré,
mes frangins et moi.
Comme notre père,
contre le courant,
contre la tempête,
pour retrouver la santé, sa dignité.
Devenu un avatar de lui-même,
une métaphore de ce qu'il était;
beau mec, et « droit dans ses bottes »,
comme l'a déjà si bien dit un ami de Bordeaux.
Mais cognitivement intact,
jusqu'au dernier éveil.
Il a tout vu de sa déchéance, il a tout entendu,
cela a décuplé le mal.
Pas chic un corps, quand ça te lâche.
Lui et moi avons vécu un classique.
Je l'ai découvert à 86 ans.
Il est mort à 86 ans.
Deux existences, un grand silence.
Jusqu'à tout récemment.
Que dire...
Il était de son époque, et moi de la mienne.
Un, conséquence de l'autre,
ou vice versa.
C'est bête mais c'est comme ça.
Je l'ai touché pour la première fois,
il y a quelques mois.
Et frôlé, peut-être caressé,
il y a quelques jours.
Pendant son inconscience.
C'est moche mais c'est comme ça.
Quand, comme lui, tu émanes de la crèche,
atterris au pays du Piekuakami,
et qu'en commençant ta vie,
l'amour est une abstraction,
ça te détracte la capacité de transmission.
Quand je me récite le début de son existence,
pauvre comme un chat à trois pattes,
et seul, mauditement seul,
j'en braille encore.
Alors, y'a jamais eu de grief.
Seulement de la compréhension,
silencieuse, entre nous.
Un genre d'amour, à nous.
C'est juste que parfois, ces derniers mois,
on a rigolé, ensemble.
Une totale nouveauté.
Et quelquefois même,
l'amorce d'une complicité.
Ça m'a un peu chamboulé.
J'y ai pensé, l'ai ruminé, et repensé...
Mais c'est ça qui est ça.
Qui sait ce que cela aurait pu donner,
si on avait pu un peu discuter.
Plus tôt disons,
à peine quelques années plus tôt.
Pas grave, on s'est aimé.
Aimé différemment,
mais aimé quand même.
Juste qu'on aurait pu se le dire.
Enfin...
C'était pas obligé de se passer comme ça.
Mais on s'en ai pas si mal sorti,
somme toute.
Cela dit, c'est appris.
C'est pas obligé de se répéter.
Un dernier petit chagrin.
Le QI du gars.
Ouf!! Époustouflant.
Je ne le devinais pas tant.
Un mécano, qui se serait vu autrement.
Il aurait pu, s'il était né à ma place.
Un mécano, qui m'a permis à moi,
de voir autrement.
Au final,
si tant est que cela était possible,
et qu'il y aurait un fond de vérité à tout cela,
la transcendance,
je tricoterais un épilogue heureux.
Mais rien n'interdit la petite poésie,
Ainsi, un rêve.
« Dans le cosmos,
après vingt années d'éternité,
après la noyade/AVC,
c'est au choix,
notre homme, et Lucie dit Thérèse,
sont à nouveau en étreinte. »
Lucie dit Thérèse.
Notre mère.
La direction matriarcale de la tribu.
Un côté déjanté, mais bien élevée.
Une franchise, quasi Latourette.
Approx délinquante.
Elle ne parlait pas,
elle accumulait les octaves.
Une félicité de cuisine.
Et ce don, cette générosité,
d'écouter,
de décrypter le meilleur de l'humain,
et le célébrer.
« Alors ces deux-là,
l'intro, l'extra,
antipodes, mais destinés,
se sont créés quelque chose,
pas simple, mais quelque chose,
comme une planète.
Qu'eux seuls, peut-être, ont habitée.
Pour nous épargner.
Et enfin,
libérés de la Terre,
ils étaient dus,
dus pour une magnifique fin des temps.
Et la mort, elle, vaudrait la peine d'être vécue. »
RIP p'pa.
T'as été tellement courageux.
Ta vie durant.
Embrasse maman,
et JC, de notre part.
Tes trois survivants:
L'américain, le radio-canadien et le bourgmestre.
Mes frères et moi désirons exprimer notre profonde
gratitude au personnel de l'aile des soins palliatifs
de l'Hôpital Chauveau:
À la Dr Atamna, à Pascale, Chantale, Carole, Dany, Marie-Andrée, Christine,
Isabelle, Jean, Irene, Diane et Diane, Sylvie, Manon, Isabelle encore,
Sylvie de nouveau, Andrée, Fazia, Aline, Elsa, Gérard,
Caroline et Madeleine.
Il n'existe pas de mots pour vous remercier encore une fois pour tout,
et pour vous redire toute notre affection.
Avant eux, nos mêmes sentiments envers le personnel
de l'Hôtel-Dieu de Québec, du CRCO et de la Résidence St-Philippe.»
Toutes nos condoléances à la famille, amis et proches de Régis Labeaume!
Rappelons que Régis Labeaume a aussi combattu un cancer de la prostate l'an dernier.
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