Mes deux animaux de compagnie sont morts à un mois d’intervalle. Je ne pensais jamais que leur disparition causerait un tel chagrin. Après tout, il était question que de tout petits rats domestiques… Oui, vous avez bien lu, des rats! Mais, il s’agissait de nos animaux qui partageaient notre quotidien et que l’on aimait.
Une peine réelle
Lorsque j’ai dit, « je ne sais pas pourquoi je pleure, c’est juste un rat », alors que j’éclatais en sanglots, j’ai pensé à toutes ces fois où j’avais entendu ce mot qui dissumulait pourtant une réelle tristesse : j’étais « juste » à 10 semaines de grossesse, c’était « juste » un chat après tout, c’est « juste » ça… comme si le chagrin n’était pas légitime, comme si la peine se comptait en nombre de semaines de grossesse, en grosseur de l’être vivant, en son statut… On tente de se convaincre soi-même que ce n’est pas si important, car on craint d’affronter l’incompréhension, que l’autre nous juge ou qu’il se moque de nous… Et moi aussi, alors que j’avais le cœur brisé, j’utilisais ce même mot.
Je ne suis pas une personne particulièrement émotive et je ne suis pas non plus du genre à me laisser aller en public. Toutefois, cette fois-ci, les larmes étaient incontrôlables. Je me suis même questionnée à savoir si je n’étais pas en train de devenir folle…
Pourtant la tristesse était réelle, même si elle ne se quantifie pas, ne se compare pas. Et parfois, on peine d’ailleurs à s’expliquer pourquoi le trou qui s’ouvre est si grand, néanmoins, il est bien présent.
L’incompréhension
Évidemment, l’incompréhension de l’entourage accentue le sentiment de solitude face à ce chagrin. Ceux qui n’ont jamais eu d’animaux ne peuvent comprendre; certains peuvent même s’en amuser. D’autres considèrent la peine comme proportionnelle à la grosseur d’un animal ou en termes d’années passées en sa compagnie.
Pourtant, la peine n’est jamais rationnelle, elle existe tout simplement. Et lorsqu’elle est là, elle doit pouvoir s’évacuer, trouver écho dans les bras des autres. Heureusement, pour nous, notre entourage connaissait notre amour pour ces petits êtres. Ils ont donc respecté notre peine, sans pour autant toujours la comprendre.
Un compagnon de vie qui rythme notre quotidien
Avec un peu de recul, j’ai pris conscience de la place que ces animaux avaient prise dans nos vies. Peu importe la grosseur de l’animal, ou la sorte, c’est le lien développé avec lui qui crée le vide, ou non. Lorsqu’on parle avec son chien, son chat ou même son rat tous les matins lorsqu’on se lève, et ensuite tout au long de la journée, un rituel s’installe. Nos petits compagnons de vie rythment notre quotidien. Et lorsqu’ils ne sont plus là, nous perdons nos repères en quelque sorte.
Plusieurs instants nous manquent. Par exemple, faire la vaisselle est bien plus agréable avec un rat dans le cou. D’accord, l’efficacité n’est pas à son comble, mais les enfants rient! Car, un animal a aussi ce pouvoir de transformer les moments ennuyeux, en moment de plaisir, en plus d’être un grand rassembleur!
Les meilleurs confidents
Les animaux de compagnie s’avèrent souvent les meilleurs confidents. Bien sûr, ils ne nous donnent pas beaucoup de conseils, mais parfois on a seulement besoin d’une écoute, sans jugement. Leur présence apaise les petits tourments de la vie. Chacune de mes filles avait leurs moments, où elles avaient besoin de caresser leur animal pour faire passer une grosse colère. Notre monde de consommation a bien beau inventer toutes les balles antistress inimaginables, rien ne peut équivaloir à la douceur et la fragilité d’un petit être vivant tout doux pour reprendre le contrôle de ses émotions.
Un remède pour affronter les hauts et les bas de la vie
Un animal de compagnie entre dans notre existence, à l’occasion, pour faciliter une transition. Dans notre cas, nos rats ont permis à nos filles de s’ancrer à nouveau sur la terre ferme après un an à vivre sur l’eau. Ça peut paraitre futile, mais les animaux nous permettent souvent d’accepter une certaine réalité et viennent la transformer. Lorsqu’on ne sait plus vers quoi se tourner, ils sont toujours là pour nous faire rire. Ils sont en effet de formidables compagnons de jeu. L’heure des devoirs devient également moins pénible, avec un animal sur ses genoux ou un rat qui fait la sieste dans son coffre à crayon.
Alors lorsqu’ils nous quittent, on se demande si l’on ne va pas replonger dans un mal de vivre. Mais il faut faire face au vide, pour pouvoir ensuite se tourner vers un sentiment de gratitude d’avoir partagé quelques années avec un animal qui nous a offert de si beaux moments. Et tous ces instants de bonheur, on les conserve pour toujours au fond de soi.
Un enterrement pour dire au revoir et… merci
Les rites de passage peuvent aussi être libérateurs. Pour notre part, nous avons enterré nos deux petits animaux côte à côte au fond de notre terrain. Nos filles leur ont lu des mots, fait des dessins. Deux croix sont installées à ce même endroit, elles peuvent donc venir s’y recueillir lorsqu’elles en ressentent le besoin. Ce moment a permis aux nombreuses larmes de couler, mais également de reconnaitre tout ce que ces animaux nous ont apporté. On prend alors conscience que la mort fait indéniablement partie de la vie. Et que pour connaitre le grand bonheur de vivre avec un animal affectueux, il faut aussi accepter de vivre sa perte.
La difficile décision de l’euthanasie
Au-delà de la mort, se trouve aussi la difficile décision liée à l’euthanasie et l’accompagnement vers la mort. Tout ça peut sembler bien banal… pourtant, je n’y avais jamais réfléchi avant d’y être confronté. Lorsqu’en plus, il y a des enfants qui sont attachés à cet animal, la décision devient de plus en plus complexe. À quel moment, c’est le moment? Peut-on encore partager quelques journées ensemble? À ces questionnements s’ajoutent les enfants qui ne veulent pas laisser partir leur animal alors qu’ils savent qu’ils ne le reverront pas vivant… C’est une grosse étape et une grande décision.
Il arrive toutefois un moment où il est clair que notre compagnon de vie ne peut plus continuer ainsi. Vient ensuite l’accompagnement. Je n’y étais pas vraiment préparée, pour ne pas dire, pas du tout.
Notre première rate a dû être euthanasiée à la suite d’un accident, c’était donc précipité. Il allait de soi pour moi que je resterais avec elle jusqu’à la fin. Je lui devais bien cela. Et j’ai réalisé que c’était la première fois que j’étais confrontée au passage vers la mort de si près. L’une de mes filles m’en a voulu d’avoir pris cette décision, alors qu’elle aurait aimé la revoir vivante. Comme parents, il faut accepter ces phrases et la peine des autres.
La seconde était malade et toute la famille a eu le temps de lui dire au revoir. La peine était grande, mais les choses suivaient un ordre plus logique. Encore une fois, c’est moi qui l’ai accompagnée vers son dernier souffle. Tout en douceur. Et je l’ai ramenée à la maison pour qu’elle y soit enterrée.
Un animal qui n’est pas... un simple animal!
Je réalise à travers les montagnes russes d’émotions qu’un animal de compagnie n’est pas seulement… un animal de compagnie! Il partage notre vie et est témoin des événements heureux et malheureux. Peu d’êtres vivants partagent avec nous tous nos états d’âme! De plus, nous faisons rarement l’expérience de l’amour inconditionnel, cet amour qui nous déstabilise quelque peu lorsque l’on a notre premier enfant. Cependant, tout porte à croire qu’un tel amour se développe également avec nos animaux de compagnie. Différentes études s’y sont d’ailleurs attardées. Il ne faut donc pas minimiser l’impact d’un tel deuil. Et prendre le temps de vivre les étapes qui y sont associées soient le déni, la colère, l’angoisse, la tristesse et enfin l’acceptation.
La vie se poursuit. Eh oui, on pourrait simplement adopter un autre petit animal. Mais, un animal n’est pas un objet, il ne se remplace pas si aisément. Il y a tant d’éléments associés qui ne peuvent être remplacés. Mais le temps fait son œuvre. Un jour, on ouvrira à nouveau notre porte à un autre compagnon de vie.