Le mois dernier, j’ai eu la chance d’aller passer de super petites vacances à Palm Springs, en Californie, une destination de plus en plus prisée chez nos voisins du Sud.
Notre hôtel, le Saguaro, était très photogénique, et il y avait lors de mon séjour toutes sortes de gens vraiment particuliers et intéressants, incluant des personnalités connues (entre autres, l’acteur de Mad Men Kit Williamson, qui était là pour se marier avec son chum).
Parce qu’il est tellement coloré et a une vibe vraiment l’fun, cet hôtel est souvent un lieu de tournage, comme pour la dernière campagne de maillots de bain AerieREAL.
Les instagrammeuses « professionnelles »
Cela dit, lors de mon passage à Palm Springs, un phénomène a particulièrement attiré mon attention.
J'ai eu la chance de voir à l'oeuvre 3 instagrammeuses professionnelles, que j'ai « regardé aller » avec beaucoup d'intérêt.
Je m’étais toujours demandé comment ce genre de game fonctionnait… Disons que j’ai été servie!
Les 3 filles en question étaient Emily Ann Gemma (@emilyanngemma, 400K abonnés Instagram), Caitlin Covington (@cmcoving, 380K abonnés Instagram), et Mckenna Bleu (@mckennableu, 158K personnes qui la suivent).
La « game » Instagram
On parle ici de filles avec une grande beauté conventionnelle, qui gagnent (très bien) leur vie en montrant leurs looks et surtout, en vendant du rêve sur leurs réseaux sociaux : voyages à travers le monde, garde-robe à la fine pointe des tendances, vie « parfaite », etc.
Elles ont chacune un blogue et sont aussi sur Snapchat, mais c’est vraiment sur Instagram que ça se passe.
Disons-le d'emblée, dans cet univers, tout est commandité : les voyages, les vêtements, les produits de beauté… Pour vous donner une idée, Emily et Caitlin s’étaient fait offrir une Mercedes par une compagnie de location pour leur petite escapade à Palm Springs.
Les frais d'hôtel était quant à eux certainement offerts en échange d’une publication en faisant la critique/promotion sur leur blogue.
En plus des commandites de toutes sortes, leur modèle de revenu vient de LIKEtoKNOW.it, un service d’affiliation qui permet à des blogueuses/instagrammeuses avec un gros fan base d’obtenir une commission sur les vêtements et accessoires qu’elles présentent sur leurs photos Instagram.
Comment ça marche? On s’inscrit d’abord sur le site de LIKEtoKNOW.it en spécifiant notre adresse courriel. Puis, à chaque fois qu’on aime une photo Instagram comportant la mention LIKEtoKNOW.it, on reçoit un courriel dans les minutes qui suivent contenant tous les liens pour acheter directement les items présentés sur la photo.
Si on fait des achats, l'instagrammeuse reçoit entre 3% et 20% de la transaction (!).
Crédit photo: LIKEtoKNOW.it
Voyager et faire de l’argent grâce à son style impeccable, ça semble être un rêve, non? Et bien c’est effectivement cette illusion qui doit transparaître sur les réseaux sociaux.
Mais d’après ce que j’ai pu voir de leur escapade, c’est beaucoup moins glamour qu’on pense.
L’envers du décor
C’était vraiment quelque chose de voir aller ces filles et ce, pour 2 raisons :
- C’est BEAUCOUP plus de travail que je pensais
- Il y a un énorme contraste entre ce que leurs photos montrent et la réalité!
En les suivant (sporadiquement) sur leurs plateformes respectives pendant mon séjour, j'ai vu tout de suite que leur discours général était : « On se fait du fun et on relaxe au bord de la piscine! »
Comme sur cette photo, par exemple :
J’étais dans la piscine lorsque Emily a pris cette photo (juste à droite, cachée par sa main) et en fait, le message qui accompagne sa photo n’était pas DU TOUT la réalité!
Elle n’a pas « pris son café sur le bord de la piscine », comme elle l'a écrit. Elle est arrivée avec sa tasse vide, elle a pris sa photo, puis elle l'a immmédiatement laissée de côté pour aller prendre d'autres photos.
C'était un dimanche matin assez tôt, il y avait peu de gens à la piscine et les instagrammeuses ont fait une arrivée assez remarquée : toutes trois étaient incroyablement maquillées et coiffées, accompagnées de tout leur arsenal d'accessoires et de vêtements parfaitement repassés sur des supports.
Leur maquillage était plutôt impressionnant, surtout pour un dimanche matin relax : j’avais rarement vu des filles aussi maquillées, comme si elles allaient tourner une scène de film. Habituellement je ne remarque jamais l'épaisseur de maquillage que quelqu'un a sur le visage, mais là, c'était inmanquable!
J’étais moi-même un peu maquillée pour aller à la piscine (le niveau était quand même plus élevé qu’à la piscine municipale, tsé!) alors ceci n’est pas un jugement, mais plus une constatation du travail que cela implique d'être instagrammeuse professionnelle.
Certainement des HEURES pour s’arranger, sans compter la préparation de la séance avant d’arriver à la piscine le plus tôt possible (pour éviter qu'il y ait trop de gens normaux comme moi sur leurs photos, j'imagine?)
Elles ont ensuite passé près de 2 heures à prendre les photos qu'on voit ici, chacune leur tour, aux mêmes endroits et avec des looks similaires.
C’était assez drôle de les voir aller parce qu’elles répétaient souvent les mêmes gestes un peu exagérés et pas très naturels, comme sautiller pour donner une impression de mouvement ou enlever leur chapeau doucement. D'ailleurs, elles cessaient de sourire dès que la caméra ne marchait plus.
Comme beaucoup de belles photos très léchées qu’on voit sur Instagram – une application qui, rappelons-le, a été créée pour publier des photos prises avec son TÉLÉPHONE – elles utilisaient une caméra professionnelle DSLR, en mode « Rafale ». On parle donc de plusieurs centaines (même des milliers?) de photos pour finalement n'en choisir qu'une ou deux à publier.
Une fois leur séance photo terminée, les 3 instagrammeuses sont disparues dans leur chambre pendant quelques heures, le temps de sélectionner, d’éditer et de publier leurs photos.
Ensuite, elles sont réapparues complètement changées pour partir faire d’autres séances photos en ville et dans le désert (d'après ce que j'ai pu voir sur leurs comptes par la suite).
Par la suite, elles ont publié les photos sur plusieurs semaines. Plus d’un mois après leur passage à Palm Springs, il y a encore une séance que j’ai vu McKenna faire à la piscine dont elle n’a toujours pas publié les clichés.
En plus de prendre des photos avec une caméra professionnelle, elles ont aussi utilisé Photoshop pour améliorer leurs images. Par exemple, on peut le voir clairement sur cette photo :
Pour vous le prouver, comparez-la avec la mienne! Sur la photo de Caitlin, la plaque avec les numéros de chambre a disparu. Il y avait également une pancarte d’accès pour les handicapés que je cache de par l'angle de la photo, mais qu'elle a aussi enlevée.
Je vous jure que je ne voulais pas la copier, je n’avais même pas vu sa photo avant de publier la mienne! Mais je ne prétendais pas non plus être originale, l’arrière-plan étant juste trop parfait, cette photo doit avoir été faite des centaines de fois...
Et encore une fois, ce qu’elle dit dans le message qui accompagne la photo n’est pas vrai. Caitlin n'est pas allée « s’amuser à faire du vélo autour de Palm Springs »; je l'ai vu venir emprunter la clé des vélos au lobby, puis revenir 20 minutes plus tard pour la rapporter. Elle s'est ensuite dépêchée de partir dans sa belle Mercedes pour aller faire d’autres photos.
Loin des « vraies » vacances relaxantes...
Voici donc ce qu’elles n’ont PAS fait durant leur « fin de semaine chill à Palm Springs » :
- se baigner : elles faisaient toutes très attention de ne pas mouiller leur maillot... pourquoi? Sur la photo avec le flamant rose, McKenna est sur le bord de la piscine et elle est sortie tout de suite après la photo.
- relaxer sur le bord de la piscine
- faire le party
- parler à d’autres personnes/se mêler avec les gens.
Bien sûr, elles étaient toujours impeccables, mais aussi toujours pressées, plutôt froides et distantes...
Pouvoir assister indirectement à cette game fut pour moi très instructif. C'est drôle de voir à quel point tout est stagé, mais surtout, de réaliser à quel point de telles fausses photos spontanées demandent beaucoup de temps et de logistique.
Ces filles n’étaient pas là pour se faire du fun, mais bien pour travailler. Elles étaient là pour profiter des magnifiques backgrounds de Palm Springs, afin de faire les plus belles photos possibles. Elles étaient là pour faire rêver leurs abonnés Instagram, pour les faire envier leur mode de vie et pour les faire acheter les vêtements qu’elles portent.
Décidément, c'est vraiment une business tout cela.
J'ai eu l'honneur d'être invitée dans les studios d'Énergie pour parler de mon expérience. En voici un extrait :
Quelle est votre opinion par rapport au mode de vie des instagrammeuses professionnelles? Pensiez-vous que tout était planifié à ce point?