T'arrives-t-il de ressentir une angoisse envahissante lorsque tu penses à la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans? Les changements climatiques t'empêchent-ils de bien dormir? Si oui, il est possible que tu souffres d’écoanxiété.
Disons que les événements des dernières semaines, avec un dôme de chaleur au-dessus de l'Ouest canadien, amenant des températures extrêmes et jamais vues (frôlant les 50 degrés celcius) ne font rien pour rassurer les gens.
Tu as peut-être déjà entendu ce terme, de plus en plus courant dans le langage populaire et les médias. Mais qu'est-ce que c'est exactement, l'écoanxiété?
L'écoanxiété, c'est quoi?
Aussi appelée solastalgie, l’écoanxiété est un sentiment de détresse face au dérèglement des écosystèmes. C’est donc une forme d'anxiété qui trouve sa source dans l’inquiétude liée aux enjeux environnementaux.
Ce sentiment de détresse bien réel émane du constat selon lequel l’environnement, autant celui près de nous qu'ailleurs sur la planètre, se dégrade rapidement et de manière irrémédiable.
En soi, l’écoanxiété n’est pas encore un diagnostic cliniquement reconnu, mais c’est un phénomène bien réel pour de plus en plus de gens. Ce type d’anxiété est un concept relativement nouveau dans l'esprit populaire. Bien qu’il ne soit pas inclus dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), les personnes qui en souffrent décrivent de multiples symptômes, tels que des attaques de panique, une pensée obsessive, une perte d’appétit ainsi que de l’insomnie.
Puisque cette condition n’est pas très reconnue par les professionnels de la santé, il n’existe pas de statistiques compilant le nombre de gens souffrant d’écoanxiété.
Comment différencier une réaction normale devant les changements climatiques d’une véritable écoanxiété? Difficile à dire! Bien que cette étiquette soit de plus en plus populaire, aucune base scientifique ne vient réellement définir ce type d’anxiété pour le moment. On peut cependant supposer que les gens qui souffrent d'écoanxiété ressentent une anxiété très marquées et causée en majeure partie par des bouleversements environnementaux divers.
De plus en plus de gens s'identifient comme éco-anxieux, dont un grand nombre de jeunes. L’un des visages qui symbolisent le mieux ce mal est l’activiste Greta Thunberg. L'adolescente suédoise raconte qu'elle s'est sentie si envahie par son écoanxiété qu’elle a décidé de faire la grève pour le climat. La jeune militante s'est tellement investie à combattre l'indifférence des politiciens face aux problèmes environnementaux qu'elle est devenue l'un des symboles les plus forts de cette lutte.
Mais on n’a pas besoin d’aller si loin pour trouver des gens près de nous qui sont touchés par l’écoanxiété. Au Québec, de plus en plus de gens ressentent une détresse face à l’état de la planète. C’est le cas Andrée-Anne Brunet, animatrice, qui a décidé de vivre un mode de vie zéro déchet pour tenter de faire sa part.
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Comment continuer à vivre malgré son écoanxiété
Même si elle n'a pas consulté un professionnel au sujet de cette problématique, Andrée-Anne Brunet s'identifie comme écoanxieuse.
Celle qui a pris un grand virage qui tend vers le zéro déchet depuis quelques années pense que l'action est une clé afin d'exercer un certain contrôle sur nos craintes.
« Je me suis lancée dans l’aventure du zéro déchet avant de sentir de l’écoanxiété. J’ai effectué ce virage il y a 4 ans déjà. Je n’ai pas besoin de ressentir de grandes émotions vives pour décider de faire mieux dans mon quotidien. Or, le sentiment d’urgence s’est accentué alors que dans l’actualité on s’est mis à parler davantage d’environnement et surtout à parler de l’échéance qui se rapprochait dangereusement pour la survie de la planète. C’est ça qui fait que j’ai parfois envie de brasser les gens autour de moi. J’ai l’impression que ce n’est pas pris au sérieux et ça me dépasse. La planète va nous survivre, nous sommes les imbéciles heureux qui vont disparaître si on continue de consommer de la même façon qu’on l’a toujours fait. Pas besoin de ressentir de l’anxiété ou de la colère pour agir. Dès qu’on accepte qu’on se dirige dans un mur et qu’on cesse de rejeter la faute sur les autres, et que l'on comprend qu’il faut se regarder le nombril même si on a l’impression que celui-ci est trop petit pour avoir un impact, on fait alors les choses différemment. »
Andrée-Anne explique également qu'en observant ses humeurs et ses pensées récurrentes, elle a compris que quelque chose se passait en elle.
« Je suis quelqu’un de positif, de joyeux et qui a le bonheur facile. Quand j’ai constaté que ça faisait plusieurs journées consécutives que j’étais fâchée, dépassée et impatiente, j’ai compris qu’il y avait un problème. Je n’étais plus moi-même, j’étais obsédée par le sort de notre planète. Je le suis encore, mais je suis capable d’avoir de l’espoir à nouveau. Je ne sais pas s’il est important de poser une étiquette absolument, de se dire écoanxieux. Je pense que ce qui est primordial, c’est de poser des gestes concrets pour changer nos habitudes de consommation, que notre degré d’anxiété soit élevé ou bas. Ça regarde tout le monde. »
Comprendre les troubles anxieux en général
Selon l’Institut Douglas en santé mentale, l’anxiété est un mécanisme biologique dont la fonction est de nous protéger contre les situations dangereuses. À petites doses, elle est bénéfique (puisqu'elle peut nous sauver de certaines situations fâcheuses), alors qu’au contraire, une anxiété excessive peut nous emprisonner.
Il est normal pour l’humain de ressentir une certaine dose d’anxiété lorsqu’il fait face à un problème qui menace sa sécurité. On parle d’un trouble anxieux lorsque la détresse ressentie est envahissante et qu’elle n’est pas proportionnelle au danger auquel on fait face.
Les éco-anxieux sont-ils déraisonnables? Pour les climatosceptiques, probablement. Mais puisqu’il est difficile de prédire exactement les défis auxquels nous devrons faire face au cours des prochaines décennies, la peur générée par les changements déjà observés est compréhensible. Tout est donc dans la mesure de l’intensité de la souffrance, ainsi que l’impact que cette peur a sur le fonctionnement des personnes atteintes.
Mais en fait, ressentir de l'anxiété légitime peu avoir des avantages qui permettent d’agir en cas d’urgence. Certaines personnes utilisent cette crainte légitime de manière constructive afin d’opérer un changement. Même s’il est impossible d’avoir un contrôle absolu sur les faits et gestes de tout le monde, tous ont un pouvoir d’action sur leurs propres façons d’agir. Andrée-Anne Brunet, elle, a choisi d’adopter un mode de vie qui est en accord avec ses valeurs éco-responsables.
Le phénomène de l'écoanxiété affecterait de nombreuses personnes, qui participent même à des groupes de soutien et des groupes Facebook pour les aider à canaliser les émotions anxiogènes liées à l’information concernant l’urgence climatique.
L'écoanxiété des jeunes
D’après la journaliste Marie-Ève Tremblay de Radio-Canada, plus on est jeune, et plus on aurait peur pour les générations futures. C'est normal après tout, puisque les jeunes seront eux-mêmes plus affectés par les changements climatiques que les Boomers, par exemple, qui ont déjà atteint le 3e âge.
Minas Panagiotakis/Getty Images
Un sondage réalisé par YouGov en 2019 indique que les répondants britanniques sont plus inquiets au sujet de l’environnement depuis les dernières années, et c’est lors d’évènements majeurs, par exemple les vagues d’innondations qui ont eu lieu en 2014 ou la manifestation du groupe Extinction Rebellion en 2019, que les plus hauts taux d'anxiété ont été observés sur la courbe depuis 2010.
Selon Consoglobe, les jeunes Californiens d'aujourd'hui serait 70 % plus angoissés que ceux qui vivaient dans les années 1950.
Le déni comme mécanisme de défense?
Paradoxalement, d'après le psychologue norvégien Per Espen Stoknes, certains ont plutôt recours au déni quand vient le temps d’aborder les changements climatiques afin de préserver leur équilibre mental. Le professionnel a analysé les taux d’inquiétude face aux changements climatiques depuis la fin des années 80 dans plus de 39 pays occidentaux, et a constaté que plus le niveau de certitude d’une urgence est présent, et moins les gens auraient tendance à se sentir concernés. L’idée de créer une distance entre nous et une menace – tant en termes de temps et d’espace – facilite le processus de déni.
Serait-il possible que plus on s'intéresse à l'environnement et plus on risque de devenir écoanxieux? Dans certains cas, peut-être. Mais pour Andrée-Anne Brunet, des actions comme la Marche pour le climat qui a eu lieu à Montréal il y a quelques années lui font le plus grand bien.
« Ces événements me permettent de me sentir plus calme, moins fâchée. Mon écoanxiété s’est transformée en encore plus de gestes posés concrètement dans mon quotidien. »
Chose certaine, plus les écosystèmes seront perturbés et plus on risque d'entendre parler d'écoanxiété dans les prochaines années. Espérons qu'on trouvera des solutions tant environnementales que des ressources pour aider ceux aux prises avec cette angoisse écologique pas banale du tout.
Si tu crois vivre de l'écoanxiété, consulte un professionnel de la santé qui pourra t'aider à trouver des pistes de solution pour mieux vivre avec les inquiétudes écologiques de notre époque.
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