Il n’y a rien comme une crise mondiale pour révéler au grand jour des crises beaucoup plus quotidiennes et intimes, comme celles qui se passent derrière les portes closes. Un effet inattendu de la pandémie de COVID-19 : le taux de séparation et de divorce a augmenté de manière significative en 2020.
Le phénomène est planétaire : on a eu la première puce à l’oreille déjà en mars lors du post-confinement en Chine (le leur avait commencé en janvier), de nombreuses sources avaient rapporté que les demandes de divorce avaient explosées, atteignant des taux jamais vus. Bloomberg Business Week avait même décrit cette nouvelle comme étant « un avertissement de mauvais augure» pour nous, le reste du monde qui commençait ces longs mois à la maison.
L’effet est bien réel même ici
Le média américain avait bien raison : c’est aussi ce qui s’est répété un peu partout, incluant ici au Québec comme dans le reste du Canada.
Au Québec, de nombreux avocats et médiateurs ont observé une forte augmentation des appels et demandes de médiation, avec quelques sources citant même un bond de 100 %, particulièrement chez les jeunes couples et ceux qui ont des enfants en bas âge.
Ron Schulman, un avocat en droit de la famille de Toronto, affirme avoir vu grimper ses appels liés au divorce de 40 % depuis le début de la pandémie. Il affirme que lorsque l’économie va mal, il y a toujours une tendance à la hausse des divorces, mais que cette pandémie a un effet bien pire que celui des crises économiques passées. « Cette pression monétaire, avec des gens qui perdent leur travail ou leur entreprise… Toute cette incertitude ajoute beaucoup de stress sur des relations qui étaient déjà tendues avant la COVID, mais qui le deviennent à un tout autre niveau, » a expliqué l'avocat.
Pourquoi la crise a fait exploser tant de couples?
En temps normal, selon le sexologue Jacques Babin, le travail occupe autour des 2/3 de notre temps. La COVID-19 et le temps passé à la maison ensemble a permis à bien des couples de réévaluer leur vie. « Plus on passe de temps ensemble, soit on communique plus, soit on ne communique pas, » a t-il fait remarquer.
Selon beaucoup d’experts, la pandémie n’a fait que révéler ce qui était probablement déjà existant. Si toute la famille est « prise au piège » dans la même maison, les principaux déclencheurs de conflits chez les couples (l’argent, les enfants, la répartition des tâches…) peuvent générer des situations explosives. De plus, « les problèmes de santé mentale peuvent être exacerbées ainsi que le sentiment d’isolement. Si vous réalisez finalement que vous vous trouvez dans une union malheureuse, ceci peut précipiter une séparation, » affirme l’avocate Liza Bakhshi.
Une situation plus compliquée pour les couples déjà séparés
Même pour les parents qui étaient déjà séparés avant la pandémie et qui maintenaient un niveau d’entente acceptable, ont pu vivre des tensions créées par la COVID.
On peut penser à plusieurs situations complexes : si papa travaille au front dans le milieu de la santé, est-ce que maman a le droit de refuser de lui faire voir les enfants « pour les protéger »? (La réponse est non). Si quelqu’un se met à faire de la fièvre chez l’autre parent -l’enfant du nouveau conjoint(e) par exemple,- est-ce que l’échange des enfants doit quand même se faire? (Il serait plus prudent d’attendre). Si maman revient de voyage, est-ce que l’enfant doit aller passer sa semaine chez elle pendant la quarantaine? (En principe, non). Et qu’en est-il des parents qui ont un niveau de confort complètement différent par rapport au virus et que par exemple un n’est pas du tout d’accord pour que l’enfant assiste à une fête ou joigne une activité parascolaire?
Ce sont toutes des questions délicates, auxquels nombreux avocats ont été confrontés dans les derniers mois.
Des délais inhabituels
Le problème est que les couples qui se séparent ou qui font une demande de divorce devront s’armer de patience… Étant donné que le système judiciaire était déjà surchargé avant la pandémie, puis a carrément été arrêté pendant plusieurs mois. Le résultat est que depuis la reprise, de nombreux cas considérés comme « moins urgents », incluant les divorces, sont reportés. C’est un peu la même chose pour les demandes de médiation, malheureusement.
Il faut toutefois souligner que le ministère de la Justice a fait un grand bond en avant pour s’adapter et procéder en ligne, pour rattraper ce retard.
Face à des délais qui semblent parfois s’éterniser, particulièrement lorsqu’on vit une situation difficile, c’est toujours une bonne idée de se munir d’une entente de séparation à l’amiable.
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