Vous avez l'âme fleur bleue? Oubliez les promenades en gondoles sur les canaux de Venise ou les couchés de soleil à Santa Banana. L’endroit le plus romantique au monde pourrait bien être l'épicerie, ce lieu aussi banal que pratique. Du moins, j'aime le croire.
Vous avez peut-être vu passer des images de ces fameux paniers d’épicerie pour célibataires dans un IGA de Rouyn-Noranda qui fait tant jaser ces jours-ci. Grâce au génie insolite de cette initiative inusitée, ce projet, qui se voulait au départ à petite échelle, pourrait bien faire des petits ailleurs dans la province ou même dans le monde à voir la popularité de la publication Facebook à ce sujet.
Comme c'est souvent le cas avec des phénomènes viraux, les réactions sont passionnées et diverses. Plusieurs s'imaginent déjà l'utiliser, d’autres disent qu’ils n’oseraient jamais se servir d’un tel panier.
Après tout, l'idée est loin d'être bête. L’épicerie est un endroit où tant les épicuriens que les amateurs de Kraft Dinner se croisent pendant qu’ils regarnissent le garde-manger. Peu importe les habitudes alimentaires, peut-être pourrait-on y trouvez l'âme soeur en plus d'une livre de baloney grâce à ce panier pour célibataires?
Que ce soit à cause d'un sourire craquant ou d'un coup de foudre entre amoureux du tofu, il y a de multiples occasions d'aborder quelqu'un, même si on a surtout tendance à garder les yeux sur notre liste d'épicerie et sur les étiquettes qui annoncent les spéciaux.
Imaginez! Au lieu de manger un petit repas congelé seuls devant la télé, les célibataires intéressés pourraient bientôt se trouver une raison de cuisiner pour deux personnes.
Le supermarché, ce haut-lieu du romantisme
Là-bas, même si presque tout y est sur emballé dans du plastique, au point où les poivrons suffoquent sur leur plateau jetable en Styrofoam enveloppé d’une pellicule moulante, l'amour est possible.
Si votre amour peut naître et survivre dans un environnement si artificiel, où les sentiments sont parfois hostiles avec les altercations de paniers devant les conserves, alors ce couple pourrait bien être vrai et durable.
Si vous avez envie d'aborder d'autres célibataires devant les bouteilles de vinaigrettes pour salades grecques, à défaut de croire aux contes de fées, vous pouvez au moins vous rabattre sur un conte de Feta. C'est mieux que rien!
Trouver l’amour au supermarché est non seulement une bonne idée, c'en est aussi une qui a été explorée il y a plusieurs décennies par le poète de la Beat Generation Allen Ginsberg dans son magnifique texte A Supermarket in California, que les curieux et ceux qui comprennent l’anglais pourront savourer dans cette vidéo :
Confidence : ce poème a toujours été l'un de mes préférés. Il est magnifique, moderne, presque grotesque de consumérisme et hautement émouvant. Si vous me voyez à l'épicerie avec un panier de célibataires, parlez-moi de la poésie beatnik et de votre amour pour les patates douces, afin qu'on swipe peut-être à droite ensemble, vers l'allée des céréales.
Un supermarché en Californie
Dans cette odyssée lyrique romantico-alimentaire, Ginsberg imagine croiser d'autres légendes de la littérature pendant qu'il fait son épicerie, et vivre une idylle ludique avec eux.
En voici un succulent extrait de que j’ai traduit librement vers le français, afin que vous puissiez vous plonger aussi dans ce romantisme de foodie.
«Dans ma fatigue affamée, magasinant des images, je suis allé au supermarché des fruits de néon en rêvant à tes énumérations!
Quelles pêches et quelles pénombres! Des familles entières qui magasinent la nuit. Des allées pleines de maris. Les femmes dans les avocats, les bébés dans les tomates! — Et vous, Garcia Lorca, que faisiez-vous près des melons d’eau?
Je t’ai vu, Walt Whitman, vieux fouineur solitaire, farfouiller parmi les viandes dans le réfrigérateur en faisant de l’œil aux emballeurs.
Je t’ai entendu poser des questions à chacun : Qui a tué les côtes de porc? Quel prix les bananes? Es-tu mon ange? »
Coup de foudre dans un supermarché en Abitibi
Peut-être que la foudre de l'amour pourrait s'abattre sur vous pendant que vous vous dirigez pour choisir la même orange qu'un ou une inconnue.
S'en suit une scène digne d'une comédie musicale où tous les autres figurants disparaissent.
Les néons illuminent votre teint vert lime alors que vous continuez de vous sourire dans l'allée des fromages.
Une oeillade près des bouteilles d'eau pendant que vous êtes à la recherche du quinoa et des pinottes BBQ.
Vos regards se croisent encore entre les tablettes de pains en tranches, qui feraient de douillets oreillers.
Des millions d'olives marinent dans les compartiments, les cornichons et la relish sont en spécial.
Vous lui demandez alors : Aimes-tu le Ginger Ale? Quelle saveur ton gruau? Es-tu mon sandwich?
Est-ce que ce sont les allers-retour dans le frigo à bières qui vous étourdissent, ou votre crush qui vous monte à la tête?
Vous rougissez comme une tomate et vous êtes jalousée par les chops de porc et la sauce Worcester. Peut-être qu'en retournant vers la section des fruits et légumes vous vous croiserez à nouveau?
Peut-être que vous allez aussi vivre votre première chicane en vous obstinant sur le choix entre le chou frisé et la laitue romaine ou s'il faut dire « chocolatine » ou « pain au chocolat ».
Ainsi va la vie.
Paniers pour célibataires : une bonne idée, mais quelques bémols
L'idée est somme toute géniale. On peut cependant songer à quelques améliorations afin de rendre le concept sur la coche.
Un des rares désavantages de ce panier inusité, c’est l’idée que quelqu'un de fatigant vous suive avec trop d'insistance pendant que vous palpez des avocats trop chers, trop durs ou trop mous.
Adieu, l'excuse du « chum » inventé
Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce secret de filles, mais plusieurs femmes célibataires ont compris que lorsqu’elles refusent les avances d’un admirateur intense, la seule solution pour faire passer notre « non » est parfois de s’inventer un chum pour qu'il cesse d'insister. Boum! Comme par magie, le dur de comprenure prend son trou quand on amène un homme invisible dans le portrait. Soudainement, il comprend. C’est comme la carte du Joker de la séduction, et on espère toujours l’avoir pas trop loin dans notre jeu pour pouvoir se sauver d’une main perdante.
Le célibat des LGBTQ+
Aussi, je me dis que ça peut porter à confusion pour les membres de la communauté LGBTQ+.La solution? Pouvoir ajouter plus d'options afin de personnaliser notre recherche de l'âme soeur en sélectionnant le fanion parfait pour notre situation.
D'un autre côté, si quelqu'un se promène dans le rangée des bananes avec son carrosse qui dit « célibataire lesbienne», on peut déjà gager qu'un mononcle va lui sortir une joke pas drôle quand elle va passer près des concombres.
Peut-être qu'on pourrait aussi ajouter le fanion « colon » à des paniers. Parce que chaque torchon cherche sa guenille et ils méritent de se trouver eux aussi.
Simple comme bonjour
Fanion, pas fanion : pourquoi se retenir de saluer ceux et celles dont le panier d'épicerie nous plait? Dire bonjour, c'est facile.
On espère qu'une fan des céleris rencontrera un amateur de Cheese Whiz prochainement en Abitibi grâce au destin des portes coulissantes du supermarché romantico-poétique.
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