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Étant lesbienne, je savais depuis bien longtemps qu’avoir des enfants ne se ferait pas de façon traditionnelle. Pour concrétiser notre projet parental, Maman 2 et moi avions besoin d’une troisième personne : un donneur de sperme.
Connu ou non, cet homme devait nous fournir l’ingrédient manquant à la recette magique pour faire des bébés.
Au moment où nous avons pris la décision de fonder une famille, j’ai eu besoin dans un premier temps de faire un deuil. Le mélange des gênes n’était pas une possibilité pour Maman 2 et moi, malgré tout l’amour que nous nous portions.
C’est donc un peu par obligation que nous avons feuilleté des pages et des pages de profils de donneurs en quête de cet inconnu qui s’immiscerait dans notre intimité de couple.
Je me souviens qu’en lisant les pages, j’avais cette impression de surréel. Je n’arrivais pas à envisager la concrétisation de mon projet parental avec l’aide d’un de ces inconnus.
Je me souviens que le don de sperme, c’était un volet que je ne souhaitais pas aborder avec mes proches. Peut-être par honte ou par découragement. Je n’avais égoïstement pas envie de parler de cette facette obligatoire dans notre projet bébé. Je n’avais pas non plus envie d’entendre les mots « père » et « papa ».
Nous avons alors décidé de ne pas regarder la photo de notre donneur, de sélectionner cet homme à l’aveuglette.
Avec du recul, je crois que c’était peut-être ma façon de démontrer mon mécontentement face à cette étape obligatoire.
Puis le temps a passé.
Lorsque j’ai pris dans mes bras chacun de mes enfants pour la première fois, ma vision a changé. Je me souviens avoir ressenti une bouffée de gratitude face à cet homme que je ne connaissais pas.
Désormais, j’éprouve de la gratitude pour ces personnes qui font des dons de gamètes, sans savoir où celles-ci finiront.
Si j’ai dans mes bras deux beaux enfants, c’est en quelque sorte grâce à lui.
Certes, ses dons étaient rémunérés par la banque de sperme, mais n’en demeure pas moins qu’il a fait le choix un jour de donner cette petite partie de lui-même sans en connaître totalement l’impact. Personnellement, je ne sais pas si j’arriverais à avoir le même détachement face à mes propres ovules si j’en faisais le don.
J’ai donc changé d’opinion face à notre donneur. Il n’était plus cette troisième personne indésirable dans notre projet parental. À mes yeux, il incarne cet individu unique qui nous a donné la chance de devenir mamans.
Désormais, j’éprouve de la gratitude pour ces personnes qui font des dons de gamètes, sans savoir où celles-ci finiront.
Aujourd’hui mes deux enfants issus du même donneur ont grandi.
Jusqu’à maintenant, dans leur conception, ils ont deux mamans et c’est tout. Ils n’ont jamais parlé du fait qu’ils n’ont pas de papa.
À l’aube de leur entrée à l’école, nous avons commencé à leur parler de leur donneur, car cet homme fait partie de leur histoire. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un père ou d’un adulte significatif dans leur vie, car ils ne le rencontreront probablement jamais.
Cependant, nous leur présenterons comme étant une merveilleuse personne qui a donné les petites graines indispensables que Maman 1 et Maman 2 ont plantées ensuite dans leurs bedons.
De ces graines se sont développés nos deux enfants, notre beau Émile et notre belle Flavie.