En décembre 2015, l’aide médicale à mourir (AMM) est entrée en vigueur au Québec. Si cette option concernant la fin de vie est donc désormais légale, l'application de la loi continue cependant de diviser la communauté médicale. Au moment d'écrire ces lignes, la loi de 2015 ne concerne que les adultes, mais l'idée de l'étendre aux «mineurs matures» est actuellement étudiée par le Canada. Ainsi, plusieurs rapports scientifiques sont déjà déposés ou en voie d'être écrits, le but étant d'ouvrir le débat pour éventuellement faire en sorte que le gouvernement canadien modifie la loi actuelle en ce sens.
Mineur mature
Derrière ce qui de prime abord peut s'apparenter à un oxymore (mineur mature), se cache une réalité avec laquelle il faut composer: l'âge du passeport n'est pas forcément celui du jeune malade. «La maturité d'un mineur qui a déjà subi trois ou quatre chimiothérapies ou une amputation n'est évidemment pas la même qu'un mineur qui n'a pas vécu cela, c'est le genre d'expériences qui fait vieillir rapidement,» nous explique le docteur Georges L'Espérance, président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) et neurochirurgien.
En tant que mineur mature, les adolescents concernés pourraient donc à ce titre prendre eux-mêmes les décisions qui concernent leur maladie sans que l'accord d'un adulte ne soit nécessaire. «Pour qu’un mineur soit considéré comme mature, il doit avoir développé des capacités cognitives suffisantes lui permettant d’apprécier sa maladie et son pronostic, ainsi que de comprendre les options thérapeutiques et les conséquences de chacune d’elles», a déclaré le pédiatre Marc-Antoine Marquis, spécialiste en soins palliatifs au CHU Sainte-Justine au journal Le Devoir.
Pour l'AQDMD et son président, si l’aide médicale à mourir devait être accessible aux mineurs matures, certaines balises devraient cependant être mises en place. «On pourrait imaginer par exemple une évaluation par deux médecins dont l'un d'entre eux serait un spécialiste de la maladie en question, par exemple un pédiatre spécialisé dans les pathologies oncologiques ou encore un pédo-psychiatre par exemple. Cet apport d’un ou même plusieurs experts en fonction de chaque cas nous semble essentiel.»
Très peu de cas
Selon un article de Radio-Canada, «La Belgique est le premier et le seul pays au monde à offrir le droit à des personnes mineures atteintes d'une maladie incurable et “en capacité de discernement” de mettre fin à leur vie». C'est en février 2014 qu'un premier adolescent âgé de 17 ans a ainsi été euthanasié. On notera cependant que les Pays-Bas ont une loi équivalente à celle de la Belgique, avec cependant une limite d'âge établie à 12 ans.
Si de tels cas existent, ils demeurent néanmoins très rares. «Il faut bien comprendre que la demande de l'AMM pour les mineurs serait très exceptionnelle, continue Georges L'Espérance. Il existe en effet très peu de cas pour lesquels elle pourrait s'appliquer. Ceux qui sont incurables sont heureusement peu nombreux». Selon l'article du Devoir, «l’expérience des Pays-Bas et de la Belgique tend à démontrer que même si l’aide médicale à mourir est offerte aux mineurs, ces derniers sont très rares à la demander. Tout au plus un mineur s’en prévaut-il par année dans ces deux pays».
Quel échéancier pour l'AMM pour les mineurs au Québec?
Selon le président de l'AQDMD, bien qu'il soit impossible pour le moment d'estimer une date à laquelle l’aide médicale à mourir pour mineur pourrait entrer en vigueur, la loi de 2016 doit être revue par le gouvernement au bout de cinq ans, comme c'est prévu. «Il va falloir encore du temps et passer par plusieurs étapes, la première étant que le gouvernement fédéral et le comité qui doit réviser la loi déposent un projet de loi. À ma connaissance, il n'existe pas encore d'équivalent de ce comité au Québec», précise le neurochirurgien qui estime que l'AMM pour les mineurs matures pourrait prendre encore de deux à cinq ans avant d'être accessible officiellement au Québec.