Avec la vague de dénonciations sur les réseaux sociaux qu'on connaît présentement, outre tout le bruit dans l'industrie médiatique qui circule, des centaines de personnes - des femmes comme des hommes - ont enfin pu se libérer d’un fardeau très lourd.
Comment se retrouver dans tout cela en tant que victime ou proche d'une personne ayant vécu de l'abus à caractère sexuel? Voici quelques pistes.
Comment reconnaître du harcèlement et/ou une agression sexuelle?
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Du harcèlement sexuel, c’est « tout comportement verbal ou physique de nature sexuelle qui est non voulu ». Tandis qu’une agression sexuelle, c’est « tout acte sexuel non-désiré commis par une personne sur une autre ».
Ce qui en constitue peut différer d’une personne à l’autre et peut varier en « degré de sévérité. » Mais ce qu’il faut retenir, c’est la question de l’absence du consentement. Si tu ressens un malaise par rapport à un ou des comportement(s), c’est ça le gros red flag.
Si tu n’es pas bien quand tu repenses à une (ou des) situation(s), c’est parce qu’elle est problématique. Et cette situation problématique, elle peut être très diverse : remarques, attouchements, sexting non sollicité, viol, violence sexuelle…
Même si quelqu’un essaie de minimiser ce que tu as vécu (« c’était juste une main sur ta cuisse », « c’était juste une blague », « tu avais l’air de vouloir que ça se passe toi aussi », etc.), c’est TON propre feeling là-dedans qui compte.
Pourquoi dénoncer?
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Il y a beaucoup de raisons de dénoncer. À commencer par le fait que ça peut te faire sentir moins seul(e) avec ton malaise ou ton traumatisme et que ça peut même te permettre de réaliser que ton agresseur a fait d’autres victimes.
Sais-tu à quel point ces situations sont fréquentes? 70 % des femmes auraient vécu du harcèlement sexuel en milieu de travail. Pour ce qui est des agressions à caractère sexuel, c’est 1 femme sur 3 et 1 homme sur 6.
De la même manière, dénoncer peut permettre d’éviter que cette personne puisse continuer à en agresser d’autres.
Pour les victimes, l’impact sur la santé mentale d’une agression peut devenir très, très lourd. Selon une étude menée par le Ministère de la Justice du Canada, il y a même un impact neurobiologique aux traumatismes sexuels, c’est-à-dire qu’ils peuvent affecter notre cerveau ainsi que notre système nerveux à long terme. Les réactions d’une personne peuvent être multiples, allant du choc et de la colère à des troubles de sommeil, de l’anxiété, une perte d’estime de soi, un repli sur soi-même ou encore une tendance à nier les événements pour essayer de mieux continuer à vivre.
Dénoncer, si tu sens que c’est la bonne chose à faire, peut permettre d’alléger un peu ce fardeau. Ça ne guérit pas les blessures psychologiques, mais ça peut te permettre d’avoir une meilleure impression de reprendre le contrôle.
Se défaire de la honte
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Peu importe ce que tu as vécu, c’est important de comprendre que ce n’est pas de ta faute et que tu n’as pas à avoir honte. C’est l’agresseur qui est coupable, peu importe les circonstances, peu importe ce que tu portais, si tu avais bu ou comment tu as agi. Tu n’as rien à te reprocher.
La honte est un mécanisme très important quand on parle d’agression sexuelle : « La honte, c’est une réaction naturelle après avoir été violenté ou avoir subi de l’abus. Les victimes se sentent déshumanisées et souillées, en même temps qu’elles sont impuissantes et à la merci d’une autre personne », affirme la psychologue Gershen Kaufmann.
Cette honte est directement reliée au fait qu’aussi peu d’agressions sexuelles sont rapportées, parce que les victimes se sentent en quelque part responsables de ce qui leur est arrivé. Il n’en n’est rien.
La honte est peut-être instinctive, mais elle sert malheureusement uniquement à perpétrer le climat de silence ainsi que le comportement criminel des agresseurs...
Dénoncer sur les réseaux sociaux : oui ou non?
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Le système judiciaire est tellement lourd et présente tellement d’obstacles pour les victimes, que ce n’est pas surprenant de voir autant de personnes se tourner vers les réseaux sociaux. C’est beaucoup plus facile et direct de le faire ainsi… Et il peut y avoir des répercussions immédiates pour les agresseurs, comme on l’a vu dans la dernière semaine.
Par contre, on voit aussi beaucoup de gens dire que les réseaux sociaux « ne sont pas la place pour se faire justice soi-même » et que « c’est trop facile de condamner quelqu’un comme ça ». Alors comment se faire une opinion là-dessus? La première chose à comprendre, c’est que bien souvent, l’opinion publique, tout comme le système de justice, va spontanément être plus sympathique envers les agresseurs qu’envers les victimes.
La réalité, c’est que les fausses accusations dans ce domaine sont vraiment rares. Les victimes n’ont habituellement rien à gagner à dénoncer, au contraire! Alors si dénoncer sur les réseaux sociaux t’apparaît comme la bonne solution pour t’aider dans ton cheminement, ça ne veut pas dire qu’il faut exclure cette possibilité.
Cela dit, il faut bien comprendre les implications avant de le faire. C’est-à-dire que tout ce que tu dis pourrait se retourner contre toi. Dans un monde idéal, tu serais écoutée, crue et soutenue inconditionnellement dans ta démarche. Mais dans la vraie vie, il y a des risques que ça ne se passe pas comme ça. Tu pourrais très bien te faire shamer, ta crédibilité pourrait être remise en question, ton discours pourrait être mal interprété, tu pourrais te faire accuser toi-même de différentes choses très blessantes... Tes comportements, tes idées, ton passé, ton physique, tous les détails de ta vie privée pourraient être amenés sur la place publique et décortiqués/jugés.
Il y a de plus deux implications légales qu’il faut prendre en compte : si tu souhaites ensuite porter plainte officiellement, tout ce que tu dis auparavant en public va probablement te nuire dans une éventuelle poursuite et un éventuel procès. Puis, la personne accusée, même si elle est réellement coupable et que tu le sais, pourrait te poursuivre pour diffamation (oui, malgré ses torts, c’est débile comme ça).
C’est à toi et uniquement toi de prendre la décision finale, mais c’est important de bien connaître les paramètres qui entoure cette décision.
Quelles sont les ressources pour dénoncer?
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Si tu vis du harcèlement au travail, tu peux te tourner vers les ressources humaines de l’entreprise, en autant que tu te sentes en confiance de le faire. Toutes les entreprises doivent avoir une politique en place à ce sujet et en général, dans les dernières années elles sont devenues beaucoup plus réceptives aux victimes et proactives sur la question. Ce n’est jamais garanti que tu pourras trouver le support dont tu as besoin par contre, malheureusement. Comme l’explique le psychologue Brady Wilson, qui est spécialisé en harcèlement sexuel en milieu de travail : « Il existe encore un pattern de resserrer les rangs, de ne rien admettre et de rejeter le blâme sur la victime ».
Il existe des organismes qui viennent en aide aux victimes d’actes criminels (les CAVACs) et aux victimes d’agressions à caractère sexuel (les CALACS ainsi que d’autres ressources). Voici un répertoire complet pour toutes les régions du Québec.
Si c’est plutôt de l’assistance légale dont tu as besoin, tu peux contacter un avocat si tu es en mesure de le faire, mais tu peux aussi communiquer avec l’aide juridique du gouvernement du Québec (seulement certaines personnes sont admissibles, toutefois) ainsi qu’avec Juripop, un cabinet qui fournit de l’aide et des conseils légaux gratuits et confidentiels.
Il n’est jamais trop tard pour dénoncer
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On entend aussi souvent des gens qui reprochent aux victimes de ne pas avoir dénoncé rapidement. Du genre : « Si c’était vrai, pourquoi elle/il a attendu aussi longtemps avant de dénoncer? ». C’est vraiment de la bullshit. Les traumatismes et la psyché humaine sont des choses extrêmement complexes et nuancées.
Il n’y a aucune « bonne manière » de procéder dans ces situations. Certaines personnes vont avoir besoin de dénoncer immédiatement. D’autres vont nécessiter un peu plus de temps pour s’en remettre et avoir la force de le faire par la suite. Certaines autres personnes, après avoir vécu avec et parfois même enfoui un lourd secret qui les as accablées pendant des années (voire des décennies), ressentent soudainement le besoin de le faire, parce que leur cheminement les a amenées ailleurs...
Si tu as vécu une agression, même si ça fait longtemps, c’est correct de dénoncer. C’est toujours valide.