Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a brassé dans les médias québécois cette semaine! Deux ans après le mouvement #MeToo #AgressionNonDenoncee, une nouvelle vague de dénonciations pour des gestes à caractère sexuel a déferlé sur le Québec. Et la particularité, c’est qu’elle se décline directement sur les réseaux sociaux, en dehors du système policier ou judiciaire en place.
Plusieurs personnes concernées
Plusieurs centaines de dénonciations ont eu lieu sur différentes plateformes au Québec dans les derniers jours, incluant certaines visant des personnalités connues. Les chanteurs Bernard Adamus et Yann Perreau, le bassiste de Simple Plan David Desrosiers ainsi que différents influenceurs et personnalités publiques ont tous fait l’objet de dénonciations.
L’affaire qui a probablement le plus marqué les Québécois pourtant, c’est la dénonciation sur Instagram par la chanteuse Safia Nolin envers Maripier Morin, qui lui aurait fait subir du harcèlement à caractère sexuel et l’aurait fortement mordue à une cuisse lors d’une soirée dans un bar en 2018.
Maripier Morin s’est excusée des faits et a affirmé qu’elle mettait sa carrière sur pause, le temps d’aller chercher de l’aide. Quelques-unes des compagnies pour qui elle était porte-parole ont décidé de mettre fin à leur association avec elle. Safia Nolin a affirmé ne pas avoir l’intention de porter plainte.
Un manque de confiance envers le système traditionnel
Ce que plusieurs s’entendent pour dire, c’est que ce n’est pas anodin que cette vague de dénonciations se produise directement sur les réseaux sociaux, sans intermédiaire ou encadrement légal.
Moins de 5 % des agressions sexuelles seraient ainsi officiellement dénoncées, et seulement 12 % de celles qui le sont mènent à un verdict de culpabilité au pays[1]. Dans la majorité des cas, comme on l’a vu dans différents procès très médiatisés comme celui de l’ex-animateur Jian Gomeshi, le fardeau repose presque entièrement sur les victimes, qui ne sont pas crues, sont discréditées, dont la vie privée est étalée sur la place publique et qui se font souvent elles-mêmes attaquer. Malgré l’onde de choc du mouvement #MeToo et la condamnation il y a quelques mois du producteur américain Harvey Weinstein, il reste que le système en place est loin d’être favorable aux victimes, même à l’heure actuelle.
C’est pourquoi les réseaux sociaux sont très attirants pour plusieurs victimes, parce que leur portée peut être grande et immédiate en termes de conséquences pour les agresseurs, sans toutefois devoir se soumettre à autant de procédés et de délais qui sont le lot du système traditionnel.
Bien y penser avant de dénoncer
Plusieurs intervenant(e)s voient cette vague de dénonciations d’un bon œil, affirmant qu’elles font réaliser aux victimes qu’elles ne sont pas seules à avoir vécu ceci et qu’elles peuvent elles aussi reprendre le contrôle de la situation en dénonçant.
Toutefois, plusieurs avocates du milieu ont également pris la parole dans les derniers jours pour rappeler qu’il existe aussi des risques à dénoncer directement sur les réseaux sociaux. En faisant ainsi des déclarations publiques, s’il y a éventuellement plainte et procès, les victimes risquent en effet de voir leurs messages, leurs gestes ainsi que leur crédibilité analysés, attaqués et même remis en question.
Ceci ne signifie pas que dénoncer sur les réseaux sociaux n’est pas le bon choix! Simplement qu’il faut mesurer les pour et les contre et comprendre les conséquences possibles de ce geste avant de le poser.
Chaque victime a le droit de prendre ses propres décisions
Toute situation d’agression, d’abus ou de harcèlement sexuel est différente et le cheminement d’une victime a le droit de l’être aussi. Certaines personnes veulent dénoncer sur-le-champ, d’autres ne réaliseront que plus tard l’ampleur des actes qu’elles ont subi. Certaines suivent un processus de guérison sans jamais dénoncer et enfin d’autres souhaitent le faire après un certain temps, parfois même des années après.
Il est important de respecter l’intégrité et les décisions de ces victimes. Procéder peu après les actes ou attendre, déposer une plainte officielle, participer à la vague en dénonçant et en interpellant directement une personne ou encore choisir de se taire à ce moment précis, ça leur appartient.
Aller chercher de l’aide
Si vous souhaitez obtenir de l’aide suite à une agression ou du harcèlement sexuel, vous pouvez vous adresser aux organismes CALACS (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel), qui sont présents partout au Québec.
Si vous avez besoin de conseils ou d’aide juridique pour savoir comment procéder en vue d’une éventuelle plainte, vous pouvez également contacter l’organisme Juripop, qui procure des conseils légaux gratuits et confidentiels pour toutes les personnes de la province. D’ailleurs, depuis le début de cette vague de dénonciations, l’organisme fait face à une telle hausse de demandes pour ses lignes téléphoniques qu’il a dû embaucher du personnel supplémentaire.
[1] Journal Metro