Les défis de la série Severance et le bonheur de travailler avec Ben Stiller:Jessica Lee Gagné nous révèle tout!
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Tous ceux qui regardent la série Severance (Dissociation en français) sont d'accord pour dire qu'il n'y a RIEN comme ce thriller psychologique.
On y suit une équipe d'employés de bureau dont la mémoire a été chirurgicalement scindée entre leur vie professionnelle et personnelle.
La deuxième saison de Severance est commencée sur Apple TV+ et les corridors de la mystérieuse entreprise Lumon nous réservent des punchs renversants à chaque détour.
Cette série est réalisée par Ben Stiller et met en vedette Adam Scott, Britt Lower, John Turturro, Zach Cherry et Patricia Arquette.
Afin de découvrir les secrets de tournage de cette dramatique fascinante, nous avons discuté avec la directrice photo du projet, la Québécoise Jessica Lee Gagné.
C'est une longue histoire! Mais la version courte, c'était que j'ai fait mon premier film américain, qui s'appelle Sweet Virginia, avec John Bernthal et Christopher Abbott. Et Ben Stiller a fini par regarder ce film-là en cherchant des acteurs. Quand il l'a vu, il a dit 'Oh wow! c'est le look que j'aimerais sur ma prochaine série Escape at Dannemora'. Moi je déménageais en France, parce que je voulais commencer à travailler en Europe. Je voulais expérimenter, j'avais vendu tous mes trucs à Montréal. Je partais en avion pour Paris, nouvelle vie... et le matin que j'ai pris le vol, j'ai eu le courriel de son producteur qui demandait 'Est-ce que Jessica serait intéressée de peut-être faire la direction photo sur cette série-là, avec Benicio Del Toro et Patricia Arquette?' Moi, tout de suite, j'ai pleuré parce que je savais que j'allais l'avoir. En dedans de moi, c'était comme un sentiment, une intuition.
Et je suis partie en Europe quand même. On s'est d'abord rencontrés sur Skype, et après ça, en personne à Cannes deux semaines plus tard car Ben Stiller avait un film là-bas. Moi j'ai dit 'Je peux aller à Cannes te rencontrer, pas de problème! Pourquoi pas?' On s'est rencontrés, j'ai apporté des livres de photos, j'ai parlé un peu de mon expérience avec le cinéma, comment je voyais les plateaux de tournage, comment j'aimais donner de la liberté aux réalisateurs quand on travaille, de mon approche sur un plateau... J'ai vraiment dit 'Moi j'ai pas besoin de de storyboard pour travailler avec toi. On regarde les acteurs, puis après on peut développer ça ensemble. Je pense qu'il a vu un genre de légèreté ou de liberté avec la façon dont je voulais travailler, ça l'a vraiment inspiré. On avait les mêmes références. On aimait les mêmes films.
Serpico, Dog Day Afternoon... Des films américains des années 70, très iconiques, à New York. Quand j'ai dit ces noms de films, c'est comme si une ampoule s'était allumée pour lui. Il a dit 'Oui c'est ça!' De plus, il aimait beaucoup la mise en scène et la caméra dans Sweet Virginia. [...] Déjà, je savais que je pouvais aller dans cette direction-là parce qu'il a choisi mon travail sur ce film-là. J'avais une idée où aller. Mais bon, c'était intimidant au début.
Honnêtement je ne sais pas. Moi, je pense que c'était dans nos destinées créatives, de se rencontrer, parce que je pense qu'on [NDLR Ben Stiller et elle] avait beaucoup à apprendre l'un de l'autre. On vient de deux mondes complètement différents, puis je pense que ce qu'on voulait faire, c'est une rencontre entre ces deux mondes.
Il y a un seul moment où j'ai vraiment eu peur, ou plutôt que je me suis dit 'J'espère que ça va bien se passer'. C'est que je fais énormément de tests visuels avant de faire un projet. Ce sont des essais de caméra, des essais d'objectifs, des essais de lumière. Des fois, ce sont des décors, du maquillage, etc. Mais là, j'avais demandé à la production de trouver moi-même la caméra et les objectifs avec lesquels on allait travailler. J'ai capté des images toute seule. C'était à l'extérieur, je n'avais pas d'éclairage, je n'avais personne pour m'aider. C'était moi et un assistant de caméra, puis on a fait quelques plans de jour et de nuit. Et c'est là que j'ai vécu l'instant de vérité. [Ben Stiller] va voir des images que j'ai faites pour lui. Est-ce qu'il va les aimer? On est dans la salle, je suis en train de mourir de stress, je me dis 'Je vais me faire virer, c'est là que je m'en vais.' Finalement, il finit la projection et me dit 'C'est les plus beaux tests que je n'ai jamais vus! Après ça, j'ai senti qu'il y avait une raison pour laquelle j'étais là.
Mon processus est quand même assez intense en tant que DOP, je suis très impliquée. Je suis aussi très impliquée dans la recherche des lieux de tournage. Ça, je suis super fatigante (rires). L'équipe le sait, je peux être vraiment intrusive. Pour moi, si on entre dans un lieu, je le sais tout de suite, je le sens que c'est ici qu'on doit tourner. C'est vraiment comme un feeling. Si ce n'est pas le bon endroit, je le sais. Pour la saison 2 de Severance, on a visité une maison et je me disais: 'Ce personnage-là n'aurait pas de cuisine en bois, il aurait une cuisine en stainless.' C'est comme une intuition. Bell Labs, l'édifice, je l'ai trouvé sur Internet parce que je n'étais pas satisfaite des lieux initiaux. J'ai fini par trouver cet endroit, je l'ai envoyé à Ben Stiller, et le lendemain on y était!
Au début d’un projet, je vais travailler avec les réalisateurs pour trouver les meilleures représentations visuelles et photo de ce qu'on va faire. C'est un langage. On détermine ensemble un look avec un support visuel. Ce qui est l'fun, c'est que je garde tous ces mood boards là. On en a fait même les livres à la fin. Quand on regarde la série, on voit vraiment que c'était dans les images au début que ça se passe. C'est une confirmation de voir les deux l’un à côté de l'autre.
L'esthétique rappelle un peu la misère, la paranoïa. Pourquoi on se sent comme ça? Je pense que c'est en raison des choix d'objectifs, des choix de cadres. Il y a beaucoup d'inspiration de type caméra de sécurité. Où pourrions-nous cacher des caméras de sécurité? D’où est-ce qu'on pourrait voir les grands angles de la pièce où les gens travaillent? À l'extérieur, on faisait beaucoup de plans avec de longs objectifs qui font en sorte qu'on se demande 'Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est caché, qui est derrière ou qui filme ça?’ Les décors aussi sont très oppressants. Il y a beaucoup d'encadrement autour des gens, même dans la maison de Marc (Adam Scott) . L'arche dans le centre de chez lui, ça a été choisi comme pour l'encadrer. On a trouvé des façons d'emboîter les gens.
La 'Music Dance Experience', c'est vraiment bon, mais j'ai aussi beaucoup aimé la scène dans l'épisode 8 avec le Egg Party, la lumière qui est comme des vagues, où ils sont dans la pièce rose dans la cuisine.
C'est moi qui ai poussé pour qu'il y ait de la lumière rose, parce que c'est une scène romantique. Au début, Ben n'était pas certain, mais je lui ai montré et il a dit 'c'est cool, c'est cool! On aime ça!' De plus, l'épisode 4 de la saison 2, c'était vraiment intéressant.
Moi, je suis Québécoise et aller tourner dans la neige, ça ne me stresse pas. Mais là, tu es avec plein de new-yorkais. Et ils ont tous un peu peur! On a fait énormément de préparation pour tourner dans des conditions comme ça.
C'est dans le nord l'État de New York. On a essayé de trouver des bois différents pour chaque scène. Ça, c'était vraiment l'fun! J'ai beaucoup aimé travailler sur cet épisode en général.
Au début, je ne voulais pas réaliser. Ce n'était pas mon intention, ça m'a été offert. J'ai décidé de le faire. Quand je l'ai fait, j'ai vraiment trouvé du bonheur. J'ai vraiment trouvé un bonheur profond, quelque chose qui me manquait, quelque chose que j'avais oublié que je voulais faire. J'ai bloqué le désir de faire la réalisation. Je ne m'en souvenais pas consciemment. C'est en travaillant avec mon subconscient, avec des expériences personnelles dans ma vie, que j'ai compris que j'avais fermé une partie de moi. Parce que la raison pour laquelle je suis allée étudier en cinéma, c'était pour être réalisatrice, mais j'avais trop peur. Ça fait que j'ai pris l'avenue qui était plus simple, qui était évidente, puis qui me permettait de faire de l'argent et de travailler. Quand j'ai commencé à travailler sur la réalisation, j'ai compris. Les gens m'ont dit que je souriais davantage, que j'étais différente. Je venais de comprendre que c'est ce que je suis censée faire.
Ça ne me dérange pas si j'ai du succès ou pas. Je vais le faire. Puis honnêtement, ça n'aurait pas être dans un environnement plus beau, avec une équipe que je connais, avec des acteurs que je connais, avec Ben Stiller qui était un support et un mentor extrêmement important, avec une histoire que je connais... Je n'avais plus d'excuse.
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