Le binge watching, qu’on pourrait traduire par « visionnement en rafale », ça consiste à regarder plusieurs (voir tous! –pas que ça nous est déjà arrivé ou rien… ) les épisodes d’une série télé dans une même session. Il s’agit d’une pratique assez nouvelle, puisque qu’avant bien sûr, il fallait attendre patiemment la diffusion d’un seul épisode hebdomadaire, ainsi que les interruptions de la grille horaire et des saisons. Quel concept barbare quand on y pense!
Ce que les plateformes de lecture en continu (streaming) et les diffuseurs par abonnement ont permis, c’est de pouvoir laisser libre cours à notre envie de gratification instantanée! Mais est-ce que cette manière de faire est si inoffensive qu’elle n’y paraît? Voyons voir!
L’effet sur le sommeil
Une nouvelle étude publiée dans le Journal of Clinical Sleep Medicine a observé les habitudes de 423 jeunes adultes dont 80 % se décrivaient comme des « binger watchers », c’est-à-dire qu’ils s’adonnaient à cette activité pendant plus de trois heures par jour en moyenne.
Ce que le chercheur a remarqué, sans grande surprise, c’est que ces personnes manquaient de sommeil de façon chronique. Et qu’en général, les binge watchers se décrivaient comme étant plus dépressifs, plus insomniaques, plus anxieux et plus solitaires que les autres. Dr. Dasgupta, le chercheur qui est également professeur à l’University of Southern California, a expliqué que cette fatigue permanente créait un cercle vicieux : les personnes pouvaient par exemple se mettre à faire plus d’erreurs dans leur travail, leurs études ou leur vie de tous les jours, ce qui les faisaient sentir encore plus mal.
La différence était remarquable entre les binge watchers et le groupe de contrôle : les premiers avaient 98 % plus de chance d’éprouver des problèmes de sommeil que les autres! Et l’effet du manque du sommeil sur le corps est souvent beaucoup plus délétère qu’on ne le croit, avec des conséquences à long terme bien réelles sur la santé cardio-vasculaire, la santé mentale, le système immunitaire et la cognition, par exemple la faculté de prendre des décisions, de décoder l’information et de correctement prévoir ses actions.
L’effet sur le corps
Passer plusieurs heures à regarder la télé chaque jour, en plus du travail et/ou des études, des tâches du quotidien et de tout le reste, ça laisse bien sûr peu de place à l’activité physique!
Une autre étude, menée celle-là auprès de 500 étudiants de l’Université BYU en Utah, a clairement établi un parallèle entre le visionnement en rafale et plusieurs habitudes considérées comme mauvaises pour la santé : manger du resto plus de 3 fois par semaine ou ne jamais consommer de fruits, par exemple. Le binge watching était de plus corrélé à l’obésité : en partie parce que manger devant une série qui nous captive nous rend moins sensible aux signaux de satiété de notre corps (et moins conscient de nos choix alimentaires) et en partie parce que le manque de sommeil provoque des changements dans la production des hormones leptine et ghréline, qui régularisent notre poids.
Même l’acte lui-même d’être assis devant Netflix suppose une inactivité inégalée : on n’a qu’à se rappeler qu’avant, il fallait se lever pour changer de chaîne ou éteindre le téléviseur. Maintenant, non seulement la télécommande fait ceci pour nous, mais Netflix commence à jouer le prochain épisode automatiquement, alors il n’est même plus nécessaire de bouger du tout. C’est un peu fou quand on y pense quelques secondes.
L’effet sur le cerveau
Passer plusieurs heures à « s’immerger » complètement dans une série augmente la difficulté d’en décrocher… Puisque nous vivons des émotions si fortes, ce n’est souvent pas facile de s’endormir par la suite, même lorsqu’on réussit à se coucher. Et regarder un écran le soir et la nuit, à cause du type de lumière bleue que celui-ci émet, perturbe également la production de mélatonine, donc le rythme circadien ou l’horloge biologique du corps.
Finalement, le visionnement en rafale s’apparente à tout autre mécanisme addictif… Il y a d’abord un « high » puisque le cerveau produit de la dopamine, mais celui-ci sera toujours suivi par un « down » s’apparentant réellement à la dépression, parce qu’on a perdu beaucoup de temps, qu’on n’aura pas une bonne nuit de sommeil, qu’on n’a pas accompli nos autres tâches ou tout simplement parce qu’il n’y a plus d’épisodes à regarder! « Notre corps ne fait pas de distinction entre ce qui lui apporte un certain plaisir. Il est possible de devenir accro à n’importe quelle activité ou substance qui produit de la dopamine, » explique la psychologue Renee Carr, qui s’est intéressée au phénomène. Constamment rechercher ce type de « high » temporaire enclenche un autre cercle vicieux qui a pour effet de rendre le fonctionnement normal du cerveau de plus en plus difficile.
Les données de Netflix
L’utilisateur typique de Netflix qui commence une série finit habituellement la première saison de celle-ci en une semaine ou moins. Ceci suppose d’y consacrer environ 2 heures quotidiennement. Et ce ne sont pas uniquement les membres des générations Z, Y et X (15 à 50 ans) qui sont affectés : de plus en plus de personnes âgées s’adonnent également à cette pratique.
Selon la plateforme américaine, ce sont les séries d’horreur et les thrillers (par exemple Breaking Bad, The Walking Dead, American Horror Story et The Fall) que les gens visionnement en rafale le plus, c’est-à-dire 2,5 heures par jour en moyenne. Apparemment, ces séries vont faire ressortir des émotions particulièrement fortes chez les spectateurs –et que celles-ci, tout comme les histoires de fantômes autour d’un feu de camp, suscitent une réaction primale de peur et d’envie d’en savoir plus à part égale!
Les séries qui sont terminées plus lentement : les intrigues politiques, les drames historiques ainsi que les comédies plus « sophistiquées ». Les employés de Netflix croient ainsi que ce type de contenu demande aux spectateurs de « prendre une pause entre les épisodes pour respirer et digérer le tout ».
Quoi faire?
Le Dr. Dasguspta ne prône pas d’arrêter de regarder ses séries préférées! Il est lui-même un utilisateur actif de Netflix et il croit que ce « plaisir coupable » apporte quelque chose d’intéressant dans la vie, ne serait-ce que de créer des interactions sociales en en parlant avec les gens autour de nous! Mais le chercheur croit fermement que c’est important d’établir des limites. En décidant d’avance combien de temps à consacrer à la télé chaque soir et évidemment, en respectant cette limite.
Mais comment? Il y a plusieurs petits trucs pour y arriver, par exemple désactiver la fonction de Netflix qui commence automatiquement le prochain épisode d’une série. Il est également possible de prévoir une alarme sur son téléphone, qui indique lorsque le temps est écoulé et/ou lorsqu’il est l’heure d’aller se coucher.
Le meilleur truc serait probablement d’arrêter un épisode lors d’un moment « tranquille » au milieu et non à la fin lorsqu’il y a souvent un certain suspense! Si c’est possible, c’est de plus une bonne idée de réserver le visionnement en rafale aux journées de fin de semaine (avant 18 heures), plutôt qu’aux soirées de semaine.
Un autre moyen de le faire de manière plus raisonnable est aussi de changer ses habitudes! Par exemple en s’inscrivant à des cours le soir plutôt que de rester à la maison ou encore en allant au gym à la place. Selon Renee Carr, la clé pour « s’en sortir » est de trouver d’autres sources de plaisir -ailleurs que devant la télé.
Aller au lit vers la même heure chaque soir reste probablement l’une des meilleures habitudes à prendre pour la santé, puisqu’elle aide le corps et l’esprit à se donner un « rythme » et améliore habituellement de beaucoup la qualité du sommeil. Bonne chance les binge watchers!
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