Alors que beaucoup de parents font des efforts pour offrir les meilleurs jouets et gadgets imaginables offerts sur le marché, il existe pourtant une philosophie qui va complètement à contre-courant. En effet, de plus en plus de familles choisissent d’élever leurs enfants sans leur fournir tous ces jouets que beaucoup croient indispensables au bien-être et au développement global. Mais quelles sont les raisons invoquées pour ne pas « gâter » leurs enfants de la même manière que la plupart des autres parents? Et surtout, est-ce que l’absence de jouets peut nuire aux enfants?
Pas de jouets : pourquoi?
Dans nos sociétés occidentales, où l’on mesure souvent notre valeur à notre réussite sociale, il semble parfaitement aberrant que des personnes qui auraient les moyens d’acheter à leurs enfants tout ce qu’ils désirent (ou presque) choisissent de ne pas le faire. Alors que l’on se montre souvent plus compréhensif envers les familles à faible revenu qui ne peuvent pas se permettre de grosses dépenses, les parents de la classe moyenne qui préfèrent ne pas acheter beaucoup de jouets à leurs enfants sont pointés du doigt, voire jugés par leurs pairs.
Pourtant, les moyens financiers sont souvent parmi les dernières raisons invoquées par ces parents qui décident d’élever leurs enfants autrement, c'est-à-dire sans (ou avec très peu de) jouets. Voici certaines de ces raisons :
- Se distancier des diktats de la société et du marketing.
- Éviter la consommation à outrance.
- Favoriser des formes de jeux traditionnelles, en famille.
- Éviter l’encombrement et le désordre.
- Préférer les jeux et jouets usagés, pour des raisons éthiques et/ou environnementales.
- Ne choisir que quelques jouets d’excellente qualité qui sont fabriqués de manière responsable et écologique (pas par d’autres enfants dans un lointain pays qui n’ont pas, eux, le loisir de jouer, car ils travaillent déjà!)
- Encourager davantage les jeunes à utiliser leur imagination.
Un enfant sans jouets est-il vraiment malheureux?
C’est un fait reconnu et expliqué par de nombreux spécialistes de l’enfance : les jeunes apprennent tout par le moyen du jeu. Ils apprennent à se comporter en société, à résoudre des problèmes, à se distraire, et à forger leur caractère. Il n’est donc pas question ici d’empêcher les enfants de se développer à leur rythme et à leur manière. Toutefois, il est faux de croire que seuls les jouets colorés et dispendieux offerts sur les tablettes des grands magasins peuvent les aider. Nous avons tous expérimenté ces fameuses fêtes d’anniversaire durant lesquelles le jeune enfant oublie en 2 secondes le jouet… pour lui préférer son emballage!
Ainsi, n’importe quoi peut faire office de jouet… à condition d’y ajouter un peu de magie et d’imagination!
Les avantages de cette manière de vivre
Bien sûr, il est hors de question de faire de nos enfants des adultes avant l’âge. L’enfance est le royaume du jeu et des découvertes. Et justement, les parents qui choisissent de limiter le nombre de jouets commerciaux dans leur foyer affirment que cela est accompagné de plusieurs points très positifs. Ainsi, ils assurent que leurs enfants :
- sont plus créatifs : ils inventent toutes sortes de vocations à des objets de la vie usuelle; ils fabriquent eux-mêmes des jouets au moyen de ce qu’ils trouvent; ils parviennent à s’occuper pendant des heures avec de petites choses.
- apprennent à prendre mieux soin de leurs choses : la petite fille qui n’a qu’une seule poupée et pas 18 y fera plus attention.
- développent plus facilement des jeux artistiques : musique, jeux de rôles, peinture, dessin, bricolage, construction, etc.
- apprennent à persévérer : lorsqu’ils veulent construire un château en blocs, par exemple, et n’y parviennent pas du premier coup, les enfants qui ont beaucoup de jouets auront tendance à tout « envoyer valser » pour prendre un autre jouet, alors qu’un jeune qui n’a pas beaucoup d’autres options essaiera encore et encore, jusqu’à ce que sa construction lui semble parfaite.
- partagent plus facilement : dans une famille qui n’autorise que quelques jouets de base, les enfants comprennent vite que s’ils partagent, ils auront accès à plus de choses. Au contraire, lorsque chaque enfant possède des tonnes de choses, ils ont tendance à définir « leur territoire » et à empêcher les autres enfants (fratrie, visiteurs) de toucher à leurs affaires.
- sont plus souvent à l’extérieur : il y a des dizaines de choses à découvrir lorsqu’on joue dehors. Les plantes, arbres, insectes et autres bibittes sont une source infinie d’émerveillement.
- apprennent que les plus beaux moments de leur vie ne sont pas liés aux biens matériels.
- sont moins égoïstes : un enfant qui a tout ce qu’il désire a souvent tendance à être plus ingrat, à ne plus remercier ni apprécier ce qu’il a.
- connaissent la valeur des choses : on ne parle pas tant ici de la valeur monétaire (mais ça peut jouer) que de la valeur sentimentale d’un jouet. Si l’enfant a attendu de longs mois, jusqu’à Noël ou son anniversaire, avant d’obtenir le jouet qu’il voulait tant, il y sera d’autant plus attaché.
- lisent plus, et passent moins de temps devant les écrans.
- ne rechignent plus à ranger leur chambre parce que cela se fait très vite!
Il parait inconcevable d’élever un ou plusieurs enfants sans avoir au moins quelques jouets à la maison, mais la quantité et la sorte de jouets que l’on choisit peuvent faire une grande différence. On peut dépenser beaucoup d’argent pour des choses matérielles, mais tous les enfants préfèrent passer du temps de qualité avec leurs parents, jouer à des jeux de société en famille, imaginer des mondes fantastiques dans un coin du jardin, à condition, bien sûr, de ne pas être déjà conditionnés! Mais même là, il est possible, avec un peu de patience et d’explications adaptées, de leur prouver que leur bonheur ne se trouve pas dans les objets qui encombrent leur chambre et vident votre portefeuille. C’est d’ailleurs une valeur qui les suivra pour toute leur vie.
Et les inconvénients?
Du point de vue du développement global de l’enfant, il n’y a pas de réels inconvénients à n’avoir que peu de jouets, à condition que les moments de jeux nécessaires ne soient pas limités. En fait, les inconvénients sont surtout ceux que l’on se crée face au reste de la société : la peur du jugement, d’être catégorisé comme un mauvais parent, de devoir sans cesse expliquer ses convictions et les raisons qui poussent à aller à contre-courant.
Il se peut aussi que certains enfants ne comprennent pas pourquoi ils n’ont qu’un tout petit coffre à jouets, alors que leur voisin d’en face ne parvient pas à contenir ses choses dans sa chambre, le cabanon et sa salle de jeu. Ce n’est pas toujours facile d’expliquer certaines choses aux enfants, mais il y a toujours des moyens de leur faire comprendre, avec douceur et en utilisant des mots adaptés à leur âge, pourquoi tout le monde ne vit pas de la même manière. Peut-être que ce qu’ils trouvent injuste aujourd’hui leur apparaitra, dans quelques années, comme la plus belle valeur qu’on leur ait inculquée.
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie