On vit dans un autre monde depuis maintenant plus de 2 mois, celui de la pandémie de la COVID-19. On ne cesse de lire et d’entendre les mots «distanciation physique» et on répète à nos enfants de respecter cette fameuse distance, mais est-ce réaliste de faire une telle demande?
Le confinement pour les enfants
Dès le début du confinement, ma fille de 10 ans m’a confié qu’elle trouvait ça très difficile de croiser sa grande amie, qui demeure à deux maisons de chez nous, et de ne pas pouvoir jouer avec elle. Dans la rue, elle articule un timide «salut!», sans plus. Elle aime mieux lui parler au téléphone qu’à l’extérieur, ça lui fait moins mal…
Pourtant, mes filles ont déjà connu une certaine forme de confinement. Elles ont vécu un an sur un voilier, elles ont même passé près de 3 mois sans croiser d’autres enfants. Je m’étais questionnée à ce moment à savoir si je ne leur enlevais pas une partie de leur enfance. Par chance, avec 3 sœurs, elles étaient relativement autosuffisantes. Néanmoins, lorsqu’apparaissait un bateau avec de petites têtes à bord, on s’empressait d’aller à leur rencontre. Baignade, jeux de cartes, repas partagés, couture, dessins; les enfants, tout comme les parents étaient heureux de ces échanges avec d’autres humains…
Être confinés s’avère donc une chose, qui est d’autant plus facile lorsqu’on est en famille (même si certaines journées peuvent être bien plus difficiles!), cependant, amorcer un déconfinement et voir d’autres enfants sans pouvoir s’en approcher en est une autre. De là surgit mon questionnement par rapport aux deux mètres de distance. Évidemment, je comprends très bien le pourquoi. Je le respecte et je le répète inlassablement à mes filles. Toutefois, ça me brise le cœur de voir des enfants qui ne savent plus comment jouer les uns avec les autres. De quelle manière entre-t-on en contact avec l’autre lorsqu’on ne peut plus s’en approcher? À répéter sans cesse ces fameux mots : « deux mètres, éloignez-vous », on brise tout élan de spontanéité. Même moi, comme adulte, je dois me reprogrammer. On peut encore sourire, rire, en croisant nos voisins, mais on dirait que les discussions ne peuvent plus être les mêmes. Même avec la caissière à l’épicerie, un certain malaise s’installe. Il ne faut pas croire que les enfants ne ressentent pas la même chose que nous.
L’émergence de nouveaux jeux et de nouvelles façons de s’amuser
Heureusement, les enfants ont une capacité d’adaptation incroyable, et je vois dans le milieu de l’éducation que la créativité est sans borne. Il en va de même chez les gens qui œuvrent dans les camps de vacances qui se préparent actuellement pour un été avec une toute nouvelle formule. Des jeux sont inventés, une nouvelle façon de s’amuser va naitre. Malgré tout, les enfants vont-ils réussir à ne pas s’approcher les uns des autres? Même si l’on met des ronds et des X par terre, des flèches pour circuler, un endroit où s’assoir, est-ce que l’humain va réussir à ne pas frôler l’autre?
On le constate dans les ruelles, les rondpoints de ce monde, partout où les enfants ont l’habitude de jouer ensemble, le 2 mètres n’est pas respecté en tout temps, eh bien pas toujours… Ce qui veut dire finalement qu’il n’est pas respecté! Évidemment, la plupart des jeunes connaissent la consigne. Toutefois, il y a un moment où le jeu gagne en intensité. Et voilà, les enfants se croisent, se foncent les uns dans les autres…
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L’impossible distance entre les enfants
Avec le retour à l’école qui s’est amorcé, ceux qui assurent la surveillance durant les repas, tout comme dans la cour d’école, doivent répéter inlassablement «2 mètres, 2 mètres…» De façon générale, une fois assis en classe, lorsque les enfants sont captivés par leur prof, ils demeurent dans leur espace assigné. Dans la cour, avec un jeu dirigé, il en va de même.
Dans les camps d’été, ça sera probablement la même chose. Cependant, lors des moments de transition, lorsqu’on laisse les enfants à eux-mêmes, pourront-ils réussir à ne pas s’approcher de leurs meilleurs amis? Et s’ils réussissent, est-ce un réel signe de réussite? Allons-nous briser quelque chose dans notre cerveau, dans le leur? Je regarde des images d’enfants (d’une autre époque, on dirait!) dans un camp de vacances, qui s’amusent ensemble, qui mangent des guimauves autour d’un feu, qui se tiennent par le cou… La vie, ce n’est pas d’être à deux mètres de ceux que l’on aime. Mais, comment vivre dorénavant?
Pas de réponse, que des questionnements
Je n’ai pas de réponse, plutôt, beaucoup de questionnements. Peut-être doit-on repenser nos écoles, nos camps de jour, pour les transformer à l’image d’une fratrie : de petits groupes, où les enfants vivent à moins de deux mètres de distance les uns des autres, mais qui n’entrent pas en contact avec tous les autres? C’est un peu ce qui se passe actuellement dans les garderies. Et c’est ce qui va possiblement se passer dans les écoles. D’un autre côté, les enfants vont peut-être nous surprendre. Avec leur grande capacité d’adaptation, ils réussiront probablement à se modeler rapidement à ces nouvelles consignes et à développer de nouvelles habitudes; à reprendre contact avec l’autre, sans aucun contact. L’avenir nous le dira. En espérant que du positif ressorte de cette étrange nouvelle réalité et que les enfants puissent à nouveau, un jour, s’amuser simplement sans se soucier de cette fameuse distance...