Le déconfinement viendra. Bientôt, graduellement. Certains l’attendent avec impatience, d’autres le craignent. Il est difficile de penser à demain, mais lorsque nos pensées vagabondent un peu plus loin qu’aujourd’hui, il est difficile d’imaginer le monde d’«après» : après la période drastique du confinement, mais avant la disparation de ce satané coronavirus.
Affronter la peur
La peur s’est propagée plus rapidement que le coronavirus. Ce qui est d’ailleurs une bonne réaction face à une menace. La peur pousse à être vigilant, à rester chez soi. Elle contribue à ce que nous respections à la lettre les consignes associées au confinement et à la distanciation physique. Ceux qui ne partagent pas cette crainte nous dérangent. Nous avons l’impression qu’ils mettent la vie de la collectivité en danger. Depuis plus d’un mois, la solidarité est de mise. Même ceux qui ne partagent pas cette peur doivent tout de même agir comme si c’était le cas. La menace est réelle, on nous le répète jour après jour.
Mais cette peur ne nous quittera pas par magie lorsque notre gouvernement passera à la seconde étape.
La peur s’installe facilement et rapidement. Toutefois, elle ne nous quitte pas de la même manière. Elle est sournoise et s’infiltre partout au fin fond de nous. Elle est là, et attend le bon moment pour ressurgir.
On nous a dit que le virus pouvait se cacher un peu partout. Un rituel est dorénavant nécessaire pour simplement faire quelques emplettes : attente, lavage de main, flèches à suivre et… si on touche, on prend! (non, nous ne sommes pas obligés, mais, oui, quand même un peu, car notre voisin d’allée nous surveille du coin de l’œil!).
La distanciation physique est maintenant normale. En croisant des voisins, elle se fait naturellement. Si quelqu’un bouge, on le fait aussi. Une danse se crée de manière invisible, invisible comme ce virus.
Les enfants ont intégré cette nouvelle réalité dans leur quotidien. Les commentaires surviennent lorsqu’on ouvre la télévision. On aperçoit deux personnes assises l’une à côté de l’autre. «Maman, c’est une vieille émission?» Même pour mes filles, il est dorénavant anormal de voir deux personnes se toucher, voir se frôler un bras, s’ils ne font pas partie de la même famille. C’est vraiment étrange que ces pensées nous traversent l’esprit. Comment feront-elles pour réintégrer les bancs d’école? Peut-être que cela se fera tout naturellement? Lorsque les écoles ouvriront, c’est que la vie reprendra?
Car, le message se modifie depuis quelques jours. La situation est sous contrôle dans de nombreuses régions. Plusieurs pays commencent à mettre en place un plan de déconfinement. Le Québec possède l’avantage de pouvoir observer ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les gouvernements du Canada et du Québec pourront réagir si le déconfinement ne se déroule pas comme prévu.
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Éviter de développer une phobie sociale
Malgré tout, une période d’adaptation plus ou moins longue sera nécessaire, selon les individus, pour recommencer à vivre en société. Les troubles anxieux s’accentueront.
Un article dans Le Devoir titrait qu’après la pandémie, une épidémie d’agoraphobie serait possible. Depuis plus d'un mois, nos gouvernements nous ont demandé de nous isoler pour notre bien et le bien des autres. Les publicités tournent en boucle en nous mentionnant de rester chez soi pour sauver des vies. Le message s’est bien incrusté au fond de notre cerveau. Alors, comment imaginer prendre un bain de foule? Une étape à la fois, petit à petit, nous amadouerons l’autre.
Des expériences, concernant le stress, faites sur les rats démontrent que ceux qui ont subi une décharge électrique dans une pièce bleue replongent dans un état de stress s’ils sont à nouveau entourés de bleu, même s’il n’y a plus aucune menace. Ils devront y retourner plusieurs fois, afin qu’ils puissent à nouveau être calmes dans cette même pièce, sans revivre le stress associé à la décharge électrique. Et le nombre de fois nécessaire n’est pas équivalent pour tous les rats. Il en va de même avec les humains. Chaque être vivant a son propre rythme, il s'avère impératif de le respecter
Néanmoins, inévitablement, nous devrons réapprendre à faire confiance.
Mais, comment ferons-nous après tout ce qu’on a entendu, tout ce qu’on continue à entendre tous les jours?
Eh bien, nous n’aurons pas totalement confiance. Nous réapprendrons à vivre, une sortie à la fois.
Apprendre à vivre avec le virus
Nous réapprendrons à vivre et nous devrons apprendre à cohabiter avec le virus. D’autant plus que chaque jour, on nous rappelle qu’une menace d’une deuxième vague est bien réelle, que ce soit du côté de l’Organisation mondiale de la Santé que de nos gouvernements. On avance à tâtons. L’expression est régulièrement utilisée : on construit l’avion en plein vol. Et maintenant, on nous demande de sauter, sans savoir si les parachutes sont fonctionnels! J’exagère, mais si peu... On devra effectivement sauter dans le vide, sans avoir de réponses à toutes nos questions.
Mais, un peu comme ces petits rats qui ont appris à être à nouveau calmes dans la pièce bleue, on réapprendra à avoir confiance, à ne plus avoir peur, même si un individu entre dans notre bulle, ou tousse à quelques mètres de nous.
On devra accepter que nos enfants touchent à plein de choses et ne respectent pas toujours la distanciation physique. Qu’ils puissent ramener dans nos maisons un virus, comme c’était le cas avant. Mais, cette fois-ci, ça sera différent. Peut-être qu’on établira un protocole à l’entrée, comme le font plusieurs travailleurs actuels, dans le domaine de la santé, mais également tous ceux dans les services essentiels. Et petit à petit, notre vigilance diminuera. Peut-être même qu’on oubliera.
Conserver de nouvelles habitudes, en transformer d’autres
J’espère malgré tout qu’on n’oubliera pas complétement et que l’on se souviendra des réflexions que l’on a eues pendant le confinement. En effet, que restera-t-il de tout ça? Le plaisir d’être là tous les jours pour ses enfants et de vivre plus lentement? La découverte d’une nouvelle passion pour les semis et le jardinage? La soif de l’autosuffisance, entre autres avec la popularité folle pour les poules?
Lorsque la machine du travail repartira, certains milieux iront au ralenti, mais d’autres devront travailler deux fois plus pour rattraper le temps perdu. Est-ce qu’il restera du temps pour s’occuper du jardin et du poulailler?
Mon voisin me dit, de son côté de rue : «je commençais à vraiment aimer cette nouvelle vie.» Cette nouvelle vie, c’est la vie pendant le confinement : être à la maison à temps plein avec deux jeunes enfants pendant que sa conjointe fait du télétravail au 2e étage. Jouer au hockey dans la rue. Faire du vélo. Sûrement aussi s’impatienter par moment, parce que deux jeunes enfants, c’est demandant. Mais, c’est le propre des enfants, non? La vie pendant le confinement, c’est tout ce que l’on découvre lorsqu’on est 24 h/24 en famille, entre autres, que tout devient plus facile lorsqu’il n’y a plus rien qui presse.
Est-ce que la peur du déconfinement ne se situe pas aussi, un peu, dans la peur de retourner dans ce monde qui va trop vite? Car l’anxiété était également bien présente avant la pandémie. Ça aussi, il faut s’en rappeler.
Repenser le voyage, repenser la vie
Allons-nous nous souvenir des bienfaits que cet arrêt a produit à notre planète? Les avantages sont nombreux autant chez l’humain que chez les animaux. Ces derniers revisitent des endroits qu’ils avaient désertés; les pandas s’accouplent, enfin, car les humains les laissent en paix. Le ciel retrouve des teintes de bleu dans les endroits où la pollution le voilait toujours. On redécouvre le bonheur du silence et les chants des oiseaux.
Avec cette prise de conscience planétaire, pourrons-nous encore penser le voyage comme une forme de consommation ou allons-nous respecter l’environnement et diminuer nos déplacements?
Ce ralentissement planétaire forcé nous ouvrira peut-être sur une autre forme de voyage où la découverte se fait lentement, en évitant la cohue et les déplacements en avion. Nous prenons conscience que la surconsommation sous toutes ses formes, voyages et biens, n’a plus sa place. Pour nous protéger des virus, mais aussi pour protéger notre planète.
Après le confinement, la vie sous toutes ses facettes devra être repensée. La place que l’on accorde à nos ainés, comme la place que l’on accorde à nos enfants et… la place que l’on accorde à la vie, tout simplement. Durant ce confinement, nous avons développé la peur de l’autre, mais paradoxalement, nous avons également compris à quel point la vie sans l’autre est vide de sens. Peu importe l’endroit où l’on habite, la maison dans laquelle on vit, si elle est vide, elle ne peut nous apporter le bonheur. Aucune technologie ne peut remplacer le contact humain. Alors, même si le déconfinement ressemble à un grand saut dans le vide, on ne peut rester indéfiniment seul dans notre avion. Après l’instant quelque peu troublant de la chute libre, il y a ce moment, où l’on flotte dans les airs et où l’on réalise que ce qui nous effrayait tant peut aussi être apaisant. Une étape à la fois, on y arrivera!
Sources : Le devoir, stresshumain.com, La Presse