La vie de famille comporte des joies et bien des défis, et nous avons tous des périodes de questionnement quant à nos habiletés parentales. Pourtant, il est rare d’entendre quelqu’un dire qu’il regrette réellement d’avoir eu ses enfants. Est-ce parce que cela n’arrive pas ou plutôt parce que nous avons peur des conséquences qu’une telle prise d’opinion pourrait engendrer?
La puissance du tabou
Quand on entend certaines personnes affirmer qu’elles ne souhaitent pas avoir d’enfants, la grande majorité d’entre nous se révoltent et ne comprennent pas une telle affirmation. En effet, il semble naturel de nous reproduire : c’est ce que font la plupart des êtres humains depuis toujours et c’est d’ailleurs pour cela que nous sommes ici à débattre de ces opinions.
Toutes nos actions sont à double tranchant. Il y a du bon et du mauvais dans chaque situation et devenir parent ne déroge pas à cette règle. Oui, avoir des enfants est une expérience merveilleuse la plupart du temps, mais cela comporte aussi une infinité de défis, de choix difficiles, de sacrifices et de remises en question. Chez certaines personnes, ces points négatifs prennent le dessus et les poussent à regretter d’avoir fait comme tout le monde, d’avoir fait ce que la société attendait d’elles.
Alors, le malaise est encore plus grand lorsqu’une personne avoue qu’elle regrette d’avoir enfanté. Nous pensons immédiatement que c’est une chose horrible et que les pauvres enfants (même s’ils sont adultes) ont dû avoir une bien triste vie…
Les raisons des regrets
Pourtant, l’instinct parental n’est pas une chose innée chez tout le monde. Certains sont conscients de leurs limites et avouent volontairement qu’ils ne se sentent pas prêts ou aptes à mettre au monde des petits êtres sans défense qui dépendront entièrement d’eux. Les raisons pour cela sont variées : la crainte de voir sa vie changer, le désir de ne pas faire sa part dans une terre déjà surpeuplée, la peur de ne pas y arriver, d’être incompétents et pas à la hauteur de la mission, etc.
Même si l’on est très rapide à qualifier ces personnes d’égoïstes, il faut bien comprendre que nous avons tous une tolérance différente et une façon personnelle de faire face aux difficultés. Ce n’est pas parce que nous avons déjà des enfants qu’il nous est plus facile d’oublier les contraintes qui viennent avec ce contrat. « Il fallait y penser avant », diront certains, mais en étant parfaitement honnête, pouvez-vous affirmer que vous saviez réellement à quoi ressemblerait votre vie de parents avant de le devenir vous-mêmes? Rien ne nous prépare jamais à ce rôle, peu importe le nombre de livres que nous lisons sur le sujet et de spécialistes que nous consultons. Être parent ne peut s’apprendre que sur le tas, et parfois au détriment de ces jeunes que nous avons mis au monde.
Les regrets ne minimisent pas toujours l’amour
Pour autant, regretter d’avoir eu des enfants ne signifie pas que nous ne les aimons pas. Ce ne sont pas l’existence de ces êtres que ces personnes déplorent, mais plutôt tous les changements qu’ils ont occasionnés dans leur vie. Et l’on peut regretter un manque de liberté dans l’absolu, sans pour autant négliger le bien-être et le cheminement de nos enfants.
Le contraire est aussi vrai : nous connaissons tous des personnes qui affirment adorer leur progéniture et ne vivre que pour eux, et qui pourtant semblent vivre leur vie comme s’ils étaient encore seuls et sans attaches.
L’important ici consiste à ne pas juger les personnes d’après leurs paroles, mais plutôt d’après leurs actions au quotidien. Si quelqu’un se sent assez proche de vous pour avouer qu’il ou elle regrette d’être parent, tout en accomplissant sa tâche du mieux possible, n’est-ce pas là déjà une preuve de maturité face à de trop nombreuses personnes qui ont des enfants « parce que c’est normal » et qui les délaissent, ou pire, les maltraitent? Certains parents ont aussi des enfants très difficiles et les soins qu’ils doivent leur apporter les découragent. Pour ça non plus, ils n’étaient pas préparés.
Quand c’est trop tard…
Évidemment, une fois posé ce constat que l’on aurait été plus heureux sans enfants, il est nécessaire de vivre avec les conséquences de nos choix. On ne peut pas renvoyer un enfant au magasin avec la facture et choisir un autre article à la place!
L’important consiste ici à s’assurer que, quelles que soient nos prises de position intérieures, elles ne nuisent pas au développement de ce jeune qui, lui, n’a pas choisi d’être là. Les embûches de la vie parentale seront toutes aussi nombreuses, et parfois encore plus difficiles que pour les personnes qui sont ravies de leur situation de parents, mais elles sont surmontables. Il est primordial de ne pas laisser transparaitre (ou le moins possible) nos regrets et nos questionnements parce que cela ne changera pas la situation… Par contre, cela pourrait bien changer l’estime de soi et l’avenir de cet enfant.
Et la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un dire qu’il ne veut pas d’enfants, plutôt que d’écarquiller les yeux et froncer les sourcils en le traitant de fou et d’égoïste en pensée, dites-vous plutôt (et dites-lui aussi) que non, nous ne sommes pas tous des parents dans l’âme, et que son opinion prouve qu’il ou elle a déjà atteint une certaine maturité humaine qui fait défaut à de trop nombreux parents…
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie