Vous avez sûrement vu ça passer dans les médias ou sur vos réseaux sociaux : la semaine dernière, Maripier Morin s’est confiée au Journal de Montréal au sujet de son combat contre l’obsession d’avoir un corps parfait.
Évidemment, les réactions de toutes parts n’ont pas tardé à venir et elles n’étaient pas très tendres envers l'animatrice. Certains commentateurs criaient au scandale : « Ô, mais comment la jeune star OSE-T-ELLE se plaindre, alors qu’elle est l’une des plus belles femmes du Québec? Quel exemple montre-t-elle à la jeunesse? », demandaient-ils.
Le plus gros problème dans cette histoire, c’est la réaction des gens qui n’ont rien compris au sérieux des troubles dysmorphophobiques. Ainsi, on est en droit de se poser la question à notre tour : Quel exemple ces gens méga frus contre Maripier montrent-ils à la jeunesse en réagissant ainsi? Et si c'était leur fille, que diraient-ils?
Avant de continuer, soyons clairs : je ne prétends pas être spécialiste en santé mentale, et loin de moi l'idée de coller un diagnostic officiel à Maripier. Mais quand j'ai entendu parler de cette histoire, j'ai tout de suite pensé à la dysmorphophobie.
De kessé? La dysmorphophobie est un trouble psychologique lié aux troubles obsessionnels compulsifs, qui se caractérise par le fait qu’un défaut physique (imaginaire ou mineur) est amplifié et crée une honte ainsi qu'un mal-être très réel chez quelqu'un, au point tel où il perturbe sa façon de vivre.
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Ce que soulève Maripier est important, peu importe les origines de ses insatisfactions, et on doit saisir l'occasion d'adresser ce genre de problèmes de déformation de la perception de soi. Ce genre de troubles est bien réel et des millions de personnes en souffrent sous une forme ou une autre, dont peut-être quelques personnes dans votre entourage. Voilà une excellente occasion de le démystifier.
Non, être mal dans sa peau, ce n’est pas qu'un caprice de star. Ce n'est pas réservé à ceux et celles qui « ont de bonnes raisons d'être insatisfaits » non plus. Certaines femmes splendides sont profondément malheureuses face à la réflexion qu’elles perçoivent dans le miroir, pour toutes sortes de raisons, et ce n’est pas en les jugeant et en exprimant du mépris qu’on va les aider à s'en sortir.
Ce n'est pas non plus en leur criant de se taire qu'on va leur donner un coup de main. Au contraire, on risque de leur nuire et de les isoler encore plus avec leur problématique, en délégitimisant ainsi leur réalité.
Et pourtant! Nous voilà en 2020 en train d'enlever à quelqu'un le droit d'avoir le mal dont il souffre. Quel manque d'empathie des plus désolants pour notre collectivité...
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Certains blâment Maripier d'offrir un tel témoignage, alors qu'elle est constamment surexposée en petite tenue. Imaginez à quel point ça doit justement être une préoccupation constante dans son cas.
C'est pourquoi c'est encore plus pertinent qu'une femme qui connait du succès devant la caméra puisse s'ouvrir afin qu'on sache ce qu'elle ressent pour vrai, de l'autre côté du miroir. Comme quoi on ne sait pas ce que les gens vivent en dedans, même sous les feux de la rampe.
Des simples complexes « courants » aux troubles de santé mentale plus sérieux, peu importe ce qu'on en pense de l'extérieur, le problème est beaucoup plus compliqué que ne peut l'exprimer un émoji de bonhomme fâché sur Facebook.
Comment devons-nous accueillir les confidences que Maripier a exprimées? Tout d'abord, en soulignant son courage. Il serait très facile pour Maripier de faire semblant qu'elle n'a pas de souci. Elle décide plutôt de s'ouvrir et de montrer aux autres personnes qui souffrent de problème d'image de soi qu'elles ne sont pas seules. Juste d'identifier une problématique, c'est déjà un grand début pour la résoudre.
Ce n'est certainement pas en lui disant de se taire et d’être belle qu'on va faire avancer la cause. Dire à Maripier qu’il faut arrêter de se plaindre le bec plein, ce n'est qu'exprimer un certain mépris, une touche de jalousie et un nuage d'ignorance. C'est petit, indigne et imbuvable.
Maripier peut avoir des problèmes de perception de soi, malgré un corps que vous jugez parfait. Ce genre de troubles ne discriminent pas selon vos critères ou sur qui « les mérite » à vos yeux.
Prenez l'anorexie en exemple : c'est une maladie qui altère la perception de la forme et de la taille du corps. Il s'agit d'une peur intense de prendre du poids, qui n'est généralement pas soulagée par la perte de poids. On n'ira pas recommander à une personne obèse de devenir anorexique pour maigrir. Non seulement ce serait absurde et dangereux, ce n'est pas comme ça que ça marche. Le physique de la personne a parfois très peu à voir avec la perception qu'elle s'en fait.
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Alors pourquoi empêcherait-on Maripier de vider son sac? Les gens vont même jusqu’à dire qu’elle a la responsabilité d’être bien dans sa peau, afin de servir de modèle à la jeunesse. Et si elle était justement un modèle grâce à sa prise de parole?
Parce que des jeunes qui correspondent aux critères de beauté de notre société et qui sont mal dans leur peau, ça existe. Ce n'est pas réservé aux gens « moins beaux », « moins si, plus ça »... Ce sont des troubles très personnels, et nul n'a de mot à dire sur qui ils touchent.
Et si vous êtes simplement tanné de voir Maripier partout, alors là, c'est un autre sujet. Et ce n'est pas non plus une raison d'ignorer ce qu'on peut apprendre de ses confidences.
La leçon que nous apprend cette histoire? Il ne faut surtout pas juger de ce qui se passe en dedans d'une voiture par sa carrosserie.
Alors, mais pourquoi (!) ne profite-t-on pas de cette occasion pour trouver, ensemble, comment être plus doux envers ceux qui font preuve de courage, tout en laissant un peu de côté nos idées préconçues et en tendant l'oreille?
Quand quelqu’un exprime un trouble sérieux qui affecte sa qualité de vie, notre opinion à savoir s'il « devrait » avoir ce problème est carrément improductive.
On n'est pas nécessairement obligé d'avoir une opinion sur le corps... Ou sur ce qui se passe dans la tête d'autrui non plus.
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