Ils ont été créés pour vous soulager. Mais, pour certains, les médicaments deviennent une véritable béquille au même titre que l'alcool ou les drogues. Dépendants, ils ne peuvent plus s'en passer, à moins de se retrouver en cure de désintoxication.
« L'abus des médicaments d'ordonnance peut être plus dangereux que l'abus des drogues illicites, affirment, dans un rapport datant de 2007, les experts de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), un organisme qui relève des Nations unies. Plusieurs médicaments ont des effets analogues aux drogues vendues sur le marché noir. Certains présentent même des risques de surdose. »
L'OICS identifie certains types de médicaments qui, utilisés abusivement, peuvent créer une dépendance. Il s'agit de produits qui combattent :
- l'anxiété;
- l'insomnie;
- la rhinite;
- la dépression;
- la douleur, dont ceux à base de codéine, de dihydrocodéine, de dextropropoxyphène, de tramadol et de morphine, entre autres.
Accros?
Certes, ces médicaments sont prescrits pour soulager les patients aux prises avec des problèmes de santé physique ou psychologique. C'est leur rôle premier. Mais, chez certains, la consommation dépasse largement la dose prescrite.
Des médicaments, plus facilement accessibles, sont parfois utilisés comme produits de substitution. Par exemple, la pentazocine est la deuxième drogue la plus couramment injectée au Nigéria. En Inde, la buprénorphine est la substance la plus fréquemment consommée par injection. Elle fait également l'objet de trafic et d'abus en France et en Scandinavie.
Qui plus est, ces « drogues » sont accessibles. Selon l'OICS, le nombre de prescriptions d'analgésiques, de stimulants, de sédatifs et de tranquillisants a presque doublé entre 1992 et 2003 aux États-Unis, passant de 7,8 à 15,1 millions annuellement. Et la tendance demeure à la hausse. Chaque année, 56 000 personnes sont hospitalisées, chez nos voisins du Sud, pour des surdoses de médicaments dont certains sont offerts en vente libre.
Les risques
Les analgésiques, les stimulants, les sédatifs et les tranquillisants demeurent en tête de liste des médicaments potentiellement dangereux. Non seulement sont-ils disponibles en pharmacie, mais ils le sont également sur le marché noir. Pire, ils comptent parmi les médicaments contrefaits les plus accessibles, via Internet. Or, ces derniers présentent un danger pour l'utilisateur. Les doses varient d'un comprimé à l'autre. Les risques de surdose sont donc omniprésents. Qui plus est, les éléments qui entrent dans leur fabrication sont parfois nocifs pour la santé.
Qu'ils soient de qualité ou contrefaits, ces médicaments consommés en grande quantité peuvent entraîner la dépendance, et même la mort.
Accoutumance ou dépendance?
Il convient ici de bien définir la dépendance versus l'accoutumance.
L'accoutumance
L'organisme du patient développe une tolérance face au médicament prescrit. Pour obtenir le même effet bénéfique, le professionnel de la santé devra augmenter la dose.
La dépendance
La dépendance, elle, s'observe à l'arrêt ou à la réduction du traitement. Elle se traduit par des réactions de sevrage :
- nervosité;
- fatigue;
- tremblements;
- difficultés de concentration;
- nausées;
- parfois, les symptômes de la maladie réapparaissent.
Il existe également une dépendance psychologique. Le patient craint alors les conséquences de l'arrêt de la médication. Ce faisant, il décèle, ou accentue involontairement, des effets de sevrage et réclame le retour à la médication. Danger!
L'arrêt d'un traitement
La décision de cesser un traitement doit être prise en commun par le médecin et le patient. L'arrêt doit se faire progressivement, en réduisant les doses, de façon à éviter les risques d'effets secondaires. Les conditions doivent aussi être favorables, en vacances, par exemple. Le patient doit également signaler tout symptôme de dépendance physique ou le retour de la maladie traitée.
Le patient doit s'attendre à un certain inconfort. Toutefois, il sera nettement moins présent que les effets du sevrage, lors de dépendance sévère.
Une pilule, une petite granule
Les personnes qui subissent de la douleur ou qui vivent des événements difficiles se tournent de plus en plus vers la médication, pour soulager leurs maux. En fait, la génération actuelle consomme plus de médicaments que la précédente. Et ces derniers sont plus accessibles, via des régimes publics ou privés d'assurances.
En 2007, par exemple, le nombre d'ordonnances pour des médicaments antidépresseurs a augmenté de 15 % au Québec. En chiffres absolus, près de 6 millions d'ordonnances ont été délivrées, pour une population d'environ 7,5 millions d'individus, à la même époque.
La tendance est particulièrement inquiétante chez les jeunes. Entre 2003 et 2008, le nombre de prescriptions d'antidépresseurs aurait fait un bond de 196 % chez les moins de 19 ans.
Pourquoi?
La réponse est à la fois simple et complexe. Les gens sont de mieux en mieux informés de la « puissance » et des effets bénéfiques des médicaments. Les découvertes des dernières décennies ont permis de créer des produits précis pour soulager des symptômes bien ciblés. De plus, la tolérance à la douleur semble à la baisse chez les humains. Les victimes se précipitent vers le cabinet du médecin pour obtenir du soulagement. On trouve même des analgésiques puissants en vente libre, dont certains peuvent créer une dépendance s'ils sont consommés en grande quantité.
Quel que soit le médicament, la prudence est donc de mise. Vous ne voulez sans doute pas vous retrouver aux prises avec une dépendance à des substances tout à fait légales ou, pis encore, à des produits que vous retrouvez facilement sur des tablettes des pharmacies.
Henri Michaud, rédacteur Canal Vie