Si vous n’étiez pas caché dans une caverne dans les derniers jours, vous êtes probablement au courant que Noémie D. Leclerc (malheureusement connue sous le nom de « la blonde d’Hubert Lenoir ») arborait un sein nu lors du dernier Gala de l’ADISQ.
Quoi!!! Une femme consentante qui s'affiche en partie lors d'une sortie extravagante? On aura tout vu. Mais dans quel monde vit-on? Rien de moins qu'un monde envahi par les mamelles et leur agenda naturiste, si on se fie à la stupeur qu'on peut lire sur le visage choqué de trop de nos contemporains...
On s'est donc questionné sur la raison pour laquelle on capote collectivement dès qu'une femme brave l'opinion publique et expose ses seins. Qu'est-ce qui explique qu'on a un problème avec ces attributs féminins?
Mais ne vous évanouissez pas, s’il vous plait. Du moins, pas avant d'avoir fini de lire l'article. Vous êtes en sécurité, aucun sein ne s'est glissé dans cet article. Sauf celui-ci. Et l'autre d'après. Pis les autres... C'est tout. Ça va bien aller.
Karine Paradis
*Mention spéciale à la nouvelle dentition d'Hubert en hommage aux joueurs de hockey ainsi qu'à sa caméra vidéo en guise d'accessoire mode rétro.
Les seins de Noémie D. Leclerc... et ceux d'Hubert Lenoir
L’article qu'a écrit l'équipe d'enVedette au sujet de ce boob-gate cette semaine a brisé tous les records annuels de pages vues à l’interne. Tout ça, pour un sein. Et pourtant, le chum de Noémie D. Leclerc (aussi connu sous le nom d’Hubert Lenoir) avait, lui aussi, le sein en processus d’aération.
Mais personne n'en a fait un plat, des tétines d'Hubert (sauf ceux qui chialent sur lui dès qu'il se gratte le lobe d'oreille, on s'entend). C'est le sein de Noémie qui a fait rager les internautes.
Bien que je puisse comprendre le malaise de faire face à la vue d'un sein à l'extérieur de la sphère intime pour les héritiers de la culture judéo-chrétienne que nous sommes, je pense qu'il est important de ne pas tomber dans la lapidation de celles qui font le choix de se vêtir en boules. Bien sûr, si ma collègue se présente au travail topless demain, je vais être estomaquée devant son courage de braver la température ambiante du bureau (frette) et je ne saurai pas trop où regarder.
Je comprends aussi qu'on ne veut pas que la gardienne des enfants enlève son chandail en plein milieu du salon pendant qu'ils regardent La reine des neiges.
Pourtant, je n'ai pas non plus d'envie particulière de voir n'importe quel gars sans chandail en pleine rue, mais je réussis quand même à vivre avec le fait que plusieurs le font, sans créer de scandale, et qu'aucun de ces gars ne ressemblent à Antoni de Queer Eye.
Mais peu importe notre degré de pudeur, le déversement de haine envers les femmes qui s'assument et osent s'exposer plus que les autres m'inquiète et doit être dénoncé. C'est comme si beaucoup de gens avaient une petite crotte sur le coeur freudienne, qui pouvait enfin s'exprimer à la vue d'une femme qu'on juge trop sexy pour son propre bien.
Les insultes gratuites pleuvent alors : « pute », « pétasse », « grosse conne », « épaisse »... Les mêmes gros mots qu'on dirigeait vers la fille en secondaire 2 qui avait frenché plus de gars que nous.
Mais peu importe notre fiel intérieur, les seins féminins sont parmi nous, et ils sont là pour rester. Comment cohabiter avec eux, dans le respect de tous? Pas évident, je sais! Et pourtant, il y a moyen de ne pas tomber dans la dégradation et l'insulte dès qu'un bout de sein ne fait pas notre affaire. C'est la moindre des choses. Mais ça semble ben, ben difficile.
On va se le dire : nous sommes constamment entourés de seins. À peu près 50% de la population en a, en aura ou en ont déjà eu. Il faudrait, au minimum, accepter leurs multiples fonctions et ne pas les voir comme une arme de destruction massive dès qu'une femme expose trop de peau à notre goût...
Le jugement des femmes, plus dur que celui des hommes?
Look du jour avait justement écrit un article au sujet des seins nus dans les parcs aquatiques l’été dernier, qui a suscité des commentaires dénigrants envers les femmes qui oseraient enlever leur haut de maillot. Le pire dans tout cela : les propos insultants provenaient surtout... de femmes. Mesdames, faut qu'on se parle.
Une étude réalisée par Ifop démontre que les femmes seraient plus choquées par la nudité que les hommes. D'après les résultats de l'enquête, 14% des répondants de sexe masculin se disent dérangés par la vue de seins nus à la plage, contre 29% des femmes. Quand on les questionne au sujet de la nudité intégrale, on grimpe à 39% de la gent masculine contre 70% pour les répondantes. Hum...
Personnellement, j'aime beaucoup le port du vêtement et ce, pour une multitude de raisons, telles que la mode ainsi que le risque grandement réduit d'engelure en hiver. Il faut dire que je me pose quand même de sérieuses questions sur la relation des Québécois avec les seins... Et encore plus envers les démones qui osent les montrer ou, pire encore, qui s'en fichent de votre opinion.
Quand on pense que les règles sont encore tabou dans notre société, disons que ce n'est pas si surprenant que le corps des femmes soit encore sujet à débat.
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Des seins, des seins partout!
Quand c’est pour sensibiliser les gens au financement de la recherche pour le cancer du sein, tout va bien, on voit la vie en rose, on aime les seins. En tout cas, tant que personne ne les voit.
Mais demandez aux femmes qui allaitent en public comment ça se passe pour elles en général. Quand on ne les dévisage pas, il n'est pas rare qu'on leur demande d’aller se cacher comme si elles devaient avoir honte de nourrir leur enfant lorsqu’il a faim.
Heureusement, certaines femmes ont le sens de la répartie, comme vous pouvez le voir sur cette photo d'une femme qui a accepté de se couvrir... la tête.
Pendant qu'on se demande si une mère peut allaiter en public, les bars de danseuses sont omniprésents dans la plupart des régions du Québec; c'est presque un rite de passage pour les hommes d'y aller. Je serais curieuse de connaître les chiffres, mais on se doute bien que ces bars sont très, très rentables. Ce n'est probablement pas seulement à cause du 2 pour 1 sur le spagat le jeudi soir que cette industrie génère tant de revenus. Pourtant, personne ne s'enrage en pensant à des femmes rémunérées pour s'exposer les girls en servant des ailes de poulets BBQ.
Les seins sexualisés, donc, ne choquent plus personne, puisqu'on en trouve pratiquement à chaque coin de rue. La pornographie, quant à elle, offre un buffet à volonté d'images de seins et autres parties cochonnes du corps des femmes. Mais une mère qui nourrit son enfant, par contre... Wo les moteurs la guédaille!
Peut-être que les nouvelles mamans devraient simplement aller allaiter dans un club de danseuses pour avoir la paix?
Une question de culture?
Les seins des femmes sont très sexualisés dans notre société. Allez ailleurs et la perspective varie soudainement. Les Scandinaves vont au sauna nus, sans être choqués des corps des autres ou même complexés du leur. Pour la majorité d'entre eux, les parties qu'on juge « intimes » sont des parties du corps comme les autres. Peut-être pas exactement comme un coude, mais il n'y a pas de quoi ricaner en pointant la vieille madame avec ses seins qui tombent, ni la slutshamer. Olga, elle est juste bien et heureuse d'être en vie à suer sa vie, et tout le monde autour d'elle est content d'être content.
Bien sûr, les seins féminins sont plus associés à l’érotisme que ceux des hommes. Mais la sexualité est-elle une si bonne raison de mépriser une partie de quelqu’un?
Les hommes hétérosexuels sont souvent ceux qui réagissent le plus fortement biologiquement à la vue d’un décolleté; on dirait qu’ils ont un radar détecteur de seins, sans blague!. Pourtant, ils ne semblent pas trop se plaindre d'un petit bout de sein, ni sauter dessus. On salue d'ailleurs tous ceux qui comprennent la différence entre regarder, fixer de manière malaisante et toucher sans demander.
Sauf qu'il y a aussi les « pas-vite-vite », qui commentent sous les articles pour dire « pis qu’elles viennent pas brailler si elles se font agressées après ça! ». Soupir...
Outre ces hommes fragiles, c’est généralement les femmes qui sont particulièrement hargneuses envers les seins des autres. Insécurités avec leur propre corps, haine de soi, jalousie, peur que leurs conjoints déguerpissent avec l'une de ces sorcières tentatrices, phobie que leurs enfants apprennent que les seins font partie de la biologie humaine et deviennent des maniacs... Voilà quelques pistes pour éclaircir ma compréhension, sans jamais vraiment saisir les motivations de ces femmes qui détestent les seins des autres femmes et peut-être même les leurs.
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J’ai même un petit exemple personnel. L’été dernier, j’ai commandé une robe sur internet. Comme tout bon achat sur le Web, il s’est avéré que la réalité n'était pas vraiment à la hauteur des promesses de l'Interweb, et le buste était un peu trop grand, mais rien de trop grave. Une petite épingle à couche pour refermer le col en cache-cœur était tout de même nécessaire à mon confort boulesque. Mais entre le moment où j’ai mis la robe ce matin-là et le moment de l’achat des épingles, j’ai croisé une femme qui travaillait au supermarché, qui a dit sans gêne à l’agent de sécurité : « Coudonc, elle a sorti ses boules, elle! ».
Elle se trouvait tellement drôle, je ne savais pas que cette épicerie près du marché Jean-Talon engageait des humoristes pour trancher du simili-poulet (c'est gentil de leur donner une chance de percer). Le monsieur, lui, clairement heureux de mon achat en ligne, s’est rincé l’œil sur le centimètre en extra de peau sans trop m'écoeurer.
C'est cette employée qui a littéralement attiré le regard de son collègue sur le décolleté que je replaçais nerveusement sans importuner personne. Mais pourquoi cette femme a-t-elle sauté sur l’occasion de me boules shamer ainsi, en direct de la section des réfrigérateurs à fromage?
Le mépris. L'ennui. La tristesse. La colère. La haine du simili-poulet.
Lequel est le moins pire : le t-shirt de Gerry Boulet de Safia ou la boule fleurie de Noémie?
Depuis que le monde est monde, les seins choquent, dérangent, gênent. La pudeur est parfois de mise, mais la dégradation de celles qui s'exposent ne l'est jamais.
Et ce n’est pas juste au Québec qu’on constate qu’on est sans pitié envers les pècheresses qui auraient le malheur d’assumer leurs seins et de les porter en public.
Pensez à la réaction envers Janet Jackson lors du Super Bowl de 2004 versus Adam Levine en 2019. Vous allez me dire que Janet Jackson l'a fait pour provoquer... Eh oui! Et ça a marché. Ce qui, en soi, est une excellente source de réflexion au sujet de notre relation avec nos seins.
Pourquoi les gérants d'estrade des réseaux sociaux s'enflamment-ils autant contre les burkinis de ce monde que pour les t-shirts de Gerry et pour les nipple-gates? Paradoxal, non? C'est peut-être qu'ils sont des gens particulièrement à risque d'enflammabilitude.
Le problème est peut-être simplement que les seins des femmes sont trop beaux pour les yeux de certaines personnes. Ça brûle leurs rétines. Appelez un docteur, mais faites quelque chose pour apaiser leurs souffrances oculaires.
Parfois, il existe des situations où se couvrir est de mise, par exemple, lorsqu’il fait -40°C degrés dehors. Vivre avec cette peur des seins, tant ceux des autres que les nôtres, ce n’est pas sain pour personne. (Wow, quel jeu de mots incroyable auquel personne n'avait jamais songé!)
Dans un sens, si les gens vivent mal avec les seins, c'est leur problème. Mais c'est aussi le nôtre. Surtout pour les générations qui nous suivent et qui intègrent les malaises qu’on leur lègue.
Heureusement, les temps changent. Très, très lentement. Mais quand le marketing finit par suivre la tendance, c’est parfois signe que quelque chose se passe dans notre inconscient collectif. (...Et qu'il y a de l'argent à faire.)
Est-ce que j’ai espoir que les femmes qui désirent gérer leur poitrine comme celles des hommes pourront se promener en bedaine sur la rue lors de la prochaine canicule? Non. Est-ce que je vais moi-même me prémunir de ce droit? Probablement pas. Mais je pense assurément qu’il faudrait respecter les seins des femmes sans s'en offenser ou les considérer comme des dangers publics. On peut bien rêver, tsé...
D'ici là, on espère qu'un jour, des scénaristes écriront un film mettant en vedette une invasion de boob-zombies tentant de contaminer la planète entière, jusqu'à ce que toute vie sur Terre ne se transforme en téton-pocalypse. Ça va être vraiment bon, cette petite vue d'peur-là.