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Pendant les quatre dernières années, la Docteure, hématologue et oncologue Marie-Anne Archambault a accompagné Karl Tremblay dans sa bataille contre le cancer.
Aujourd'hui, avec l'accord de la conjointe et de la famille du chanteur des Cowboys Fringants, elle rend hommage au grand homme qui a façonné la musique québécoise dans une lettre ouverte transmise au Devoir.
Découvrez maintenant son texte puissant et touchant intitulé: «Karl, tu auras été un fringant jusqu’au bout».
Cher Karl, je peux enfin dire Karl et laisser tomber le Monsieur Tremblay officieux, car la relation thérapeutique qui nous liait est désormais terminée.
J’ai eu l’odieux, il y a presque quatre ans, de t’annoncer le diagnostic. Moi qui avais souhaité une maladie opérable pour rêver d’espoir, je n’avais comme nouvelles que la plus mauvaise d’entre les mauvaises : un cancer solide, métastatique. Une entrée dans un monde cauchemardesque sans issue envisageable. Tout au plus quelques années qu’on essaierait d’étirer le plus possible. Et pour cela, je savais que je devais t’envoyer te faire soigner par les meilleurs.
Et ces experts ont donné tout ce que la science a de plus corrosif et de plus puissant afin de freiner l’envahisseur que rien ne semblait effrayer. Ligne après protocole, tu as enchaîné les traitements entre les mains de ces soignants tous attachés à aider ce jeune et brave père que tu es. Et toi de tout affronter sans broncher, solide comme le roc.
Quand Marie-Annick m’a écrit l’été dernier pour me dire que tes médecins étaient en vacances et que tu souffrais, je me suis dit que j’essaierais du mieux que je peux de soulager et d’accompagner. Mais je dois avouer qu’à travers les chiffres issus des analyses de ton sang et les densités des images sur les écrans, je ne pouvais qu’appréhender ce qui allait suivre. A contrario, tu semblais en meilleure forme que jamais, rajeuni de dix ans avec les yeux pétillants de vie et de l’énergie à revendre. Et il n’était pas question d’arrêter la lancée des Cowboys ; le tsunami d’amour était déclenché et rien ne t’empêcherait de remonter sur scène.
Un bon recherchiste pourrait trouver que le prophète Pauzé avait écrit bien des années avant ton diagnostic la chanson La tête haute et même Ici-bas. Mais on ne s’étonnera pas quand on sait que ce même prophète Pauzé, notre Nostradamus fleurdelisé, avait écrit sur les pandémies et les feux dévastateurs plus de 20 ans avant que leurs crocs ne germent et envahissent notre quotidien (8 secondes, Plus rien).
Mais ce que personne ne trouvera jamais dans les archives journalistiques, c’est que tu as chanté La tête haute et Ici-bas pendant plus de deux ans en connaissant ton diagnostic alors que le public qui t’applaudissait n’en savait rien. Que tu as chanté anémique, souffrant, négociant le meilleur timing pour tes traitements afin de privilégier ton horaire de spectacles et de respecter ton public. Ce que personne ne saura, c’est que tu as subi les affres de ce que la médecine moderne peut entraîner, des effets secondaires défigurants et des complications les plus saugrenues. Et toujours ton sourire indélogeable pour affronter toutes ces avanies, et cet espoir de remonter sur scène, encore et encore.
Simone et Pauline doivent savoir combien leur papa est courageux, comment il acceptait biopsies, radiothérapie et chimiothérapie sans rechigner simplement pour être là plus longtemps et les voir grandir. Et je peux témoigner t’avoir vu en traitement la veille et le lendemain de grands spectacles, recevoir une transfusion quelques heures avant un show. J’avais beau me dire que ça n’avait pas de sens, les critiques étaient toujours là pour me faire mentir, avec des élans plus dithyrambiques les uns que les autres. Oui, la scène t’aidait autant sinon plus que toute la pharmacopée oncolytique. Et aucun des artifices prescrits ne pouvait battre une rafle d’applaudissements nourris.
Jusqu’à ces derniers jours, où la douleur comme un tison s’est insinuée jusqu’à la moelle de tes os, t’assenant sans relâche ses relents vicieux pour rendre insupportable même l’effleurement d’une caresse. Tu as insisté pour rester chez toi avec tes filles jusqu’au bout, mais la douleur t’a ramené sur les genoux, au-delà des limites de ce qu’un corps peut endurer.
Et voilà que les choses déboulent et s’emballent et que ton corps décide qu’il n’en veut plus, alors que ta tête voudrait encore. Et nous qui courrons derrière pour essayer de te rattraper, mais déjà tu t’éloignes et je te regarde, impuissante, démolie, témoin des limites de ce que la science peut contre ces ignobles cancers.
Et que je n’entende jamais quelqu’un dire que tu auras perdu ta bataille ou terminé ton combat ; le cancer ne fait partie d’aucune forme de guerre loyale. Et puis s’il y a quelqu’un qui perd ici ce sera elle, la maladie, celle qui, en te volant quelques décennies, suffoquera à même sa lampée. Et puis nous, qui perdons un monument, une voix, un ancrage.
Mais pas toi. Tu n’auras rien perdu. Tu auras été un fringant jusqu’au bout, un troubadour debout et fier. Tu auras, comme m’a dit ton père, toujours gardé la tête haute.
Le célèbre chanteur Karl Tremblay est décédé cette semaine après une longue bataille contre le cancer et c'est tout le Québec qui pleure sa disparition.
Des milliers de fans des Cowboys Fringants se sont réunis pour lui rendre un dernier hommage dans plusieurs villes.
Les fans du groupe ont eu toute une surprise à L'Assomption lorsque deux membres du groupe sont venus sur place pour les saluer. La foule était en délire lorsque Jean-François Pauzé et Marie-Annick Lépine sont apparus sur scène.
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