Le déconfinement génère une bonne dose de stress pour certains, car la pandémie n'est pas enrayée. Le virus de la COVID-19 est toujours là. Avoir peur est une réaction normale et la «désapprendre» devra se faire en étapes.
Quand la pandémie a frappé au mois de mars 2020, tout a fermé on s’est senti coincé. D’un coup, on n’était plus libres de faire ce qu’on voulait. Mais, tout le monde –toute la planète, pratiquement - a dû faire la même chose exactement au même moment, soit «rentrer chez soi». Durant les premières semaines de printemps, alors qu’il faisait gris et que tout était fermé, on a eu peu de contacts avec les autres. En nous, la peur a rapidement pris de la place. «La peur est une émotion importante pour notre survie. Et on l’apprend très rapidement. Si on essaie de traverser une rue sans regarder et qu’on manque de se faire frapper... On n’a pas besoin de faire l’expérience 22 fois pour comprendre qu'il faut regarder des deux côtés avant. On va faire l’association rapidement. Avec le coronavirus, c’est la même chose. Quand le tout se passait en Asie, on trouvait que c’était loin. Puis, la situation en Italie et en Espagne, avec le nombre de morts qui grimpait, est arrivée. En même temps, on apprenait que certaines choses qui étaient neutres auparavant – entendre quelqu’un tousser, visiter des amis, sortir de chez soi, etc. – représentaient maintenant un danger potentiel d’attraper le virus», explique Marie-France Marin, professeure de psychologie à l’Université du Québec à Montréal. Notre cerveau a fait l’association : les autres = danger potentiel. Comme le virus est potentiellement partout et totalement invisible, tout un chacun peut être perçu comme une menace.
Toutefois, ce traumatisme – car, oui, ce que nous avons collectivement vécu en est un — a été vécu différemment par chacun. En fait, des experts rapportent que notre peur sera influencée par divers facteurs : les messages retenus à travers toutes les infos consommées (on remarque plus les scénarios catastrophes ou les bonnes nouvelles), la région habitée, le fait de connaître une victime, le travail, etc. Marie-France Marin apporte aussi une précision. «Personne n’était au même point de départ quand tout s’est arrêté en mars. Certains étaient déjà “loadés”, épuisés. Il y a aussi des gens qui aussi ont un fort trait d’anxiété. Biologiquement, les femmes ont aussi tendance à être plus touchées», mentionne-t-elle.
Se déconfiner à différentes vitesses
Quelque part entre nos peurs, nos appréhensions et nos incertitudes, l’envie de retrouver une vie «plus normale», de revoir nos proches et de se sentir libre s’est mise à grandir en nous. Encore une fois, à des degrés d’intensité différents pour chacun. Car la peur était toujours encore là.
Quand le confinement est tombé, plusieurs se sont mis à rêver du jour où il serait levé. En tête, on avait un scénario idyllique digne d’un film où tout redevient exactement comme avant, du jour au lendemain. La réalité a été bien plus complexe. Le déconfinement se passe en étapes. Il exige de la patience. Les permissions s’élargissent, mais bon nombre de nouvelles règles liées aux mesures sanitaires sont mises en place sans compter le maintien des gestes arrière. Ce déconfinement graduel se fait trop lentement pour certains qui se sentent lésés de voir que leur secteur d’activités ou leurs intérêts ne sont pas encore «libérés». .
Si on a cru que le confinement était difficile à vivre et à supporter, certains ne s’attendaient pas à être si perturbés au moment du déconfinement qui dans la réalité n’est pas celui de nos rêves. On a fermé le Québec comme on ferme le robinet d’un coup, en mars, mais le déconfinement, c’est le rouvrir au compte-goutte.
Les choix gouvernementaux liés au déconfinement n’ont pas fait l’unanimité : des plans semblaient un peu flous, des secteurs ont été privilégiés avant d’autres, des décisions ont été remises en question, etc. Et malgré les avertissements des instances politiques et de la santé publique, les gens ont aussi entamé leur propre déconfinement. Certains ont donc pris certaines libertés plus vite que les autres. Certains ont assoupli les règles liées à la distanciation sociale ou aux rassemblements. Certains ont adopté rapidement le masque, d’autres l'ont rejeté. D’autres ont continué à observer les règles dictées par le gouvernement.
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Désapprendre la peur
«Désapprendre la peur n’est pas simple. Quand on est stressé, notre cerveau est en mode “recherche de menaces”. Son attention est biaisée. Il focusse sur le négatif et ne remarque que les dangers potentiels. En fait, il ne voit pas tous les angles», souligne Marie-France Marin. L’explication est biologique. «Quand les hormones de stress s’activent, elles montent vers le lobe frontal, qui est le siège du jugement et du discernement, et perturbent son fonctionnement. Donc si on voit une voiture devant la maison de notre voisin, on pense tout de suite à "Il fait un party! Il ne suit pas les règles!" D’emblée, on ne pense pas au fait que quelqu’un vient peut-être lui livrer son épicerie. Quand notre cerveau est stressé, devant quelque chose d’ambigu, il ne prend pas de chance, il envoie une alerte de potentiel danger», explique la spécialiste. Ce réflexe est le même que nos ancêtres qui craignaient les mammouths : quand ils entendaient un bruit, ils l’associaient au mammouth et ne prenaient pas le temps de vérifier avant de fuir.
«Le stress aigu mobilise et nous pousse à l’action. Le stress chronique, par contre, cause de la fatigue et change même la façon dont on perçoit le monde. Des attitudes complètement contraires peuvent survenir : soit être hypervigileants et refuser de se déconfiner, ou avoir une attitude de “je-m’en-foutisme” total où plus rien n’est grave. Les extrêmes ne sont jamais bons», expose Marie-France Marin. Rester enfermés et dire qu’on attend le vaccin pour sortir et reprendre la vie normale, c’est ressentir une peur pathologie. Le risque 0 n’existe pas. Il faut s’enlever ça de la tête. Même avant la pandémie, cela n’existait pas. De l’autre côté du spectre, déclarer «Je n’ai pas peur du tout» n’est pas mieux. «Ce n’est pas normal. En fait, être aux aguets, c’est correct», dit-elle.
Se défaire de nos peurs en étapes
Pour désapprendre la peur qu’on a acquise rapidement, il faudra y aller en étapes. «C’est tout un défi, car on a été conditionné à avoir peur de trucs dont on n’avait pas peur avant et dont on ne se souciait que très peu. Il nous faudra plusieurs expositions à des situations qui à la base – avant mars – n’étaient pas dangereuses, mais qui le sont devenues ensuite», précise Marie-France Marin. Il faut donc aussi y aller graduellement : on ne passera pas de chez soi, en sécurité, à un tour dans transport en commun bondé. Il faut faire des petits pas, des petites expériences. «Il est normal d’être inconfortable et de ne pas se sentir bien. Lors du premier BBQ, on n’a pas de fun. On analyse tout. Mais c’est ainsi qu’on apprend à tolérer l’inconfort. Tranquillement, notre cerveau va comprendre que c’est ok, que ce n’est pas dangereux», ajoute-t-elle. C’est clair
Quelques mises en situation et comment y réagir
- On veut inviter des amis à la maison, mais on se demande comment faire.
Accueillir des gens chez nous exige plus de planification qu’avant. Pour les premières fois, avec potentiellement chaque personne, on sentira que c’est moins spontané. Il faut penser à ce qu’on est prêt à accepter et à faire avant même de lancer l’invitation. Avec nos amis, on ouvre la discussion pour connaître aussi leurs positions (exemple : «Toi, comment tu vois ça?» ou «Est-ce que tu es à l’aise de…?»). On annonce nos couleurs aussi. Ensuite, on prend la décision finale. Peut-être qu’on n’invitera pas les mêmes personnes qu’avant.
- On est invité chez quelqu’un : quoi faire si on a peur?
On pose des questions, les mêmes que lorsqu’on invite des gens chez soi. Soyez francs. «Comment ça se passe chez vous? Quelles sont les règles que vous appliquez?» On n’est pas obligé de répondre tout de suite à une invitation et plutôt prendre le temps d’y penser. Si on est mal à l’aise, on peut simplement le nommer. On essaie de trouver des compromis pour tolérer à notre rythme l’inconfort. On vous invite pour un après-midi et le souper? On propose d’y aller que pour l’apéro. Cependant, il faut faire attention. Si on reste dans «Si je n’y vais pas, je suis bien», on ne sortira plus jamais. L’évitement nourrit la peur. Il faut s’exposer graduellement.
- Dans un rassemblement, on s’aperçoit que les autres invités ne respectent pas les règles (ou les assouplissent plus que nous!).
Il faut apprendre à tolérer l’inconfort tout en se respectant. Si ce n’est pas exactement comme on pensait, on essaie de trouver un compromis qui nous permet de ne pas être totalement paralysés par la peur. Par exemple, on pourrait dire que l’on préfère rester avec les gens à l’extérieur et ne pas entrer dans la maison.
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